Jean-Marie Sifre (Paris 92): "La prochaine saison sera déterminante pour notre survie"
Le championnat 2019/2020 a été définitivement arrêté sans que le titre ne soit décerné. Qu’en est-il de la prochaine saison?
Jean-Marie Sifre : "On a créé une cellule de crise et nous sommes actuellement en discussions avec toutes les composantes du handball féminin en France. À l’heure actuelle, on se demande toujours à quelle date va pouvoir démarrer la prochaine saison. Au départ, il était prévu qu’elle débute le 22 août mais ça semble déjà impossible. Donc là on privilégie l’hypothèse d’un championnat de France qui commencerait à la mi-septembre."
Si tard que ça?
JMS : "Oui car il y a un protocole médical très strict à faire suivre par les joueuses avant toute reprise d’activité, avec une batterie de tests à faire passer dont la sérologie Covid-19 et pour l’instant dans ce domaine il n’y a pas de test agréé ou suffisamment fiable. Donc on tourne un peu en rond. Sachant que de toute façon, les joueuses ont droit à 19 jours de congés et qu’il faudra quatre à six semaines de réathlétisation avant la reprise de l’entraînement collectif (6 semaines également), il est utopique d’envisager une reprise du championnat avant mi-septembre. Et en plus de commencer tardivement, la saison devra se terminer relativement tôt, en mai, car il y aura les JO en 2021..."
"Une baisse de budget de 20 à 50%"
Économiquement, quelles sont les conséquences pour un club comme le Paris 92?
JMS : "La situation est très compliquée... À ce jour, le budget engagé (1,8 million d’euros) subira déjà une baisse de 10%, due à la perte de deux partenaires, dont un très important. Et je pense qu’au final la réduction ira de 20%, hypothèse optimiste, à 50%, ce qui serait catastrophique... À l’heure actuelle, il est très difficile de s’adresser à des sponsors privés qui sont encore pour la plupart en chômage partiel pour leur demander de renouveler leur partenariat avec le Paris 92. Je pense que ce n’est pas leur priorité du moment, et je le comprends. La plupart des chefs d’entreprises sont focalisés sur la survie de leurs boîtes et c’est tout à fait normal."
On a vraiment l’impression que le sport collectif féminin, qui ne roule déjà pas sur l’or en temps normal, est sans doute déjà le plus impacté par cette crise?
JMS : "Comme toujours, dans l’esprit de beaucoup, le sport féminin n’est pas prioritaire. On se bat contre ça mais il y a encore du chemin à parcourir pour arriver au résultat recherché: être considéré à l’égal du sport masculin. C’est un combat quotidien qui parfois est usant. C’est aussi dans cette période difficile que l’on va voir la fidélité de nos partenaires, ceux des clubs et de la Fédération."
Est-ce que des négociations pourraient être entamées avec les joueuses concernant d’éventuelles baisses de salaires?
JMS : "Ça fait partie des discussions que l’on mène avec l’Association des Joueurs(-euses) Professionnels(-elles) de handball (AJPH) et le syndicat des entraîneurs (7 master). On a engagé un dialogue social très constructif avec ces deux organisations mais bon, ce n’est pas le football, on n’est pas sur des salaires élevés (3500 euros bruts mensuels de moyenne pour une joueuse de 1re division) donc c’est délicat. On parle plutôt de réductions de primes, de choses comme ça."
Vous perdez Allison Pineau (qui s’est engagée avec le Buducnost Podgorica au Monténégro), est-ce pour une raison financière ?
JMS : "C’est l’une des raisons. On aurait bien aimé la garder et on lui avait d’ailleurs fait une proposition pour rester une année de plus mais elle avait déjà signé ailleurs, sans doute à des conditions plus avantageuses. Mais je ne polémiquerai pas avec Allison qui a été exemplaire le temps qu’elle a passé chez nous."
"La saison prochaine va être déterminante pour le handball féminin"
On vous sent très inquiet pour l’avenir immédiat?
JMS : "La saison prochaine va être déterminante pour le handball féminin et on verra bien combien de clubs auront tenu le choc à la fin de l’exercice. On peut malheureusement craindre qu’il y ait quelques dépôts de bilan en cours de route... Il faudra vraiment que la Fédération continue de nous soutenir comme elle le fait en ce moment. Si 50% des clubs se retrouvent déficitaires à la fin du championnat, il ne faudra pas tous vouloir les rétrograder. On espère pouvoir continuer à bénéficier de cette écoute et de cette compréhension."
On vous sent résigné...
JMS : "J’avoue vivre parfois des moments de grande lassitude au cours des visioconférences que l’on fait avec les institutions, la Fédé... Et puis il y a la vie du club à stabiliser. C’est sûr que je préférerais passer mes journées au golf! Mais, pour l’instant, je reste combatif."
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