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Gérard Houllier, la disparition d'un bâtisseur invétéré du football moderne

Après 38 années d'une carrière à l'investissement perpétuel dans les plus hautes sphères du football, Gérard Houllier est décédé à l'âge de 73 ans, ce lundi 14 décembre 2020. Jamais stoppé ni par les échecs sportifs ni par une santé capricieuse, il aura écrit quelques unes des plus belles pages du football moderne, du premier titre de champion de France du Paris Saint-Germain à la guérison de Liverpool.
Article rédigé par Andréa La Perna
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 7min
  (JEFF PACHOUD / AFP)

C'est après avoir fait ses gammes dans les divisions amateur du Nord avec Le Touquet et l'US Noeux-les-Mines que Gérard Houllier accède à la Ligue 1, posant ses valises à Lens en 1982. La 4e place obtenue avec les Sang et Or à l'issue de sa première saison sur le banc laisse entrevoir un avenir prometteur à celui qui n'avait alors que 35 ans. Tout aussi jeune et ambitieux, le Paris Saint-Germain l'attire pour la saison 1985/86. Là encore, nul besoin de période d'adaptation. Le PSG de Safet Susic, Luis Fernandez et Dominique Rocheteau est sacré champion de France au printemps, pour la première fois de son histoire.

L'homme du titre du PSG en Ligue 1

La suite est moins réjouissante avec le club de la capitale et cet ancien instituteur (et professeur d'anglais) est écarté deux ans plus tard, après une saison 1987/88 compliquée et conclue à la 7e place. "Aussi bizarre que cela puisse paraître j'ai un aussi bon souvenir de cette période de crise pendant laquelle on s'est battu avec Eric Mombaerts pour sauver le club, que la première année", a pourtant décidé de retenir Houllier, comme il le confiait en mars dernier dans une interview à Paris United.

Il rebondit dans un rôle d'adjoint de Michel Platini en équipe de France fin 1988, à qui il succédera en août 1992 après l'élimination des Bleus en phase de groupes de l'Euro en Suède. Une expérience courte, conclue par l'un des moments les plus douloureux de l'histoire de la sélection tricolore : la défaite contre la Bulgarie d'Emil Kostadinov le 17 novembre 1993, privant les Bleus d'une participation au Mondial 1994. De son mandat, le grand public ne retiendra pas grand chose de positif. Critiqué par un jeu jugé trop physique et défensif, Houllier se brouille avec David Ginola, dont il qualifiera d'ailleurs la prestation contre la Bulgarie de "crime contre l'équipe". Un conflit ouvert entre les deux hommes et qui se soldera même par un procès (perdu en 2012 par le joueur).

La lente digestion de France - Bulgarie

Après sa démission de la sélection le 26 novembre 1993, Gérard Houllier retrouve un rôle de DTN passant quand même une tête chez les U18 puis les U20, rôle qu'il assume jusqu'au premier sacre des Bleus en Coupe du monde en 1998. Ce qui lui permet d'attiser l'intérêt en Angleterre, et surtout celui de Liverpool qu'il rejoint à l'aube de la saison 1998/99. Au départ adjoint de Roy Evans, il se voit confier les clés de l'équipe dès le mois de novembre après l'éviction de ce dernier suite à une mauvaise série de résultats. Une équipe moquée par les tabloïds pour les péripéties hors des terrains de ses "Spice Boys" dont faisaient partie Robbie Fowler ou encore David James et Paul Ince.

Ce qui aurait pu être un cadeau empoisonné finira par devenir l'un des plus beaux achèvements de la carrière d'entraîneur de Gérard Houllier. Après avoir purgé l'effectif d'une grande partie de ses éléments perturbateurs, il a accordé sa confiance à des joueurs comme Steven Gerrard, Jamie Carragher ou encore Michael Owen. Les arrivées de Sami Hyypiä et Vladimir Smicer s'inscrivent dans un projet de refonte qui finit par porter ses fruits lors de la saison 2000/01. Liverpool termine 3e de Premier League mais s'offre surtout un triplé FA Cup, League Cup et Coupe de l'UEFA (avec une victoire épique en finale contre Alavés 5-4).

Houllier et la parade de son Liverpool après le triplé de 2001. (MARTYN HARRISON / AFP)

Peut-être à force d'exhulter, Gérard Houllier passe très près de la mort la même année, victime d'une dissection aortique le 13 octobre 2001 lors d'un match contre Leeds United. Très affaibli par l'épisode, l'entraîneur fait un retour triomphal sur le banc 5 mois plus tard. Devenu trop irrégulier, critiqué pour ne pas avoir réussi à conserver Nicolas Anelka et en froid avec les supporters , il finit par quitter le club à l'issue de la saison 2003/04. S'il aura grandement contribué à remettre les Reds sur les bons rails, il ne pourra qu'assister à leur sacre en Ligue des champions la saison suivante au terme d'une des finales les plus emblématiques de la compétition (3-3 contre l'AC Milan, victoire aux tirs au but).

Homme fort à Lyon

C'est à Lyon, en reprenant le flambeau de Paul Le Guen, alors quadruple champion de France en titre avec l'OL, que Gérard Houllier connaîtra ses derniers grands succès d'entraîneur : 2 titres en Ligue 1 lors de ses deux saisons sur le banc (2005/06 et 2006/07) ainsi que 2 Trophées des champions (2005 et 2006). Il quitte le club en mai 2007, mais y reviendra dans un rôle de "conseiller extérieur" en septembre 2016 qu'il continuera d'assumer jusqu'en 2020 auprès du président Jean-Michel Aulas. Entre temps, il effectue une pige compliquée du côté d'Aston Villa en 2010/11, qu'il quittera pour des raisons de santé.

  (JEFF PACHOUD / AFP)

C'est loin de la lumière des matches télédiffusés que Gérard Houllier laissera un dernier héritage, né de ses quatre ans passés en tant que directeur sportif des New York Red Bulls en MLS (2012/16). Fort d'une carrière de près de plus de 40 ans dans le football, il assume le rôle de "directeur mondial" de la branche football de la marque Red Bull, qui s'est affirmée sur la scène européenne ces dernières saisons avec le RB Leipzig et le RB Salzbourg. Son oeil avisé aura permis la révélation au grand jour de talents de premier plan comme Naby Keïta, Dayot Upamecano ou encore Sadio Mané.

Autant par son palmarès que par sa longévité, Gérard Houllier aura participé au façonnement du football moderne. Souvent affaibli par une santé fragile, son investissement n'a jamais faibli et il ne s'est jamais contenté de formules préétablies. "Je ne suis pas du tout un nostalgique vous savez. J'ai d'ailleurs tendance à penser que tout est mieux aujourd'hui", confiait-il à Paris United il y a 9 mois. "C'était l'homme du football. A chaque fois qu'il a dirigé une équipe, c'est un palmarès exceptionnel. Peu d'entraîneurs européens peuvent se vanter d'avoir le même", a tenu à lui rendre hommage le président de la Fédération française de football Noël Le Graët ce lundi, date de son décès à l'âge de 73 ans.

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