Manchester City sauvé par le TAS, le City Football Group respire
Cela fait maintenant plusieurs mois que Manchester City attendait le dénouement de cette affaire. Condamné en février dernier par l’UEFA à une exclusion de toutes compétitions européennes pendant deux ans et à payer une amende de 30 millions d’euros pour avoir violé les règles du Fair-play financier, Manchester City avait directement fait appel auprès du Tribunal arbitral du sport (TAS). Après une audition début juin, l’instance basée à Lausanne a tranché en faveur du club anglais.
La décision était cruciale pour Manchester City : les deux prochaines saisons risquaient de sonner comme un déclassement avec le départ de plusieurs de cadres, voire de l’entraîneur Pep Guardiola, dont la participation à la Ligue des champions était non négociable. Ce sera plutôt la continuation du projet des Citizens et derrière, sa multinationale du football. Une histoire débutée il y a plus de douze ans lors du rachat du club à l’été 2008.
Depuis plusieurs années maintenant, Manchester City est l’élément phare du City Football Group, une société évaluée à cinq milliards de dollars, qui détient neuf clubs sur quatre continents et qui employait en 2018 plus de 1000 salariés dont plus de 200 footballeurs professionnels. Détenu à 78% par l’Abu Dhabi United Group, dont le propriétaire n’est autre que le cheikh Mansour - le demi-frère de Mohammed Ben Zayed, leader politique des Émirats arabes unis -, le City Football Group est né de la maturation d’un projet qui a débuté en 2008 avec le rachat de Manchester City.
"City", la marque parfaite
À l’époque, Mansour considérait que "d’un simple point de vue commercial, le football anglais est un des meilleurs produits de divertissement au monde et nous voyons cet achat (l'acquisition de Manchester City en 2008, ndlr) comme un très bon investissement". Après avoir remporté la Premier League avec Manchester City en 2012, Mansour se lance dans le projet City Football Group aux côtés de Ferran Soriano, ancien membre de la direction du FC Barcelone. Le Catalan conseille au cheikh d’acquérir des clubs à travers le monde, et se voit chargé de fonder une équipe à New York. Le New York City FC est le second club, avec Manchester City, à entrer dans la galaxie du City Football Group, qui voit officiellement le jour en 2014.
Depuis six ans, cette multinationale du sport grandit à toute vitesse. Et avec elle, l’influence d’Abu Dhabi selon Raphaël Le Magoariec, spécialiste des politiques sportives des États du Golfe et doctorant à l’université de Tours : "Avec le City Football Group, Abu Dhabi gagne en influence bien au-delà du simple cadre sportif. L’achat de nombreux clubs a pu être analysé comme une stratégie sportive globale pour aider Manchester City. Mais il est un peu naïf de penser de cette manière. Avec tous ces clubs, Abu Dhabi noue des liens avec des entreprises et des conglomérats qui appartiennent à des tissus économiques qu’ils souhaitent intégrer."
L’objectif de l’émirat est clair, et le City Football Group fait bien le travail. Depuis 2014, les rachats et investissements se multiplient à travers le monde : en Australie avec le Melbourne City FC, au Japon avec les Yokohama Marinos, en Uruguay avec le Montevideo City Torque, en Espagne avec le Girona FC, en Chine avec le Sichuan Jiuniu, en Inde avec le Mumbai City FC et dernièrement, en mai dernier, en Belgique avec le Lommel SK. L'AS Nancy Lorraine aurait également dû entrer dans la galaxie City Football Group mais alors que l'affaire semblait bouclée, la crise du Covid-19 a tout remis en question. Le City Football Group prospère donc à travers le monde, ce qui poussait en 2017 Ferran Soriano à s’en féliciter auprès du Guardian : "Notre marque est parfaite, parce que c’est "City" et que nous pouvons rajouter ce mot à n’importe quel nom de club".
Développer le "City game"
Si Abu Dhabi devient de plus en plus présent, grâce à une stratégie de politique étrangère discrète, l’émirat n’oublie pas d’apporter au projet une dose de sport. "Le football, c’est le vernis, et sous le vernis, ils gagnent en influence", explique Raphaël Le Magoariec. Mais les projets de développement sportif du City Football Group fonctionnent également à merveille. "Les rapports humains au sein du groupe sont exceptionnels, il y a une grande confiance et des liens permanents", explique ainsi Erick Mombaerts, entraîneur de Melbourne City FC depuis le mois de juin 2019.
Avant d’atterrir en Australie, Mombaerts avait rejoint le City Football Group en 2015 comme entraîneur des Yokohama Marinos. Depuis, l’ancien sélectionneur des Espoirs s’est attaché au groupe et souhaite y terminer sa carrière, notamment car les infrastructures et les conditions de travail y sont "extraordinaires". Surtout, Mombaerts souligne "la méthodologie particulière, propre au groupe", qu'il a contribué à développer entre son départ du Japon et son arrivée à Melbourne. "Quand on est entraîneur au City Football Group, on doit mettre en place un projet de jeu, qu’on appelle le "City game"", explique Erick Mombaerts, qui précise que l’objectif est de s’inspirer des principes de jeu prônés par Pep Guardiola à Manchester. Un "City game" que, théoriquement, toutes les équipes du City Football Group doivent adopter et suivre à la lettre et qui fait l'objet de vérification de la part de la direction.
Voir sur Twitter
Outre cette identité de jeu commune, les liens entre tous les clubs du City Football Group sont forts : Daniel Arzani, jeune prodige australien issu du Melbourne City FC, a rejoint Manchester City en 2018 ; David Villa a fait une pige à Melbourne en 2014 avant d'évoluer au New York City FC ; Patrick Vieira a entraîné les U23 de Manchester City avant de coacher le club américain. Erick Mombaerts, de son côté, n’hésite jamais à solliciter Manchester City pour des aides et les stages en Angleterre des filiales du City Football Group sur les installations du club anglais se multiplient.
Des villes dynamiques pour étendre l'influence du groupe
Cette proximité entre toutes les équipes du City Football Group fait que chaque club a suivi de près la décision du TAS. "Bien évidemment qu’on est très au courant de cette actualité et qu’on va regarder ça. L’objectif à moyen terme du groupe, c’est de gagner la Ligue des champions, et la sanction retarderait le projet", affirmait Erick Mombaerts avant la levée des sanctions prononcées ce lundi. Si une autre décision aurait pu écorner l'image du club, Raphaël Le Magoariec considère que "le football n’est là que pour donner du sens à cette mise en avant sur la scène internationale de l’émirat d’Abu Dhabi".
Autrement dit, même si Manchester City avait été interdit de Ligue des champions pendant deux ans, le bien-fondé du City Football Group n'aurait pas été remis en question. Là, les affaires pourront se poursuivre de plus belle et la multinationale du football pourra continuer à se développer. En 2015 et en 2019, le groupe a ainsi permis l’entrée au capital d’investisseurs chinois et américain, "ce qui permet d’avoir une possibilité d’influence dans des pays que vise l’émirat dans sa diversification économique", ajoute le chercheur.
En s’implantant à Mumbai, Chengdu pour le club chinois de Sichuan, Manchester, New York, Melbourne, le City Football Group vise des villes dynamiques - où la culture et la technologie sont particulièrement développées - où étendre ses réseaux d’influence. Des villes où les projets sportifs du groupe permettront à ces clubs de disposer d’infrastructures de plus haut niveau. Et des villes aux quatre coins du monde où les staffs et les joueurs des différentes filiales du City Football Group ont remporté une victoire sur tapis vert.
Lancez la conversation
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.