Paris suspects: Parieurs mais pas tricheurs?
"Les joueurs vont très probablement reconnaître des choses sur le volet paris sportifs de cette affaire. Leur déontologie sportive leur interdit de faire des paris. Ils l'ont fait, ils ont eu tort et s'en expliqueront", a affirmé l'avocat Jean-Yves Lienard, précisant toutefois qu'ils n'ont "en aucun cas laissé filer le match". L'image exceptionnelle d'un Nikola Karabatic embarqué par la police à la sortie de la défaite de son équipe de Montpellier face à Paris (38-24) laisse désormais place aux premières révélations sur l'affaire. La star du handball français et son frère Luka "ont parié" mais "n'ont pas laissé filer le match, n'ont pas triché", a déclaré lundi sur RTL leur avocat, Me Eric Dupond-Moretti.. Même si les joueurs auraient refusé de parler devant les policiers, préférant attendre de voir le juge d'instruction de Montpellier, les premiers éléments confirment l'impensable mais pas le pire. Selon Me Lienard, qui défend le gardien français Michaël Robin, les joueurs vont réfuter toute tricherie sur l'issue de la rencontre.
Parieurs mais pas tricheurs?
Des montants inhabituelsD'ordinaire, pour un match de handball tous paris confondus, un maximum de 5000 euros sont misés, dont 80% sur la victoire et les 20% restants sur l'équipe en tête à la mi-temps et sur le score définitif. Or, des paris engagés sur Cesson - Montpellier, sont litigieux tant au niveau des montants que le type de paris. Quelque 80.000 euros de paris ont été pris en quelques heures sur le résultat à la mi-temps. Les gains des parieurs sont estimés à près de 200.000 euros.
Parmi les personnes interpellées figurent sept joueurs du club héraultais, figure de proue du handball français depuis 15 ans, dont les frères Nikola et Luka Karabatic, Michaël Robin, les Slovènes Dragan Gajic et Primoz Prost, les Tunisiens Wissem Hmam et Issam Tej, ainsi que leur kinésithérapeute Yann Montiège, et deux anciens du club, Samuel Honrubia et Mladen Bojinovic, évoluant aujourd'hui à Paris. Les autres interpellés sont des personnes de l'entourage des joueurs, dont deux compagnes, Jennifer Priez (compagne de Luka Karabatic), Géraldine Pillet (compagne de Nikola Karabatic) et la femme de Mladen Bojinovic, ainsi que des personnes en charge de la distribution de produits de la Française des Jeux. Tous sont interrogés dans le cadre d'une commission rogatoire d'un juge d'instruction de Montpellier pour corruption active et passive, escroquerie et recel d'escroquerie aux dépens de la Française des Jeux (FDJ).
La compagne de Luka Karabatic a parié à la demande du joueur
Jeny Priez, compagne de Luka Karabatic, a dit lors de sa garde à vue "avoir parié" pour son compagnon et à sa demande et "avec l'argent de celui-ci", a annoncé lundi à l'AFP son avocat Me Antoine Camus. "Jeny Priez, depuis le début de sa garde à vue hier à 13H30, a immédiatement collaboré avec les officiers de police judiciaire en leur déclarant, spontanément et dès les premières minutes de son audition, la réalité des faits la concernant: avoir parié pour Luka Karabatic à la demande de celui-ci et avec l'argent de celui-ci", a affirmé son conseil.
Les faits se recoupent grâce à des informations financières et de témoignages. En effet, pour le paiement d'un gain supérieur à 500 euros pour un pari sportif, les centres de paiement de la FDJ règlent par chèque ou les détaillants font un virement sur un compte bancaire avec un RIB. Dans les deux cas, on connaît ainsi le prénom et le nom du gagnant, ce qui a permis aux enquêteurs de remonter les pistes jusqu'aux joueurs. Ainsi, des proches des joueurs interpellés ont parié sur l'issue de la rencontre entre Cesson et Montpellier (notamment le score à la pause en faveur de Cesson et le résultat final), des sommes anormales sur des types de paris tout aussi anormaux.
Nombreuses zones d'ombre
Les questions demeurent nombreuses pour avoir tous les éléments de cette sombre affaire. Les joueurs ont-ils commandité et financé les paris? Les joueurs ont-ils fourni des informations sur le scenario de la rencontre à des tiers? Les joueurs ont-il truqué le sort du match? Les éléments attendus sont importants car les joueurs risquent de lourdes sanctions pour des pratiques moralement et pénalement condamnables. Selon Me Lienard, en cas de simple délit sportif, les joueurs risqueraient jusqu'à six matches de suspension et 25 000 euros d'amende. En revanche, en cas de match truqué, le délit pénal de "fraude et corruption sportive" est passible de cinq ans de prison et 75.000 euros d'amende. La défense des joueurs insiste sur "l'infraction sportive, pas l'infraction pénale" selon Me Eric Dupond-Moretti. "Pour que la justice puisse intervenir dans cette affaire, on a besoin d'un match truqué, faute de quoi, sur le plan pénal, il n'y a rien (...) Le match truqué, ça se démontre, c'est le procureur qui doit le démontrer, ces hommes démentent de la façon la plus farouche avoir truqué ce match, ce ne sont pas des tricheurs, le match n'a pas été truqué" a ajouté l'avocat des Karabatic.
Toujours selon Me Linéart, les personnes interpellées à Paris vont être transférées "mardi à Montpellier", à l'exception de la compagne d'un joueur qui, auditionnée dès dimanche matin, devrait quant à elle être transférée "lundi en fin de journée". Les gardes à vue pourraient "être prolongées", a affirmé devant la presse Me Franck Nicolleau, avocat de Dragan Gajic et Primoz Prost, deux joueurs slovènes de Montpellier. A l'issue de leur audition, ces personnes pourront être relâchées sans poursuite ou éventuellement présentées à un juge pour une possible mise en examen. Le procureur de la République de Montpellier doit tenir une conférence de presse lundi en milieu d'après-midi. "C'est une épreuve, une épreuve pour tout le monde, les joueurs, le club de Montpellier, la Fédération et le hand en général", a déclaré Joël Delplanque, président de la Fédération de handball, qui juge "indispensable que cette enquête soit menée de manière la plus rapide et efficace possible pour qu'on connaisse enfin la vérité."
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