Euro féminin de handball : Olivier Krumbholz, une recette en or
• Olivier Krumbholz le sélectionneur qui donne des ailes à l’équipe de France
Avant son arrivée en 1998, l'équipe de France féminine de handball ne donnait pas grande impression. 10es du Mondial 1997 en Allemagne et toujours dans l'attente d'une qualification aux Jeux olympiques, les Bleues n'étaient pas au rendez-vous, du moins pas encore. En janvier 1998, Olivier Krumbholz est arrivé à la tête d'une équipe en besoin de reconstruction. Une mission qui ne lui a pas fait peur. Le Lorrain, à la personnalité bien trempée, avait déjà entraîné l'ASPTT Metz, club avec lequel il a décroché 5 titres de champion de France (1989, 1990, 1993, 1994 et 1995). Sa réputation d'entraîneur "à la dure" l'a précédé, même avant son arrivée. Philippe Bana, directeur technique national de la FFHB à l'époque et devenu voici quelques jours président de la Fédération, était prévenu, "c'est un ingérable qui va vous emmerder tous les jours", lui avait-on annoncé.
A peine une année passée et les Bleues étaient déjà transformées par la baguette Krumbholz. La rigueur du sélectionneur leur a permis de décrocher une médaille en finale du Mondial 1999, ainsi que leur premier ticket pour les JO 2000. Olivier Krumbholz a su déployer les ailes de ses joueuses grâce à un coaching sévère mais gagnant. De nombreuses autres médailles ont suivi avec notamment l'or au Championnat du monde 2003. L'équipe de France semble avoir trouvé la perle rare comme le dit Philippe Bana.
"Ce qui le caractérise, c'est l'obligation de la réussite, le surinvestissement dans tout ce qu'il fait. Les filles se sont reconnues dans quelqu'un qui voulait les emmener beaucoup plus loin."
• Un travailleur infatigable
La réussite d'Olivier Krumbholz vient principalement de sa capacité de travail. Joueuses et membres du staff le reconnaissent, c'est un travailleur infatigable. Et c'est grâce à cette énergie que le Lorrain a pu mener ses joueuses au sommet des compétitions comme l'explique l'ailière internationale Manon Houette, absente de l'Euro cette année car insuffisamment remise d'une blessure : "On a un staff qui bosse à un niveau inimaginable", dit-elle en 2018. "Ça fait quinze jours qu'ils ne dorment pas, qu'ils séquencent les matchs, qu'ils en discutent. Dans l'avion, au petit déjeuner, le soir, Olivier est tout le temps en train de discuter de handball (...). Cette culture de la performance et du travail il nous l'a transmise. C'est ça qui paie aujourd'hui." En signe de récompense de son dur labeur, le coach mène ses troupes sur de nombreux podiums. En plus du titre mondial de 2003, ses Bleues décrochent notamment une médaille de bronze à l'Euro 2006 ou encore d'argent aux Mondiaux 2009 et 2011.
• Un tempérament de feu
Avant d'être "remercié" par la Fédération Française de Handball en 2013, Olivier Krumbholz était reconnu pour être un coach intransigeant et très dur avec ses filles. Un défaut qui peut être considéré comme une qualité comme l'explique Alexandra Lacrabère, arrière de l'équipe de France : "Ce qui fait sa force, c'est qu'il n'est jamais satisfait. Il y a toujours quelque chose qu'il veut régler et c'est ce qui nous fait progresser." Mais son tempérament intransigeant aura aussi été synonyme de difficultés et de cassure avec ses joueuses, comme l'a souligné Manu Roux, journaliste France tv Sport et spécialiste handball : "Il était très intransigeant, c’était plus dû à son stress à mon avis qui le rendait pas vraiment très agréable. Il pouvait arrêter une séance d’entrainement pour dire là tu fais n’importe quoi, tu nous emmènes dans le mur... Et les joueuses en ont eu marre à un moment donné parce qu’elles ont quand même tout fait pour qu’il s’en aille."
