Rétrogradations : qu'arrive-t-il aux clubs de foot professionnels?
Pour les clubs de football, la fin de saison est synonyme de comptabilité et de grands oraux. Pour ceux qui sont le plus en difficulté, le passage devant la DNCG est obligatoire. C'est notamment le cas pour les clubs qui descendent de division. Car si la ligue des Champions représente une manne financière conséquente, à contrario, une rétrogradation est souvent synonyme de perte significative d'argent.
Cette année, ils sont étonnament nombreux dans ce cas. Sur son site, la LFP établit chaque année la liste des clubs "qui n'ont pas réussi leur examen ". Ils sont huit à avoir été rétrogradés à la fin de la saison 2013 : Tours, Lens, Nancy, Ajaccio GFC, Amnéville, Rouen, Le Mans et Sedan.
Surtout des clubs pros
Après l'appel devant la DNCG, seuls Le Mans, Sedan, Rouen et Amnéville ont vu leur sanction confirmée. Les quatre autres ont néanmoins vu leur masse salariale encadrée, comme Valenciennes, seul club de Ligue 1 à connaitre une telle situation. Ils sont par contre quatre clubs de Ligue 2,13 clubs de National et 38 clubs de CFA (!) dans ce cas. Ils auront, notamment, interdiction de recruter.
A la fin de la saison 2012, seuls deux clubs avaient été rétrogradés, et de National à CFA : Gap et Agde. La LFP note elle-même que "contrairement aux années précédentes, les sanctions sont surtout tombées contre les clubs pros ".
Trop dépendants des droits TV
Des clubs pros aux situations différentes, mais qui ne parviennent pas à remplir les critères budgétaires imposés par le gendarme financier de la Fédération Française de Football (FFF). Pour Frédéric Bolotny, l'explication est simple : les clubs sont trop dépendants des droits télé.
"Le passage de la Ligue 2 au National est très compliqué car on perd les droits TV, qui représentent près de 5 millions de budget pour les clubs. S'ils ne remontent pas directement, ils meurent! ", explique-t-il.
En effet, les chiffres de la saison 2011/2012 sont éloquents. En 2012, l'argent provenant des droits télé représentait 54% de du budget des clubs de Ligue 2. Retomber en National est donc très compliqué, d'autant plus lorsqu'en raison de résultats sportifs médiocres, comme ce fut le cas pour Le Mans ou Sedan, la billetterie ou les sponsors sont également en chute libre.
Le Mans, un stade trop cher
La faute à ce chiffre : 14,4 millions d'euros. C'est le déficit avec lequel le club a terminé l'exercice précédent. Le Mans était en Ligue 2, et avait terminé à la 18ème place, synonyme de relégation en National.
Il avait déjà subi les critiques de la DNCG en 2012, et avait même été rétrogradé en National, déjà. Mais la sanction avait été annulée en appel. Cette fois-ci, c'est en DH que Le Mans est rétrogradé - soit le sixième échelon du football français.
"Une remontée possible du club, qui permettrait de rentabiliser le stade, s'éloigne. La perspective de remonter en Ligue 1, la seule pour laquelle un stade de 25.000 places serait rentabilisé, s'en va .", explique Jean-Pascal Gayant, économiste.
Si le club venait à déposer le bilan, comme annoncé par Ouest France , la ville du Mans risque de devoir payer jusqu'à 44 millions d'euros à l'exploitant Vinci, les deux structures étant colocataires du stade construit l'année dernière, la MMArena.
Sedan, l'espoir brisé de l'investisseur
Pour Sedan, la donne est différente. Le problème ne se situe pas au niveau du stade (23.000 places tout de même) mais surtout une dette de 8 millions d'euros. Jusqu'au dernier moment, le club ardennais a cru pouvoir s'en sortir avec l'apport d'un investisseur étranger, un prince saoudien intéressé par le projet et qui promettait de renflouer les caisses du club de 12 millions d'euros.
Il a jeté l'éponge au dernier moment, à la veille de l'audition en appel du club. Le club va donc être exclu des championnats nationaux et perdre son statut professionnel. Le président a déclaré que le club acceptait la relégation en CFA et allait se déclarer en cessation de paiement pour déposer le bilan avant de pouvoir repartir de l'avant, avec le risque de redémarrer en DH.
Pour Frédéric Bolotny, cela s'explique notamment par le fait qu'aujourd'hui "le modèle financier des clubs français est structurellement déficitaire. Dès lors, il est compliqué de tenir un budget sans l'apport d'un investisseur, généralement étranger ". Difficile de ne pas y voir un clin d'oeil à Monaco et au PSG.
Rouen et Amnéville, cas à part
La situation est encore différente pour Rouen, rétrogradé en CFA (voire en DH) et Amnéville, forcé de passer de la CFA à la CFA2. Pour Rouen, elle est d'autant plus particulière que le club était tout proche de monter en Ligue 2, cette année.
Mais des rétrogradations successives en National depuis 2003-2004 (toujours ces histoires de droit télé), ainsi qu'une situation structurelle compliquée (deux dépôts de bilan durant les années 90) ont eu raison du club rouennais, qui avait cette année un passif de 2,2 millions d'euros.
Dans le cas d'Amnéville, la DNCG a estimé que le club ne présentait pas suffisamment de "garanties " pour appuyer un bilan prévisionnel positif. D'où la rétrogradation de CFA à CFA2, qui reste moins compliquée que de L2 à National.
Le paradoxe européen
Paradoxalement, l'endettement des clubs français est relativement faible comparé à celui de ses homologues européens. Un rapport de la LFP montre que 95% des clubs professionnels français avaient des fonds positifs (chiffres de 2010), alors qu'ils étaient seulement 45% en Angleterre ou 65% en Espagne, où certains clubs ont des déficits gigantesques. Il est connu que le Real Madrid, notamment, voit régulièrement sa dette épongée par le roi d'Espagne. En Angleterre, un club comme Manchester City a dépensé près d'1 milliard d'euros en quatre ans.
Or, dans ces pays, un organe comme la DNCG n'existe pas (sauf en Allemagne, qui possède une situation très maîtrisée). En Angleterre et en Espagne, mais aussi en Italie, il commence à se mettre en place, notamment en vue de répondre aux critères que va bientôt imposer le "fair-play financier " de Michel Platini.
"En Europe, les clubs peuvent repartir dans leur saison avec des déficits bien plus importants qu'en France. Mais il ne faut pas exagérer cette tendance. La différence, c'est que la majorité des clubs européens est propriétaire de son stade. Pas les clubs français ", conclut Frédéric Bolotny.
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