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Marie-Amélie Le Fur : "La France a remporté 28 médailles aux Jeux paralympiques de Rio, l'objectif est fixé à 35 médailles à Tokyo"

La présidente du comité paralympique et sportif français revient dans une longue interview accordée à franceinfo: sport sur la difficile préparation des athlètes en raison de la pandémie de Covid-19. Elle évoque également ses ambitions personnelles pour ses quatrièmes et derniers Jeux.

Article rédigé par franceinfo: sport, Apolline Merle
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 9min
Marie-Amélie Le Fur, présidente du comité paralympique, lors de la journée J-100 avant les Jeux olympiques de Tokyo, le 14 avril 2021, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). (MILLEREAU PHILIPPE / KMSP / AFP)

Deuxième round à Tokyo. Moins de trois semaines après la fin des Jeux olympiques, les Jeux paralympiques prennent le relais dans la capitale japonaise. À la veille de la cérémonie d'ouverture, mardi 24 août, Marie-Amélie Le Fur, présidente du comité paralympique et sportif français (CPSF), revient pour franceinfo: sport sur ces Jeux si particuliers. Des objectifs de médailles à la préparation des athlètes en passant par la médiatisation de l'événement ou ses ambitions personnelles, l'octuple médaillée paralympique et détentrice du record du monde au saut en longueur, qui va disputer ses quatrièmes et derniers Jeux, se confie dans un long entretien.

Franceinfo: sport : Quel est l'état d'esprit de la délégation française avant le début des Jeux paralympiques ?

Marie-Amélie Le Fur : D'après les échanges que j'ai pu avoir avec nos athlètes, il y a une véritable envie de concourir à Tokyo, d'aller chercher des médailles, de donner le meilleur de soi-même. On a une équipe de France conquérante.

D'autant plus après la pandémie de Covid-19... 

Les deux dernières années n'ont pas été simples, et selon votre handicap et votre pratique, cette période n'a pas du tout été vécue de la même façon. Certains sportifs ou disciplines n'ont pas ou peu eu de compétitions internationales depuis des mois, comme le tir, le tennis de table ou l'escrime par exemple. Tous les sports n'ont pas été logés à la même enseigne. C'est d'autant plus compliqué pour les sports d'opposition directe où on a besoin de connaître son adversaire, de le jauger pour progresser et se développer.

Ce manque de compétition a un effet considérable sur la capacité à se situer au niveau mondial. On a aussi beaucoup de pays qui n'ont pas pu participer aux compétitions internationales, donc là encore, c'est difficile de jauger le niveau des adversaires. En tout cas, l'équipe de France a envie de performer. 

Quelles autres conséquences le Covid a-t-il eu sur la préparation des athlètes ?

La préparation a été très particulière. Repousser les Jeux d'un an, c'est pousser encore plus son corps, c'est l'entraîner sans temps de coupure une année de plus, et cela peut être fatiguant pour les organismes. C'est aussi une charge morale et mentale très importante. Au-delà de l'arrêt de nombreuses compétitions et des difficultés à s'entraîner, il y a aussi eu des sports qui ont repris les entraînements plus tard que d'autres comme les sports d'opposition ou les athlètes accompagnés d'un guide. Il y a eu aussi beaucoup d'inquiétude de la part d'athlètes qui ont des pathologies très importantes, et qui ont donc des facteurs élevés de comorbidité face au covid. Chacun a vécu cette période différemment. 

Enfin, on ne le mentionne pas assez, mais il s'agit d'une conséquence positive cette fois. Je trouve une chose très belle dans ces Jeux tokyoïtes, qui n'aurait pas été le cas l'année dernière, c'est qu'on va observer un choc des générations. En 2020, on n'aurait pas eu la génération montante de 2024 aussi prête, forte et performante.

"Ça va être très beau de voir ceux qui vont tirer leur révérence en 2021 affronter la génération de 2024 qui monte en puissance."

Marie-Amélie Le Fur

à franceinfo: sport

Quel est l'objectif de médailles à Tokyo pour la délégation française ?

Aux Jeux de Rio, la France avait remporté 28 médailles et, à Tokyo, l'objectif est fixé à 35 médailles. Cette augmentation, on l'attend et on l'espère parce qu'il y a eu beaucoup plus d'accompagnement auprès des sportifs de haut niveau paralympiques et auprès des fédérations depuis quelques années, et notamment depuis l'annonce de Paris 2024.

Les moyens des fédérations ont été renforcés, l'accompagnement humain des sportifs a été développé avec des équipes plus élargies, et on a fait appel à l'innovation et la science pour accompagner nos athlètes. C'est donc tous ces éléments qui, mis bout à bout, permettent d'espérer plus de médailles à Tokyo.

