Football : Neymar, génie mal-aimé et roi des montagnes russes
Comme un couple qui se rend à l'évidence sans larmes, colère ni assiettes brisées, le PSG et Neymar ont tourné la page. Le Brésilien s'est officiellement engagé avec le club saoudien d'Al-Hilal, mardi 15 août, après six années passées dans la capitale. Le constat d'échec du projet galactique a été tiré pour de bon. En quête d'une vraie nouvelle ère depuis deux ans, Paris fera sans celui qui était attendu comme le guide vers les cimes du football européen.
Un départ accueilli avec soulagement par certains, lassés par l'intermittence de son talent et ces blessures redondantes, tombant à chaque approche d'une grande échéance européenne. Chez d'autres, difficile de chasser l'amertume. Enfin opéré à la cheville, "Ney" venait tout juste de revenir de quatre mois de convalescence et communiquait positivement.
"J'espère jouer cette saison, j'ai un contrat avec le Paris Saint-Germain. Je suis serein, même s'il n'y a pas beaucoup d'amour entre les supporters et moi. Je serai là avec ou sans amour", avait-il assuré fin juillet, répondant aux rumeurs d'une vente par le club, dans une interview avec le journaliste brésilien Casimiro Miguel diffusée sur Twitch. Les paroles et les promesses de sa prestation lors du dernier match de la tournée de préparation, lorsqu'il avait transfiguré ce PSG inoffensif en marquant un doublé contre le club sud-coréen de Jeonbuk (3-0, score final) resteront vaines.
Toujours un bémol
En dépit de ses 123 rencontres manquées à cause de pépins physiques (il en a joué 173 au total avec Paris), d'après un décompte de Transfermarkt, l'enfant de Santos avait ce quelque chose en plus qui lui a permis de toujours raviver l'espoir. De l'abnégation déjà, pour trouver la motivation d'enchaîner les rééducations. Mais surtout une qualité technique et une vision de jeu hors normes, qui ont fait passer beaucoup de ses adversaires pour des amateurs.
Le problème est qu'il y a toujours eu un "mais". Il avait réussi à se faire huer par le Parc des Princes lors de son quadruplé contre Dijon en février 2018 (8-0), noté 10/10 par L'Equipe, en ne laissant pas Edinson Cavani tirer un penalty qui lui aurait permis de dépasser Zlatan Ibrahimovic. Souvent, Neymar a brillé pour répondre aux supporters, perpétuant cette relation conflictuelle.
A l'image de ce retourné acrobatique salvateur face à Strasbourg, en septembre 2019, offrant la victoire au PSG à la 93e minute (1-0). Un geste fou, réalisé après avoir été sifflé par ses propres supporters pendant l'ensemble de la rencontre à cause de ses envies de départ pour Barcelone, inassouvies mais rendues publiques pendant l'été. "Je suis un joueur de Paris et s'ils veulent continuer à m'insulter, pas de problème. À partir de maintenant, je sais que je jouerai tous les matchs comme si j’étais à l’extérieur", avait lâché le Brésilien en zone mixte après la rencontre.
Son seul moment de plénitude sous les couleurs parisiennes n'aura duré qu'une semaine en août 2020, à 1 700 kilomètres de la capitale. Lors du Final 8 de Lisbonne, qui a vu le PSG tracer sa route jusqu'à sa toute première finale de Ligue des champions (perdue 1-0 contre le Bayern Munich), Neymar s'est montré au sommet de son art. Décisif sur les deux buts de son équipe face à l'Atalanta (2-1), il avait voltigé lors de la demi-finale contre Leipzig (3-0), donnant l'impression que rien ne pouvait lui arriver. Tout s'était arrêté brutalement en finale. "Ney", à l'instar de ses coéquipiers, n'avait pas réussi à peser sur la rencontre.
Des très hauts, des très bas
Beaucoup d'épisodes sont venus recouvrir cette idylle éphémère. Certains positifs, comme sa première vraie déclaration d'amour au PSG en février 2021 : "Je t'aime PSG". D'autres, moins reluisants, comme la teneur globale de sa saison 2021-2022, passée à se marcher dessus avec Lionel Messi quand il était disponible. Le reste du temps, son hygiène de vie a été pointée du doigt et de nouvelles blessures l'ont freiné, au point qu'il a débuté sur le banc lors du huitième de finale aller contre le Real Madrid (1-0) sans que son absence ne soit déplorée.
Les montagnes russes ont recommencé la saison suivante. Le Brésilien a démarré en trombe, étant directement impliqué sur 15 buts (9 buts, 6 passes décisives) lors de ses six premières sorties. De loin le meilleur joueur parisien jusqu'à la trêve hivernale, il est revenu de la Coupe du monde blessé et avec une nouvelle déception internationale à digérer après 2014 et 2018. Décidé à jouer toutes les rencontres, il est de la partie fin janvier face aux amateurs de Pays de Cassel en Coupe de France (7-0) quand Lionel Messi est laissé au repos.
En même temps qu'il ralentit la cadence, le PSG se ratatine, au point d'inquiéter en février, juste avant le début de la phase à élimination directe en Ligue des champions. Photographié devant un fast-food et à un tournoi de poker le lendemain soir du huitième de finale aller perdu contre le Bayern (0-1), Neymar redevient le coupable idéal. Trois jours plus tard, le Brésilien répond présent sur le terrain face à Lille en Ligue 1 mais doit quitter ses partenaires sur civière après un choc violent sur sa cheville fragile. La blessure de trop pour certains supporters, mais surtout pour le club de la capitale, qui ne l'alignera plus jamais en compétition officielle.
L'exil ou le rebond
Dernier artiste à la brésilienne, de ce football rusé et théâtral, peut-être a-t-il vu son plaisir de joueur trop souvent écrasé par le poids des attentes découlant de son transfert démesuré, qui reste, à ce jour, le plus onéreux de l'histoire (222 millions d'euros). Neymar n'a jamais demandé plus de responsabilités. Il avait même demandé à ne plus être capitaine de sa sélection en 2016. En plus des blessures et des échecs sportifs collectifs, son style de jeu, celui du dribbleur provocateur, émerveille autant qu'il agace.
Neymar est un habitué du désamour "comme c’était le cas avec le Brésil où il était aimé un jour puis détesté le lendemain avant qu’il ne gagne les JO 2016", analysait la légende brésilienne du PSG, Rai, sur RMC en juin 2022. Il ne s'en est jamais accoutumé. Au contraire, c'est un mal qui le ronge et dont il n'a jamais caché l'impact négatif chez lui. Ses prises de parole publiques ont été relativement rares et toutes ont fait état de son mal-être.
"J'ai connu des moments où je voulais arrêter de jouer. Une fois, je suis arrivé au point de me demander : à quoi bon continuer s'ils n'aiment pas ça ?", avait admis ce dernier dans un entretien au magazine britannique Gaffer début 2021. Un an plus tard, il a réitéré, dans un entretien à DAZN : "Je ne sais pas si je serai assez fort mentalement pour continuer à gérer ma vie de footballeur par la suite."
La suite de sa carrière s'écrira donc en Arabie saoudite où une grande fête l'attend. Tout semble indiquer que le Brésilien a fait une croix sur ses ambitions au plus haut niveau européen, à seulement 31 ans. Mais le spécialiste des montagnes russes a passé sa carrière à enchaîner les come-back, et il n'en est sûrement pas à sa dernière espièglerie.
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