Yves Camdeborde : "Je ne me vois pas chanter l'hymne de la Section Paloise seul avec les supporters à 10m de moi"
Bonjour Yves, comment se passent vos journées alors que les restaurants n'ont toujours pas l'autorisation de rouvrir ?
Yves Camdeborde : "J'ai loué une maison dans le Lubéron juste avant le confinement. Par rapport à des collègues, je vis dans des conditions très favorables. J'ai pu passer du temps en famille, chose que je ne peux pas forcément faire avec mon métier. J'ai tout même une grande inquiétude pour la réouverture et mes 90 employés au chômage technique. On est encore dans le flou."
La menace pèse sur l'ensemble des métiers de la restauration et de l'hôtellerie, quelle que soit la qualité des établissements...
Y. C : "On peut même intégrer le tourisme avec nous. On vit dans la peur et dans l'incertitude. Je me demande si l'on va retrouver une vie normale !"
Est-ce que la distanciation sociale est possible dans un restaurant ?
Y. C : "À long terme, c'est impossible. Parce que le restaurant est une expérience humaine. J'ai entendu que l'on va devoir pratiquer de la vente à emporter mais cela ne m'intéresse pas ! Si j'ai choisi ce métier, c'est parce que j'aime les gens. Je veux leur parler, les serrer dans mes bras, ça fait partie du plaisir que j'ai à pratiquer mon métier. Nous allons mettre en pratique les mesures de distanciation sociale, même si ça sera difficile pour ma génération de vivre avec ça. Peut-être que la prochaine génération sera habituée ? Je ne suis pas sûr de retrouver ces tables animées, de partage qu'on avait, dans un milieu professionnel."
Comment mettre en place la distanciation sociale en cuisine ?
Y. C : "Ce sera la grosse complexité. On a une chance avec les normes HACCP (système de maîtrise des risques sanitaires des aliments) installées depuis une quinzaine d'années en cuisine. La seule norme qu'on n'avait pas, c'était les masques. Pour la cuisine, ce sera la proximité qui posera problème. Lorsque l'on compose une assiette, cela implique cinq intervenants différents ! Mais on a besoin de cette cohésion d'équipe. Pour prendre un autre exemple : c'est comme si on demandait de faire une mêlée sans se toucher. On a besoin l'un de l'autre. Et en cuisine, c'est la même chose."
En parlant de rugby, êtes-vous resté en contact avec ceux que vous connaissiez en Top 14 ?
Y. C : "Ils ont une vision identique à la nôtre concernant l'avenir. J'ai eu Fabien Galthié au téléphone, il se pose de nombreuses questions sur l'avenir du rugby. Les réglementations imposées risquent d'enlever l'essence même de mon métier comme celle du rugby. Pour le stade, c'est pareil. Moi qui y vais souvent, je suis transcendé en voyant mon équipe ou l'équipe de France gagner ! Mais j'ai besoin de partager cette victoire au toucher des autres, avec les supporters autour de moi. C'est cette ferveur populaire qui nous rassemble. Je suis un fervent supporter de la Section Paloise, et bien je ne me vois pas chanter l'hymne du club seul avec les supporters à 10m de moi."
Pour vous, disputer des matches de rugby à huis clos n'est pas envisageable ?
Y. C : "De mon côté, c'est impossible. Après, j'imagine bien qu'il existe des enjeux financiers qui me dépassent complètement et que c'est possible de jouer sans public. Peut-être qu'au football, on peut le faire mais au rugby, lorsque l'on voit l'importance du public à la maison...C'est pratiquement décisif."
Qu'est que l'on peut vous souhaiter dans les semaines à venir ?
Y. C : "Que tout le monde ait la santé, déjà. C'est très dur lorsqu'on voit que plus de 25 000 personnes ont été tuées par le virus. J'espère que je ne devrai pas me séparer d'une partie de mon effectif. Se séparer d'un collaborateur serait très dur émotionnellement. J'espère aussi que chacun d'entre nous à son petit niveau prend conscience de la situation écologique actuelle. Il faut vraiment que tout le monde réfléchisse à son quotidien pour que la Terre se porte mieux. Histoire de ne plus revivre cette situation qui m'inquiète énormément."
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