Euro 2021 : les champions du monde 1998 donnent les clés pour réaliser le doublé
Championne du monde en titre, l’équipe de France débute son Euro mardi face à l’Allemagne, avec pour objectif de réaliser le doublé. Un exploit que seules deux équipes ont réalisé par le passé.
C’est une entrée en matière attendue et compliquée qui attend l’équipe de France, mardi 15 juin, pour son premier match de l’Euro 2021 face à l’Allemagne. Cette première grande affiche de la compétition en dit long sur le parcours qui attend les Bleus pour décrocher un troisième titre européen (après 1984 et 2000), leur objectif.
S'ils parviennent à traverser le continent, de Munich ce mardi à Londres le 11 juillet prochain, ils pourraient entrer dans le panthéon du football européen et réaliser ce que deux équipes seulement ont fait par le passé : une victoire en Coupe du monde suivie d’une victoire à l’Euro (dans cet ordre). En 1974, l’Allemagne de l’Ouest de Franz Beckenbauer et Gerd Müller avait bien remporté la Coupe du monde deux ans après avoir remporté l’Euro, mais le doublé était réalisé dans le sens inverse. L’Espagne de la fin des années 2000, de son côté, n’a pas choisi l’ordre de son doublé et a fait les deux : Euro 2008 et Coupe du monde 2010, d’abord, puis Coupe du monde 2010 et Euro 2012, ensuite.
Dix-huit Bleus ont déjà réalisé le doublé
L’autre équipe à avoir réalisé cet exploit - une victoire en Coupe du monde puis à l'Euro -, n’est autre que l’équipe de France en 1998 et en 2000. Une performance exceptionnelle que les Bleus souhaitent imiter cet année. "Le doublé Coupe du monde et Euro, ça fait rêver", déclarait Raphaël Varane à Téléfoot en mars dernier.
La recette de ce doublé, dix-huit joueurs français présents à la Coupe du monde 1998 et à l’Euro 2000 la connaissent. Didier Deschamps, le premier et le plus averti d’entre eux, car il était capitaine lors de ces deux épopées, livrait une analyse minimaliste à l’AFP mi-mai. Gagner le Mondial puis l’Euro, "ça ne se fait pas en un claquement de doigts", expliquait ainsi Didier Deschamps, qui préfère sans doute transmettre en priorité à ses joueurs la formule pour envisager l’exploit.
"Oui, il y a une recette. Il y a même plusieurs recettes pour réaliser ce doublé", nous avertit de son côté Vincent Candela (40 sélections), vainqueur des deux compétitions il y a plus de vingt ans et désormais agent de joueurs. "Il faut un groupe d’hommes très uni, capable de se battre ensemble pendant plus d’un mois", poursuit l’ancien latéral gauche des Bleus. Autrement dit, des joueurs capables de résister à la pression. Après sa victoire à la Coupe du monde 2018, l’équipe de France sera en effet l’équipe à abattre. Celle que tout le monde voudra faire trébucher.
"Tout le monde rêvait de nous taper"
Un statut de favori que les champions du monde 98 ont vécu en 2000. "On savait que tout le monde rêvait de nous taper", nous explique Emmanuel Petit (63 sélections), buteur face au Brésil en finale de la Coupe du monde 1998 (3-0) et aujourd’hui consultant pour RMC Sport. Mais plutôt que de redouter les premiers matches, "on a essayé de se mettre dans la tête ce statut d’équipe à battre et une fois que c’était fait, c’est devenu une vraie source de motivation", nous indique de son côté Robert Pirès (79 sélections), qui commentera les matches de l’Euro sur M6.
"C’était le message de Roger [Lemerre, sélectionneur en 2000]. Il nous disait : "Les équipes en face n’ont qu’une envie, c’est de vous battre". Il nous a avertis plusieurs fois et après sur le terrain, c’était à nous d'assumer", complète l’ancien joueur d’Arsenal. Un message que n’a pas dû manquer de transmettre Deschamps. Mais ce levier psychologique peut-il réellement fonctionner, alors qu’une bonne partie des Bleus présents pour cet Euro n’étaient pas de l’aventure en 2018 ?
En trois ans, l’équipe de France a eu le temps de changer et sur les 23 joueurs présents en Russie, seuls 14 le sont encore aujourd’hui parmi les 26 Bleus convoqués par Didier Deschamps. En 2000, parmi les 22 joueurs retenus par Roger Lemerre pour l’Euro, dix-huit avaient remporté la Coupe du monde deux ans plus tôt. Une stabilité qui a permis aux Bleus de réaliser le doublé selon Pirès : "Quand Roger [Lemerre] a pris la suite d’Aimé [Jacquet, sélectionneur en 1998], il a fait le bon choix de ne pas bouleverser l’équipe."
