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Ukraine : les supporters du Dynamo Kiev, la tête (aussi) à la guerre

Alors que leur équipe affronte ce jeudi Guingamp en 16e de finale de Ligue Europa, les supporters du club ukrainien du Dynamo Kiev organisent des collectes pour venir en aide aux combattants dans l'Est. Un contexte difficile, alors même que certains membres des clubs de supporters les plus actifs participent eux-mêmes aux combats contre les séparatistes pro-russes.
Article rédigé par Jérôme Cadet
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
  (L'emblème du bataillon Azov, ultra-nationaliste, s'affiche sur le t-shirt d'un des ultras du Dynamo Kiev © RADIO FRANCE/Jérôme Cadet)

Malgré le cessez-le-feu, les combats se poursuivent dans l’Est de l'Ukraine, entre l’armée ukrainienne et les séparatistes pro-russes. Et les supporters ukrainiens n’ont pas vraiment la tête au foootball. Dans l’un des fiefs des Ultras du Dynamo Kiev - c’est un modeste local dans un petit hôtel du centre -, à deux jours du match, les supporters souvent très jeunes viennent acheter leur place. Mais ils apportent dans le même temps de l’aide pour ceux qui se battent dans l’Est du pays. C’est ce qu’a fait Tania : "J’ai apporté des bonbons, du lait concentré, des paires de chaussettes; du dentifrice, du savon… Enfin des petites choses pour la vie quotidienne. Quand tout le monde donne un peu, ça finit par faire beaucoup ".

Ukraine : les supporters du Dynamo Kiev, la tête (aussi) à la guerre - reportage Jérôme Cadet

Les Ultras collectent aussi de l’argent et des équipements pour les combattants. Artem Houdoleiev est l’un des responsables du groupe, sur son t-shirt, écrit en anglais on lit "Liberté pour l’Ukraine". Le football n’est pas la priorité, dit-il : "Bien sûr, c’est un match de coupe d’Europe, un match important, mais quand ton pays est en guerre ça passe au second plan. Nos garçons sont au combat, ils meurent, c’est plus important que n’importe quel match ".

  (Un supporter du Dynamo Kiev avec son écharpe du club © RADIO FRANCE/Jérôme Cadet)

Parfois proches de l'extrême-droite

Mais les Ultras du Dynamo Kiev ne se contentent pas de collecter de l’aide : ils partent aussi sur le front. Ils s’engagent dans des bataillons, des groupes paramilitaires. Ils seraient actuellement plusieurs dizaines, explique Artem Houdoleiev qui ne veut pas donner de chiffres exacts. Serguii, autre responsable des Ultras, confirme : "Plusieurs de mes amis sont partis à la guerre, en ce moment ils sont près de Marioupol où ils sont engagés dans le bataillon Azov ",  un régiment connu pour ses positions ultra-nationalistes et proche de l’extrême-droite. Son emblème orne d’ailleurs le t-shirt d’un des jeunes présents dans le local. Ce groupe recrute donc dans les travées du stade Olympique où ce jeudi soir, les ultras du Dynamo chanteront la gloire de ceux qu’ils appellent leur héros, et conspueront celui qu’ils nomment le président du pays d’à côté, comprenez Vladimir Poutine.

"Être au match avec les ultras, ça me touche au plus profond de mon âme, de mon cœur. Par exemple, après le match, pendant une journée je ne peux pas parler calmement, d’ailleurs je n’ai plus de voix, tu te lâches à 300 % parce que tu sens que ce n’est pas simplement du sport ; c’est le soutien non seulement à ton équipe mais aussi à tout le pays, on doit aussi montrer l’unité de tout le pays ", explique Tania. D’ailleurs, depuis le début du conflit avec la Russie, les supporters de tous les clubs du pays ont adhéré à une charte de bonne conduite : insultes et agressions sont interdites entre eux quelles que soient les rivalités du passé. C’est en quelque sorte l’union sacrée du football ukrainien.

  (Des supporters du Dynamo viennent déposer de la nourriture dans le local des Ultras © RADIO FRANCE/Jérôme Cadet)

Affrontements avec la police

En fait, il faut comprendre que ces groupes ultras, et particulièrement ceux du Dynamo Kiev, ont une longue tradition d’affrontement avec la police. C’est-à-dire historiquement avec la police de l’ancien pouvoir prorusse. Donc, il y a un an, au moment de la Révolution sur la place Maidan et autour ils se sont très vite retrouvés en première ligne. Dmytro Dessyateryk est journaliste au quotidien Den , il a couvert les événements de Maidan : "Au tout début des affrontements, les plus violents - ceux du 19 janvier, rue Grouchevski -, parmi ceux qui ont commencé à affronter la police il y avait les ultras et à ce moment-là, les milices d’extrême-droite n’étaient pas là, alors que les ultras étaient dans la mêlée, ils prenaient les coups. L’année dernière, les ultras étaient une sorte de régiment de combat de l’opposition. Évidemment, il y avait des partis avec des militants, mais aucun n’avait leur expérience d’affrontement avec la police ".

Est-ce que ces ultras ne vont pas être récupérés pour servir tel ou tel intérêt politique à l’avenir ? Pour Dmytro Dessyateryk, on ne peut pas réduire ces groupes ultras à leur lien avec l’extrême droite : "J’ai été supporter à Dniepropetrovsk quand j’étais jeune, vous savez les Ultras ne sont pas dans le jeu politique, ce qu’ils cherchent c’est le chaos, que le chaos déborde des tribunes jusque dans la rue. C'est la débauche, l’anarchie, d’où leur haine de la police. Je crois que cela les guide beaucoup, plus que n’importe quel slogan politique, aussi séduisant soit-il ". Ces ultras échappent également au contrôle du club du Dynamo : à la question de savoir ce qu'il pensait de ces supporters-combattants, l'entraîneur fait répéter la question, avant de répondre que lui et ses joueurs sentiraient leur présence au moment du match.

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