Bana : "Une réussite humaine"
Question: D'où vient la force du handball français, qui accumule les bons résultats avec les messieurs et les dames ?
Philippe Bana : "C'est une accumulation de choix stratégiques. Il y a d'abord eu la souffrance dans les années 80 de ne pas être une nation forte. Puis on a professionnalisé. Après, on a eu à coeur d'élargir ça en mettant en place une vraie parité. On a obtenu cette chose-là avec la réussite fantastique de 99. On a su donner les mêmes moyens aux deux équipes. C'est l'idée d'un sport mixte, appuyé sur ses deux jambes et pas d'un sport bancal."
Q: Quelles valeurs fondent cette politique ?
PB : "C'est d'abord une réussite humaine et de sens: c'est à dire la volonté permanente de l'excellence. La volonté d'être toujours meilleur, de faire la même chose en garçons et en filles, de ne jamais regarder derrière mais devant. C'est l'exigence que portent tous les cadres du handball: l'idée qu'il faut toujours faire mieux, ne jamais être repu, conserver ses valeurs, son humilité."
Q: Quels sont les outils au service de cette vision ?
PB : "Il y a 47 pôles espoirs, qui regroupent 800 gamins. On a 8 équipes qui sillonnent le monde. Il y a une vraie vie commune avec les clubs. Il n'y a pas d'opposition entre la Fédération et les deux Ligues nationales, masculine et féminine. Les garçons et les filles bénéficient des mêmes moyens logistiques, des mêmes primes, des mêmes outils. On passe le même temps avec les uns et les autres."
Q: Votre ambition est aussi servie par des entraîneurs charismatiques...
PB : "On a confié les équipes à des hommes sur lesquels on s'appuie, pas à des +kleenex+ dont on se débarrasse, comme on peut le voir ailleurs. C'est la confiance faite aux hommes, un travail sur le temps."
Q: Ce modèle vous a-t-il été inspiré d'exemples étrangers?
PB : "Non, il est spécifique. Par exemple, on a refusé le modèle des centres nationaux, de la concentration excessive de l'élite. On a préféré que chacun à 15 ans reste près de sa famille. C'est pour cela qu'on a créé ces 47 points de détection. C'est un modèle extrêmement lourd à gérer pour nous, mais qui reste à taille humaine, avec l'athlète au centre du projet."
Q: Quelle est la ligne directrice de la formation ?
PB : "L'athlète est pris très tôt, dès 15 ans. Il va très vite en sélection nationale. Cette année, on va rajouter une couche en accompagnant entre 15 et 20 ans, la période la plus difficile, les dix meilleurs gamins, garçons et filles. On va leur proposer du sur-mesure, médicalement et scolairement, encore plus qu'aux autres. On a aussi des gens équilibrés, parce qu'on leur fabrique des doubles projets. Notre idée, c'est qu'un sportif professionnel doit conserver un comportement humain."
Q: Que vous reste-t-il à faire pour vous maintenir à ce niveau, ou encore progresser?
PB : "Je reviens sur le sens. Le jour où on va perdre les valeurs, où le fric nous aura fait devenir +con+, on sera mort. Les discussions que j'ai avec mes deux coaches (Claude Onesta pour les messieurs, Olivier Krumbholz pour les dames) tournent toujours autour de: comment garder les valeurs, comment rester nous-mêmes, rester humbles, au service du groupe? Pour faire perdurer ça, il faut aussi inventer des événements qui fassent rebondir le hand. A cet égard, l'histoire du Mondial-2017 (dont la France a obtenu la semaine passée l'organisation, ndlr) n'est pas anodine."
Propos recueillis par Cyril BELAUD
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