Lors des Jeux olympiques, quelques athlètes ont été testés positifs au Covid à Tokyo et ont dû renoncer à la compétition. Est-ce que vous redoutez que certains athlètes français soient touchés ?

Oui, cela fait partie des inquiétudes, pour le sportif lui-même déjà. Il faut comprendre que ce sont des années de travail, a minima cinq ans de préparation pour ces Jeux. Imaginez, vous arrivez aux portes de l'avion ou du stade et on vous dit que ce n'est pas possible d'y participer à cause d'un test positif... C'est moralement très dur. Mais les fédérations ont très bien accompagné les sportifs, tout comme le comité paralympique, pour vraiment expliquer toutes les mesures nécessaires à suivre.

Marie-Amelie Le Fur lors d'un entraînement, le 21 mai 2021 au stade Jean-Leroy de Blois (Loir-et-Cher).  (GUILLAUME SOUVANT / AFP)

Avec le protocole sanitaire strict mis en place, ces Jeux sont-ils plus stressants que d'ordinaire au niveau de l'organisation ?

Je ne sais pas si stressant est le bon mot, mais il y a effectivement un niveau d'information et d'organisation logistique et administrative sans pareille sur les Jeux cette année. Encore une fois, on a essayé au niveau du comité paralympique et des fédérations d'accompagner au mieux les athlètes dans les démarches afin que ce soit le moins pénalisant pour eux mentalement.

On sait qu'il y a la bulle sanitaire, qu'on sera dans le village sans pouvoir en sortir, qu'on ne pourra pas visiter le Japon, et que les épreuves se dérouleront à huis clos, sans nos proches. Toutes ces informations, qui peuvent avoir un impact important sur les performances, sont connues par les sportifs qui s'y préparent depuis plusieurs mois. D'ailleurs pour beaucoup, le huis clos est déjà le format choisi depuis plusieurs mois sur toutes les compétitions internationales. 

Une question à l'athlète que vous êtes maintenant. Vous vous êtes blessée il y a quelques semaines, comment allez-vous ? 

En effet, je me suis blessée début juin sur le quadriceps, et alors même que je remontais en puissance progressivement, j'ai enchaîné sur une deuxième blessure, aux ischios-jambiers cette fois. Ces blessures n'étaient pas excessivement graves, mais elles m'ont fait prendre du retard dans la préparation. Ça a été un peu préjudiciable mais, depuis plusieurs semaines, je remonte bien en puissance. J'ai retrouvé le saut et le sprint. Avec mon équipe, on est relativement confiants pour aller chercher une nouvelle performance à Tokyo.

Tokyo sera votre quatrième et ultime participation aux Jeux paralympiques. Vous visez donc l'or pour terminer en beauté ?

Oui, la médaille d'or est mon objectif. Surtout avec mon record du monde réalisé en février dernier (6,14 m), on ne peut pas avoir d'autres objectif que d'aller chercher l'or et de battre de nouveau le record du monde. Mais la concurrence sera très forte, avec une large densité d'athlètes et une grande augmentation du niveau. Cette année supplémentaire a permis aux filles de peaufiner leur technique et d'être en pleine puissance. 

À Tokyo, je m'alignerai uniquement sur le saut en longueur car je devais considérablement augmenter mon niveau sur la longueur, et ma vie a fortement évolué depuis les derniers Jeux avec, d'une part, le poste de présidente du comité paralympique, et d'autre part, le fait que je sois devenue maman. 

Les Jeux paralympiques sont de plus en plus médiatisés et suivis depuis les éditions de Londres et de Rio. Vous vous attendez à ce qu'ils passent un cap supplémentaire à Tokyo ?

C'est une envie et un espoir d'avoir plus de reconnaissance envers les sportifs paralympiques. Mais il faudrait aussi permettre aux sportifs d'acquérir de la visibilité et de la médiatisation en dehors des Jeux, autrement dit lors des championnats d'Europe et du monde pour qu'il y ait un suivi entre deux éditions. Cela serait une belle réussite pour préparer Paris 2024.

D'ailleurs, accueillir les Jeux à Paris va-t-il selon vous permettre de changer la dimension des paralympiques en France ?

En tout cas, il faut que ce soit le résultat final. Si on rate cette occasion pour faire grandir la connaissance et la reconnaissance du mouvement paralympique, la médiatisation des sportifs de haut niveau, le développement du sport handicap, on raterait une opportunité unique. Il faut vraiment que tout le monde se mette en ordre de bataille pour que cela fonctionne, avec le comité paralympique en tête de file, mais aussi toutes les parties prenantes de Paris 2024, ainsi que l'ensemble des médias français. 

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