Bleues: sur les traces de Wendie Renard, au pied de la montagne Pelée
A la fin des années 90, parmi les garçons, balle au pied, il n'y avait qu'elle; petite fille longiligne au caractère bien affirmé. "Son premier match c'était un tournoi U13 à Bellefontaine. Elle jouait avec les plus grands mais elle était déjà une pièce principale de notre équipe. On avait fini troisièmes et Wendie avait émerveillé par son talent." Patrick Cavelan se "souvient de tout". Dès qu'elle a eu 7 ans, celui qui était à la fois son cousin et son voisin est aussi devenu son entraîneur à l'Essor Prêchotin.
Au Prêcheur, petite ville du Nord de la Martinique dont elle est originaire, la jeune prodige joue avec les garçons. Les équipes de filles à cet âge n'existent pas. Les formations non plus d'ailleurs. A 15 ans, Charlaine Marie-Jeanne, cadre technique à la ligue de football de Martinique, la détecte : "C'était une jeune fille très grande, volontaire avec d'indéniables qualités footballistiques. Je suis allée au Prêcheur convaincre sa mère de l'intégrer au pôle Espoir Outre Mer".
"Pas d'accord"
Marie-Héléna Renard, sa maman, se laisse convaincre "parce que c'était en Martinique. Mais c'était déjà loin de moi. Je n'étais pas d'accord au début et je ne voyais pas le football comme un sport de filles". Au François, où se trouve sa nouvelle école, Wendie évolue encore au milieu des garçons. Grégory Pastel était dans sa classe: "Elle avait techniquement notre niveau. Elle rivalisait avec nous sans problème". "Au début, on se questionnait beaucoup: 'C'est une fille, qu'est-ce qu'elle fait là ?'", explique Jérémy Mongis, un autre camarade de classe. "Et puis elle s'est vite intégrée... Mais au pôle, elle avait un vestiaire rien que pour elle."
En dehors du pôle, en revanche, elle partage un vestiaire de filles. En 2005, elle quitte son environnement masculin de l'Essor Préchotin pour l'équipe féminine du RC Lorrain. A l'époque, Eric Macni était entraîneur: "Elle a donné un second souffle à l'équipe. Je me souviens quand elle est partie, on venait de gagner la finale de la Coupe de Martinique. Elle avait marqué de la tête le but de la victoire. Ca a marqué les esprits". Pourtant quand elle passe sa sélection à Clairefontaine quelques jours plus tard, elle n'est pas retenue. Jocelyn Germe, le conseiller technique régional de Martinique fait donc jouer ses contacts pour lui obtenir un entretien à l'Olympique Lyonnais. "Mon ami Fred Labiche était déjà sur place avec un jeune joueur martiniquais, Joan Hartock. Ils ont hébergé Wendie. Après une journée de détection elle était prise. Elle est restée vivre avec eux."
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"Une ambassadrice"
S'en est suivie la carrière couronnée de succès de l'enfant du pays. Pas de quoi prendre la grosse tête. "La personne que j'ai connue à 14 ans est toujours la même à 29. On rigole, on discute, on parle créole", assure Jérémy Mongis. Son premier entraîneur et cousin, Patrick Cavelan n'a pas non plus vu de différence. "Quand elle revient au pays, elle va voir toutes les personnes âgées qu'elle connait dans le quartier. Elle est pieds nus, elle va au bord de mer faire son footing. Elle n'a pas oublié d'où elle vient." Dans le milieu du football martiniquais, la fierté est grande : "C'est une ambassadrice, elle véhicule une image positive pour la Martinique. Sa réussite est un message envoyé à tous les autres mais surtout aux filles", souligne auprès de l'AFP l'entraineur de la Samaritaine Guy-Michel Nizas, qui avait lui aussi accompagné ses premiers pas au pôle Espoir. "Wendie c'est une jeune fille qui n'a jamais cessé de rêver et ne s'est jamais donné de limites. Quand j'entends la musique de la Ligue des champions et que je la vois se dresser fièrement... Elle est dans ses étoiles." Même dans les étoiles, Wendie Renard ne vit pas sur une autre planète. Elle vient de financer des maillots et du matériel pour son premier club de l'Essor Préchotin.
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