Se reposer sur son ossature
"Ils ont eu l’intelligence de ne pas trop toucher à l’équipe, c’était un vrai atout", confirme Candela. À l’Euro 2000, seules quatre nouvelles têtes débarquent : Ulrich Ramé, Johan Micoud, Sylvain Wiltord et Nicolas Anelka. "Ces joueurs n’ont pas eu le choix et ont dû se mettre rapidement au niveau en matière d’exigence et de discipline. Et finalement, ils nous ont bien aidés", analyse Pirès. Une continuité sur laquelle pourra se baser en partie Deschamps, malgré le renouvellement de l’effectif.
Il faut ce côté mégalo, ce côté égocentrique, pour pouvoir te surpasser. Il faut avoir envie de marquer l’histoire, de laisser son nom de manière indélébile dans l’histoire du football.
Emmanuel Petit
"Lemerre a profité de cette continuité, a su capitaliser dessus. Il s’est basé sur une ossature qui existait déjà, sur des certitudes. L’avantage de Deschamps, c’est qu’il va pouvoir compter sur cette ossature qui a remporté la Coupe du monde", observe Petit. Hugo Lloris, Raphaël Varane, N’Golo Kanté, Paul Pogba, Antoine Griezmann, Kylian Mbappé, Olivier Giroud… Autant de joueurs titulaires en 2018 et de "grands professionnels qui ont encore envie de faire quelque chose de très grand", selon l’ancien milieu de Chelsea.
La recette pour réaliser ce doublé Coupe du monde-Euro passe également par "une haute estime de soi", explique Petit : "Il faut ce côté mégalo, ce côté égocentrique, pour pouvoir se surpasser. Il faut avoir envie de marquer l’histoire, de laisser son nom de manière indélébile dans l’histoire du football. Quand on est joueur, on aime bien exister de manière éternelle et la sélection nationale t’offre cette possibilité." Après la France 98 et l’Espagne, les Bleus de Deschamps rejoindraient une caste de très grandes équipes à avoir réalisé le doublé.
Éviter de prendre la grosse tête
Sauf que la frontière est poreuse entre estime de soi et orgueil démesuré. Preuve en est la Coupe du monde 2002. "À ce moment-là, on n’avait plus faim. Mentalement, on n’y était pas. On s’est dit qu’on avait des jokers après avoir gagné deux compétitions. Donc au lieu de faire tel ou tel truc à 100%, on le faisait à 60%. Ça s’est vu, et on s’est fait taper", analyse Petit. Déjà à la retraite lors de ce Mondial 2002, Deschamps n’est pas du genre à laisser passer ce type d’écueil.
"C’est l’homme idéal pour canaliser l’énergie des joueurs, bien les recadrer et les faire se concentrer sur un seul objectif : remporter l’Euro", croit savoir Pirès. Un autre élément pourrait booster la motivation des joueurs, selon Petit : "Après le titre en 1998, il y a eu des critiques sur notre jeu, sur le fait qu’accueillir la Coupe du monde nous avait avantagés. On ne l’a pas bien pris. Et on savait pertinemment que l’Euro, c’était un niveau au-dessus du Mondial d’un point de vue footballistique. Donc on a voulu prouver à tout le monde qu’on pouvait élever notre niveau de jeu et aller au bout à nouveau."
Deschamps connaît la recette
L’équipe de France de Deschamps fait justement l’objet de critiques régulières en raison d’une qualité de jeu trop aseptisée et pas assez spectaculaire. De quoi inciter les joueurs à se dépasser, "d’autant que Didier (Deschamps) est le premier à savoir que l’Euro sera plus compliqué que la Coupe du monde parce qu’il a vécu cet enchaînement en tant que joueur." Un doublé harassant psychologiquement et difficile footballistiquement, que n’a pas réussi à réaliser l’Allemagne à l’Euro 2016, en butant en demi-finale sur... la France.
Cinq ans plus tard, les Bleus ont grandi, acquis une expérience indéniable et font partie des grands favoris à la victoire finale lors de cet Euro. Avec Didier Deschamps - qui pourrait devenir le premier à réaliser le doublé Coupe du monde-Euro comme joueur puis comme entraîneur - à la tête de cette équipe, tout semble possible. Lui possède la recette. Aux joueurs dorénavant de trouver les ingrédients sur le terrain, et ce dès mardi contre l’Allemagne.
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