"Il était très intransigeant"
Après 15 années et 413 rencontres passées à la tête des Bleues, Krumbholz est remplacé par Alain Portes à la veille du Mondial 2013 en Serbie. Selon Philippe Bana, c'était une décision prise avec lucidité comme il l'avait expliqué lors de la conférence de presse suivant cette annonce : "On attend un petit plus, un déclic, qui nous fera enfin gagner les Jeux. Car il est là l’objectif principal à présent ! La décision d’évincer Olivier n’a pas été simple. Elle a été froide, douloureuse mais lucide."
• Une figure paternelle
Pendant ces trois années en dehors de l'équipe de France, Olivier Krumbholz n'a pas réussi à faire son deuil. "La relation avec elles, l'entraînement, tout cela me manque", dit-il alors dans le JDD. "On me l'a enlevé d'un coup... La frustration est toujours là, elle ne s'efface pas. C'est dur de tourner la page. Certains me disent que je suis mieux comme ça. Mais non." C'est tout de même une période durant laquelle le coach se remet en cause. Il est rappelé au dernier moment avant les JO en 2016, après un passage désastreux d'Alain Portes qui s'est coupé de ses troupes. Il laisse au placard son côté autoritaire pour faire place à plus d'attention et d'écoute envers ses filles. Selon Manu Roux, un véritable changement s'est produit, "Depuis qu’il est revenu, je pense qu’il a pris beaucoup sur lui et c’est agréable. Il y a une métamorphose et j’ai l’impression que les joueuses ont plutôt bien vécu ce Krumbholz nº2 parce que depuis, cette équipe de France est devenue une vraie machine à gagner."
Une remise en question qui a été bénéfique pour son nouveau management comme l'explique Manon Houette : "Sa démarche a été à 100% bénéfique. Vu qu'il y a plus de participatif dans son management, il y a plus de prise d'initiative de tout le monde, plus d'autonomie, plus de professionnalisme. Je trouve intéressant de bosser avec des gens qui sont capables de se remettre en question."
"On est toutes mobilisées autour de lui, on lui fait confiance."
Des joueuses apaisées entraînées par un sélectionneur serein, c'est la bonne formule qui permet à l'équipe de décrocher la médaille d'argent aux JO 2016 à Rio. Depuis son retour, Krumbholz a su montrer ses qualités d’entraîneur à la fois dans les résultats (l'équipe est vice-championne olympique en 2016, championne du monde en 2017, d'Europe en 2018) mais également dans sa façon d'être, comme l'a souligné la capitaine de l'équipe Sira Dembélé : "C'est un très bon orateur. Il sait trouver les mots. Il sent quand son équipe a besoin d'être rassurée ou secouée. Il est fort pour ça, il sait quoi nous dire à quel moment." En plus d'une relation entraîneur - joueuses, le lien qui unit Krumbholz et ses filles est très fort. "Humainement, c'est quelqu'un d'extraordinaire. On est toutes mobilisées autour de lui, on lui fait confiance. En fait, il nous aime. Il n'a pas besoin de le dire mais ça se sent. C'est très fort", selon la demi-centre Estelle Nzé-Minko.
• Un combattant permanent
Même dans des périodes difficiles, où les résultats ne sont pas toujours bons, Olivier Krumbholz reste un entraîneur qui ne baisse jamais les bras. Pas question de se laisser abattre par les mauvaises performances, au contraire, il faut apprendre de ses erreurs. Alors qu'elles étaient tenantes du titre, les joueuses d'Olivier Krumbholz ont raté les Championnat du monde 2019 en Chine. La 13e place décrochée après une élimination au tour préliminaire marque pour l’entraîneur un véritable avertissement : " C'est une grande déception. C'est une bonne claque sur laquelle on peut paradoxalement peut-être construire quelque chose. C'est un avertissement. On n'a pas su surfer sur le côté positif de ce qu'on avait depuis deux ans."
Suite à cette déconvenue, le sélectionneur des Bleues est reparti au combat et a souhaité en tirer une bonne leçon afin de mieux se reprendre pour les compétitions suivantes. Le parcours de l'équipe de France dans cet Euro 2020 en est la preuve. Aucune défaite, et une nouvelle finale pour défendre son titre européen. Et ce n'est pas fini : Krumbholz et ses filles devront également répondre présentes lors des JO 2020 au Japon, repoussés à l'été 2021.
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