France-Nigeria: Keshi, le Super one
Sur un continent où les entraîneurs sont des investissements internationaux à court terme, le bâtisseur nigerian Stephen Keshi fait figure d'anomalie. Comme le Ghanéen James Kwesi Appiah, l'ancien défenseur central, notamment passé par le RC Strasbourg, a le privilège de présider aux destinées de la sélection de son pays. Autres nations africaines qualifiées pour cette Coupe du monde, la Côte d'Ivoire et l'Algérie se sont elles tournées vers deux étrangers, Sabri Lamouchi et Vahid Halilhodzic. Une habitude qui agace Keshi: "les blancs viennent en Afrique simplement pour l'argent. Ils ne font rien d'autre que ce que nous pouvons faire. Je ne suis pas raciste mais c'est comme ça." S'il ne vise pas ostensiblement le Français et le Bosnien, le technicien de 52 ans vit mal le peu de considération offert à ses collègues africains par rapport aux "sorciers blancs."
Keshi ranime le Nigeria
Depuis novembre 2011 et son arrivée sur le banc des Super Eagles, il est donc en mission. Aux commandes d'une formation éliminée sans ménagement du Mondial 2010 et non qualifiée pour la CAN 2012, Keshi doit tout reconstruire. Un défi à sa mesure. Capitaine du grand Nigeria vainqueur de la CAN 1994 en Tunisie et 8e de finaliste du Mondial la même année, celui qui a débuté sous les couleurs de l'ACB Lagos jouissait d'une aura incroyable sur les terrains. Passé de la pelouse au bord de touche, "The Big Boss" n'a rien perdu de son fluide. Pour ses débuts dans le costume de sélectionneur, à quelques centaines de kilomètres de sa terre natale, il qualifie le Togo pour la Coupe du monde 2006. La première pour les Eperviers. Avec le Mali, le succès n'est pas au rendez-vous, mais le défenseur retraité depuis 1997 offre des garanties suffisantes pour que la fédération nigeriane le rappelle au pays. Trois ans plus tard, elle ne peut que s'en féliciter.
Sous la coupe de Keshi, les doubles champions d'Afrique ajoute leur nom une troisième fois au palmarès continental. Aux tauliers Yobo, Obi Mikel et Enyeama, l'homme aux 64 sélections sous la liquette verte et blanche agrège de jeunes talents. Les anciens Taiwo ou Martins sont évincés au profit des Emenike, Moses et autre Musa. "Il y a beaucoup de talent dans ce groupe, mais il faut du temps pour bâtir une vraie équipe, rappelle toutefois l'ex-international. L'équipe de 1994 a mis cinq ans à se construire, elle était formidable, son état d'esprit était incroyable et on était comme des frères." Avec une presse nationale aussi prompte à incendier sa sélection qu'à la portée aux nues, Stephen Keshi sait que l'équilibre est précaire. "Il y a toujours eu beaucoup d’attentes autour de la sélection au pays. Cela ne me fait pas paniquer. Je dois au contraire me concentrer seulement sur mon travail avec les joueurs."
Keshi, ce pionnier
Après le triste match nul concédé face à l'Iran en ouverture du rendez-vous brésilien, l'entraîneur était passé sous les fourches caudines de nombreux journalistes et consultants. Mais l'ancien coéquipier de Franck Leboeuf sait où il va: "je ne ressens aucune pression particulière. Dans ce sport, seules trois choses peuvent survenir : la victoire, le nul ou la défaite. Quoi qu’il arrive, il vous faut continuer à avancer." Un leitmotiv pour lui. Malgré la qualification historique obtenue pour le Mondial 2006 avec le Togo, Stephen Keshi, n'avait jamais vu l'Allemagne. La faute à une CAN manquée dans les grandes largeurs à quelques encablures du grand barnum planétaire. Remplacé par l'Allemand Otto Pfister, le "Big Boss" garde de cette éviction une profonde blessure. Et un désir féroce de prouver que les Africains aussi savent diriger une équipe de football. "J’espère que les grands clubs européens prennent note que les entraîneurs africains peuvent aussi avoir du succès. J’espère qu’un jour nous auront la chance de prouver ce que nous valons en Europe."
Premier sélectionneur originaire du continent à porter son équipe en 8e de finale d'une Coupe du monde, Keshi est un sacré ambassadeur. Le même qui pourra raconter à ses joueurs comment il a poussé les futurs vice-champions du monde italiens en prolongations il y a vingt ans au même stade de la compétition. En compagnie de l'Egyptien Mahmoud El-Gohary, il est le seul à compter la CAN à ses palmarès de joueur et d'entraîneur. Dans son survêtement aux couleurs du pays africain le plus régulier au niveau mondial (trois 8e de finale), le champion de Belgique 1991 avec Anderlecht poussera les siens à décrocher une qualification inédite pour les quarts de finale. Pour faire tomber de nouvelles barrières.
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