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Mondial de handball - Denis Lathoud: "Les Bleus jouent encore trop souvent avec le trouillomètre à zéro"

Champion du monde en 1995 avec les "Barjots", l’actuel entraîneur de Strasbourg Eurométropole en Proligue (2ème division) estime que les Bleus, qui aborderont le tour principal mercredi avec quatre points, doivent encore se rassurer en vue des matches-couperet et se dit déçu du niveau de jeu général pratiqué par les grandes nations depuis le début de ce Mondial. 
Article rédigé par Manu Roux
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 7min
Denis Lathoud, l'ancien international désormais entraîneur de Strasbourg (MAXPPP TEAMSHOOT)

Denis, êtes-vous agréablement surpris de voir l’équipe de France terminer première de son groupe?
Denis Lathoud : "Non pas surpris. Même si je n’attendais pas grand chose de cette équipe au départ, je la voyais et la vois toujours dans le dernier carré. Compte tenu de la qualité des joueurs qui la composent, on ne peut pas viser moins. Mais avant de parler des Bleus, parlons de ce Mondial que je trouve vraiment très pauvre en qualité, indépendamment du passage à 32 équipes. Le niveau de jeu est faible. Beaucoup de joueurs des grandes nations sont au bout du rouleau physiquement, surtout ceux qui ont disputé les Coupes d’Europe et le Final 4 de la Ligue des champions. Et puis le manque de préparation des équipes est criant. Il aurait fallu quinze jours à tout le monde pour bosser les enclenchements, le système défensif et les affinités. Le jeu n’est pas en place et la qualité du spectacle en pâtit.

"On est là mais on a peur"

L’équipe de France n’échappe pas à ces observations. Et en plus, elle traîne encore comme un boulet psychologique son Euro catastrophique de l’an dernier. Entre fatigue et soucis psychologiques, on n’est pas sereins comme on devrait l’être, c’est une évidence. Pour revenir au match de lundi, on a vu la différence entre une équipe comme la Suisse, invitée de dernière minute, qui a joué libérée pour se faire plaisir et la France qui joue encore trop souvent avec le trouillomètre à zéro pour essayer de retrouver son statut d’antan. On est là, mais on a peur. Peur de mal faire, de perdre. Ça se voit, c’est hésitant et on attend mieux des Bleus, forcément."

Il y a quand même du mieux après les deux matches de qualification pour l’Euro 2022 contre la Serbie, non ?
DL: "Oui et non. La Serbie est sans doute la meilleure équipe que l’on ait affrontée jusqu’ici, avec la Norvège. Et encore contre cette dernière, notre gardien a fait 20 arrêts donc difficile de perdre dans ces conditions! Cette équipe de France me rappelle celle de 1999, lors du précédent Mondial en Égypte d’ailleurs. On a un groupe qui est là pour se soigner, se rassurer, se reconstruire avec quelques nouveaux joueurs, même s’il en aurait fallu plus à mon sens. Et tout ça prend du temps, ça ne se fait pas du jour au lendemain. Bon ok, il n’y a quasiment pas eu de préparation mais il faut que les Bleus retrouvent de la sérénité, qu’ils s’enlèvent le doute de la tête et se persuadent qu’ils ont la meilleure équipe pour aller de l’avant. Les joueurs sont là, le talent est bien présent. Il n’y aucune raison d’avoir peur."

"On aura besoin d’un grand gardien pour aller au bout"

La blessure du gardien Wesley Pardin contre la Suisse vous apparaît-elle comme un vrai coup dur pour les Bleus ?
DL: "Bien sûr que ce n’est jamais agréable de voir un joueur se blesser. Après, il faut quand même relativiser. Avant le Mondial, Wesley n’était que le troisième gardien et il a été monstrueux sur un match, ça ne signifie pas qu’il l’aurait été pendant toute la compétition. S’il avait fait quatre matches comme celui contre la Norvège, là oui ça aurait été un vrai coup dur. Bon là, ça fait une rotation en moins mais il y a trois gardiens et Vincent Gérard est un compétiteur expérimenté. Son problème, c’est son irrégularité. Il est capable de faire très bien et de passer complètement à côté lors du match suivant. Et ce qu’on demande aux gardiens au plus haut niveau, c’est d’être toujours présents avec un minimum syndical d’arrêts que lui n’affiche pas toujours, malheureusement. Et on aura besoin d’un grand gardien pour aller au bout."

Parmi les satisfactions, il y a Kentin Mahé sur le poste de demi-centre...
DL: "Oui pour l’instant il sort du lot mais ça revient aussi à ce que je disais au début. À Veszprem, il ne joue pas beaucoup et là, forcément il arrive plus frais que des gars qui ont un gros temps de jeu en club et ont fait toutes les compétitions depuis l’été dernier. Certains ne savent même plus où ils habitent à force! Demande à Vincent Gérard, je sais même pas s’il a eu quatre jours de vacances depuis le mois de juillet!"

Votre poste, arrière gauche, est un peu devenu le maillon faible de cette équipe. Avez-vous aussi ce sentiment ?
DL: "Oui, depuis la nuit des temps, toutes les grandes équipes aux Mondiaux ou aux JO ont eu un grand arrière gauche et l’équipe de France a quand même été bien gâtée à ce poste ces 25 dernières années. Après, forcément, quand tu perds Karabatic, Narcisse et Fernandez, ça laisse un vide abyssal. Le Romain Lagarde de Nantes était extraordinaire, celui de Rhein-Neckar est au placard. N’Guessan est irrégulier. Prandi est jeune et blessé. Acquevillo manque d’expérience... À côté de ça, on a le maillon fort sur le côté droit où l’on a jamais eu autant de bons gauchers qu’aujourd’hui. Alors oui en comparaison, ça pêche un peu à gauche par rapport au reste de l’équipe, il faut se rendre à l’évidence et faire avec."

Le vrai début du Mondial : le quart de finale

Vous sentez l’équipe de France bien partie pour accéder au dernier carré ?"
DL :  "Oui car c’est toujours la même histoire avec cette formule, le plus important c’était de battre la Norvège lors du premier match. En battant cette équipe tu la mets en péril et après, elle est obligée de gagner pour toi ! On a eu le scénario inverse l’an dernier avec la France qui s’est inclinée contre le Portugal et s’est mise de suite dans la difficulté. Là tu bats l’Algérie et l’Islande et tu es en quarts de finale sans problèmes, sans se mettre de stress pour le dernier match contre le Portugal. Le vrai début du Mondial, pour moi, ce sera le quart de finale, où la France pourrait tomber sur une équipe qui aura sans doute beaucoup plus galérer qu’elle pour se qualifier. Et après en demies, on risque de retrouver toujours un peu les mêmes: Danemark, Norvège, Espagne, France... Il y aura peut-être une surprise avec le Portugal ou la Croatie mais guère plus."

Propos recueillis par Manu Roux

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