Claude Onesta : "rien ne s'est fait dans la contrainte"
Comment a été pensée cette transition, votre départ du poste de sélectionneur et la promotion du binôme Didier Dinart-Guillaume Gille?
Claude Onesta : "Les décisions ont été prises de manière pondérée, mais mon désir d'éloignement du terrain n'est pas récent. Ce processus était engagé depuis plusieurs compétitions. C’est quelque chose qui avait pris forme. On a bien travaillé avec Didier, mais on s’est un peu marché sur les pieds parfois. L’arrivée de Guillaume a été désirée par Didier, rien ne s'est fait dans son dos. C'est quelqu'un de sa génération, ils vont pouvoir très bien collaborer".
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Quel sera votre rôle de manager général?
C O : Je suis là pour être le garant des enjeux qui dépasseraient le cadre du terrain, des problématiques de tel joueur ou tel autre. L’équipe de France n’est pas qu’un ensemble qui prépare des matches ou dispute des compétitions, c’est aussi la vitrine d’une fédération et de ceux qui vont porter son message. Je suis sûrement plus expérimenté et mieux préparé pour gérer cet ensemble de spécificités. Il faut leur (à Gille et Dinart, ndlr) foutre la paix si on veut qu’ils soient pleinement investis et responsables de ce que qu'il se passe sur le terrain. Il faut donc les décharger de tous les éléments qui sont pour eux assez abstraits. Tout ce qui relèvera du sportif sera géré par eux. Ma prise de distance avec le terrain n'est pas une punition. J'éprouve plutôt du plaisir et du soulagement. Je reste le patron, mais ce n'est pas un besoin absolu, c'est que cette nouvelle fonction nécessite une coordination importante. Mais s'il y a dérive, j'exercerai mon autorité pour leur dire d'arrêter. Aujourd’hui, ils n’ont pas la capacité et l’expérience suffisantes pour gérer le tout, mais ils ont toute la capacité pour gérer l'entraînement et l'équipe. Vu leur carrière, ils sont bien placés pour comprendre les problématiques liées à une compétition.
Pourquoi avez-vous pris la décision de partir?
C O : Ce n’est pas l’usure du temps car je continue à me régaler d’être dans le périmètre de cette équipe de France. J’ai encore la passion de ce sport, mais je me rends compte que ma vision du terrain est peut-être moins précise, moins pointue et je n’ai pas envie de me bagarrer là-dessus. Je porte désormais plus d’intérêts à la façon dont les hommes réalisent les projets. Les parties techniques pures sont de moins en moins passionnantes. Je m’éloigne du terrain avec sérénité, j’ai le sentiment que les choses se déroulent de la meilleure façon. On rentre dans une étape supplémentaire. Tout ce que j’ai déjà vécu et reçu m’a comblé. J’ai mis en place un système qui n’est peut-être pas traditionnel. D’habitude, le sélectionneur s’en va et quelqu’un le remplace pour reconstruire. Mais aujourd’hui, on est arrivé à un tel niveau de performance que passer par une phase de reconstruction totale, me semble être un élément de difficulté et risqué. Cela pourrait générer une rupture dans les résultats qui aurait pu être préjudiciable. Cette formule nous permet de gérer ça avec plus de douceur. Rien ne se fait dans la contrainte, ni mon éloignement, ni leur prise de fonction, ni l’arrivée de Guillaume. C’est validé par l’ensemble de la Fédération. Il vaut mieux envisager ces périodes de transition quand tout va bien plutôt que le faire en période de crise.
Avez-vous craint à un moment de faire la compétition de trop?
C O : Je me pose la question tous les jours. Je suis tellement protégé par mes résultats que l’aiguillon que la presse pouvait représenter, par moments, ne me pique même plus. Je ne suis même pas mis en danger par les médias ou dans mon cercle de fonctionnement. Cette question, personne ne me la pose, donc c’est à moi de me la poser. Tous les jours, je dois réfléchir au fait de devenir un problème, ou si je suis encore une solution. Je sais que je suis de plus en plus éloigné du terrain, vouloir m’y maintenir serait non seulement une souffrance pour moi, mais une mauvaise solution pour l’équipe. Je m’éloigne, mais j’essaye de construire ce qui va permettre d’assurer cette fonction. Je vais essayer de devenir plus pertinent dans les domaines qui me paraissent plus essentiels aujourd’hui qu’il y a dix ans.
Désormais qui sera le "maître à bord" en équipe de France?
C O : Ils sont associés pleinement, ce n'est pas à celui qui 'fait pipi' le plus loin. Ils sont tous les deux entraîneurs de l'équipe de France et j'en suis le manager général. Il n’y a pas d’autorité entre eux, il y a une répartition des rôles. Très honnêtement, si je pensais que Didier Dinart pouvait faire seul, on ne lui aurait pas associer quelqu’un. Et si lui même le pensait, il n’aurait pas demandé l’arrivée de quelqu’un. C’est donc un travail commun. On ne va pas se préoccuper de qui est devant l’autre. Avec mon autorité, je vais agir pour qu'ils prennent en compte les difficultés. Le monde de l’entreprise est spécialiste pour ça. Quand on ajoute la somme de carburant et d'énergie dépensés en interne pour lutter dans des combats inutiles, c’est autant d’énergie qu’on ne met pas en oeuvre pour combattre son véritable adversaire. Évitons de nous disperser et de nous amoindrir dans des luttes inutiles.
Guillaume Gille-Didier Dinart, ce nouveau binôme a-t-il les capacités pour réussir à la tête des Bleus?
C O : Tout d'abord, ils s'apprécient. Les notions de confiance et de loyauté sont essentielles et plus faciles à obtenir avec des gens qui se choisissent, plutôt que si on les impose. Ils ont des personnalités différentes. Didier est quelqu'un d'autoritaire, 'Gino' (Guillaume GIlle, ndlr) est beaucoup plus souple. Ils vont être capables de proposer une sensibilité complémentaire. Certains joueurs seront plus à l’aise avec l’un qu’avec l’autre. Ensemble ils vont construire ce qu’il y a de mieux pour l’équipe de France. On ne sait pas encore si c’est la bonne formule ou si cela va fonctionner. Il est évidemment trop tôt pour le dire. Seule l'histoire le dira.
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