Vous ne détestez pas vraiment l'équipe de France, la preuve
Si l'on en croit un sondage du "Parisien", vous allez vous masser devant le poste pour regarder France-Finlande, des joueurs que vous trouvez dénués de talent et trop payés. Mais pourquoi ?
Mardi 15 octobre, c'est le jour J pour France-Finlande, dernier match des qualifications pour le Mondial brésilien. Mais plutôt que de discuter de la technique des milieux gauches finlandais, plutôt que de se demander si Olivier Giroud a définitivement supplanté Karim Benzema à la pointe de l'attaque, on parle beaucoup du sondage publié dimanche 13 octobre dans Le Parisien. 86% des sondés ont une "mauvaise opinion" de l'équipe de France, 73% trouvent les Bleus "grossiers" et 82% les jugent "trop payés". Réaction de Noël Le Graët, président de la Fédération française de football, à la lecture du sondage : "Ces pourcentages ne reflètent rien, c'est une escroquerie."
La popularité des Bleus, une affaire d'Etat
Contrairement à un homme politique, la cote d'amour de l'équipe de France ne suit pas le schéma état de grâce-impopularité après des réformes structurelles-léger regain avant la présidentielle/après un remaniement. Chez les Bleus, c'est 1) état de grâce après l'arrivée du nouveau sélectionneur 2) morosité pendant une campagne de qualification compliquée 3) fort regain à l'approche d'une grande compétition internationale 4) nirvana/chute après la performance/contre-performance en Coupe du monde ou à l'Euro. Jugez plutôt l'incroyable optimisme qui s'est emparé du pays après la victoire de 1998… et même, curieusement, pour l'Euro 2008.
Les déconvenues successives - aucun match gagné à l'Euro 2008 et lors du Mondial 2010 - ont refroidi les instituts de sondage. Aucun n'a posé directement la question "pensez-vous que l'équipe de France va gagner l'Euro 2012 ?", mais seulement "pensez-vous que les Bleus peuvent l'emporter", avec quand même 50% d'optimistes (PDF, p. 5). Ce glissement sémantique n'est pas anodin : à partir de 2010, on cherche dans les enquêtes d'opinion une adhésion à l'équipe et ce qu'elle véhicule en dehors du terrain (valeurs, comportement, etc.) plus que de simples critères de performance sportive.
Chaque geste est interprété : le doigt sur la bouche de Samir Nasri lors du match contre l'Angleterre, en ouverture de l'Euro, vaut un procès aux "joueurs mal éduqués" de l'équipe de France et un sondage pour prendre le pouls de l'opinion sur son geste. Quand Eric Cantona traite indirectement le sélectionneur Henri Michel de "sac à merde", en 1988, la polémique ne s'abat que sur lui, pas sur les Bleus.
Une Coupe du monde et ça repart
Il n'y a qu'en France qu'on est obsédé à ce point par l'image de l'équipe nationale. Si Noël Le Graët balaye les chiffres du sondage du Parisien, c'est qu'il dispose d'un autre baromètre, secret celui-là. Chaque mois, l'institut KantarSport calcule une note d'appréciation des Bleus, auprès du grand public et des amateurs du ballon rond. Juste avant l'Euro 2012, et alors que la bande à Laurent Blanc venait de se qualifier grâce à un nul miraculeux contre la Bosnie, au Stade de France (1-1), on apprenait qu'elle s'élevait à 5,89/10 pour le grand public, culminant à 7,5 chez les fans. A comparer avec les 2,14 de l'après-Knysna en 2010.
Pour remonter dans les sondages, il n'y a pas de secret, juste des résultats. "Qu'il y ait 100% ou 0% des gens avec nous ne change rien à l'affaire. Le problème n'est pas là. Nous devons redonner confiance à nos supporters et c'est seulement avec le succès qu'on y arrivera", avançait déjà Jacques Santini dans Le Parisien, en septembre 2002. Forcément, de bons résultats, ça aide. Prenez l'équipe de Belgique, qui vient de se qualifier pour son tout premier Mondial depuis 2002. Après dix ans de désamour profond entre les Diables rouges et leurs supporters, il a suffi d'une campagne de qualification quasi-parfaite pour que 83% de la population se déclare fan de l'équipe, d'après un sondage réalisé par la Loterie belge.
Vous préférez le rugby ? Vraiment ?
Conséquence indirecte du désamour vis-à-vis des Bleus : la cote du rugby grimpe en flèche. Tout du moins en apparence. Au printemps 2013, un sondage avait fait les choux gras des amoureux du ballon ovale. Les sondés, quels que soient leur couleur politique, leur âge, leur sexe et leur lieu de résidence dans l'Hexagone, affirmaient préférer le rugby au football. La savante opération de com' autour des "valeurs de l'ovalie" portait ses fruits : il est de bon ton de s'affirmer amoureux du ballon ovale... sans s'intéresser à autre chose qu'au Tournoi des six nations. Les sondés accolent volontiers l'idée de "valeurs positives" au rugby plus qu'au foot (91%), comme la convivialité (83%) ou le côté familial (69%)... mais pas la popularité. Le foot est plus "populaire", dans tous les sens du terme, pour 67% des personnes interrogées (PDF, p. 7). De là à dire que le rugby est un sport plus élitiste et apprécié comme tel, il n'y a qu'un pas.
Si le XV de France réalise de bonnes audiences malgré la bouillie de rugby pratiquée depuis deux ans, le Top 14 peine à s'imposer dans les chaumières. Pas sûr que les sondés si enthousiastes devant le ballon ovale sachent citer le nom du capitaine de l'équipe de France. Il s'agit de Pascal Papé. Son prédécesseur, Thierry Dusautoir, expliquait "être plus populaire en Nouvelle-Zélande qu'en France". Là-bas, le rugby est vraiment le sport n°1...
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