Euro de hand : le paradoxe de l'Allemagne, "pays du handball" à la sélection en berne
Prononcez "handball" avec un a, et non "handboll". La discipline, dont plusieurs pays européens pourraient revendiquer la paternité, trouve son origine à Berlin où les règles ont été rédigées en 1917, et retrouve ses sources avec le premier championnat d’Europe masculin organisé en Allemagne. Outre-Rhin, la popularité de ce sport n’est plus à démontrer, mais l’équipe nationale, qu’affrontent les Bleus mardi 16 janvier, ne fait plus partie des meilleures nations européennes et est en pleine restructuration.
Avec 53 586 spectateurs présents à Düsseldorf pour l’entrée en lice de leur sélection à l’Euro, les Allemands ont frappé fort et établi le record du monde d’affluence pour un match de handball. Pouvait-il en être autrement, alors que leur championnat, la Bundesliga, est considéré comme la meilleure ligue nationale au monde ? Et qu’il attirait en moyenne 4 858 spectateurs par match la saison dernière (contre 2 547 en France selon les chiffres communiqués à la mi-saison par la Ligue nationale de handball) ?
"L’Allemagne, c'est le pays du hand. La Bundesliga en hand, c’est comme la NBA en basket. Il y a une ferveur autour de ce sport qu’il n’y a nulle part ailleurs. On peut retrouver ça à Nantes, mais ça reste un épiphénomène, alors qu’en Allemagne c’est toutes les salles, dans toutes les divisions, qui sont remplies. Même en quatrième division, où je suis allé voir jouer mon fils", résume Christian Gaudin, ancien gardien de l’équipe de France, qui a évolué de 1997 à 2003 outre-Rhin, avant d’y retourner en 2014 pour entraîner quelques mois le HSV Hambourg.
L’une des meilleures équipes allemandes, Kiel, où évolue le gardien des Bleus Samir Bellahcène "est le seul club au monde à avoir 10 000 places dans sa salle et 10 000 spectateurs, à la fois en championnat et en Ligue des champions", ajoute Jérôme Fernandez, meilleur buteur de l’histoire de l’équipe de France, qui a porté durant une saison les couleurs de ce club 23 fois champion d’Allemagne. Comme lui, les meilleurs joueurs du monde passent par la Bundesliga durant leur carrière. "Dans cette ligue, les clubs sont très compétitifs de la première à la dernière place, donc le dernier peut battre le premier, c’est très attrayant", commente Olaf Buchmann, rédacteur en chef du magazine hebdomadaire Handball Woche, qui couvre toute l’actualité de la discipline et se vend à 20 000 exemplaires chaque semaine dans un pays qui compte 750 000 licenciés (contre environ 450 000 recensés par la Fédération française).
Les joueurs allemands relégués au rang de seconds couteaux dans leur championnat
Pour autant, cette abondance de grands joueurs peut nuire à la sélection allemande. Championne d'Europe et vice-championne olympique en 2004, championne du monde en 2007, elle n’a plus gagné de grande compétition depuis l’Euro 2016, et n’est plus montée sur le podium d’un tournoi majeur depuis les Jeux olympiques, la même année, à Rio (Brésil). "Dans les meilleurs clubs de Bundesliga, les Allemands ne sont pas des joueurs clés. Ce sont plutôt des Danois, des Suédois, des Français ou des Croates qui sont titulaires. Par exemple, à Flensburg, Johannes Golla, notre capitaine, est le seul joueur allemand de tout l’effectif, analyse Olaf Buchmann. Et si on regarde la position d’arrière gauche, un poste clé, il n’y a aucun joueur allemand qui joue la Ligue des champions. Juri Knorr, qui est l’un de nos meilleurs joueurs actuellement, dispute la Ligue Européenne [la seconde compétition européenne par ordre d’importance]". Et le constat est même pire pour l’équipe féminine, qui n’est plus montée sur le podium d’une compétition majeure depuis 2007, et dont la ligue nationale est beaucoup moins compétitive.
Avec uniquement quatre joueurs vainqueurs de l’Euro 2016 encore dans son effectif, la Mannschaft connaît un creux générationnel qu’elle tente de résorber en incorporant quatre jeunes joueurs champions du monde juniors en 2023, performance qui n'avait pas été réalisée par l'Allemagne depuis 2011. Ce titre pour les moins de 21 ans "donne de belles perspectives pour le Mondial 2027, qui sera organisé chez nous, estime Olaf Buchmann. Mais pour cette année, quand on voit la qualité des autres équipes, atteindre les demi-finales serait déjà sensationnel."
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