Le hockey français entre patience et prudence
Après l’annulation pure et simple des championnats du monde, elle menace désormais le tournoi de qualification pré-olympique prévu à la fin du mois d’août en Lettonie : "On attend la décision de l’IIHF (fédération internationale de hockey) avance Eric Ropert, directeur général de la fédération, on a gardé les dates de la préparation pour l'équipe nationale avec des stages prévus au mois d’août si le tournoi est maintenu." En Lettonie, l’équipe de France - absente des Jeux Olympiques depuis 2002 - devra dominer la Hongrie, l’Italie et surtout les favoris Lettons si elle veut à nouveau retrouver le souffle Olympique.
Mais la situation internationale inédite ne garantit pas l’organisation du tournoi : "Il y a de l’eau qui va passer sous le pont" rajoute Luc Tardif, président de la fédération et membre de L’IIHF. "Aujourd’hui, il y a plus de chance que le tournoi se déroule en février 2021 car la situation n’est pas maîtrisée et surtout elle est différente selon les pays. Tout est encore flou, même la NHL est dans l’attente. J’ai parlé avec Bob Nicholson, (vice chairman des Oilers d’Edmonton) et ils réfléchissent à un retour au jeu en novembre prochain. Ils pourraient ainsi enchaîner la fin de la saison 2020 et la suivante en janvier pour jouer jusqu’en juillet 2021. Donc, quelque soit les dates, nous ne sommes pas certains de pouvoir compter sur nos 3 joueurs NHL (Roussel, Bellemare, Texier) pour la qualification Olympique."
Pour le hockey international, le calendrier est totalement bouleversé mais l’économie n’est pas spécialement menacée : "Les championnats du monde élite devaient se dérouler en Suisse au mois de mai" poursuit Luc Tardif, "leur annulation est couverte à 90% par les assurances à condition qu’ils ne soient pas réorganisés l’année suivante dans ce pays." Donc, en 2021, on devrait repartir avec un mondial sur deux pays, en Lettonie et en Bielorussie, peut-être à des dates reculées en fonction de l’épidémie. Et ce calendrier incertain est scruté par la fédération française et ses clubs afin d’organiser, au mieux, la future saison française.
2020 - 2021, l’année de tous les dangers...
C’est la grande inconnue. Désormais, comme tous les chefs d’entreprise du pays, les présidents de clubs sont à l’écoute du ministère des sports. A ce jour (et comme tous les autres sports), l’année à venir est celle des non-voyants. La fédération - l’une des premières à avoir purement et simplement annulé la fin de saison - prépare l’année à venir: "Il y aura un impact certain de la pandémie analyse Eric Ropert. L’économie des clubs repose en partie sur des petites et moyennes entreprises et cela présente un risque pour tous nos clubs." En France, les budgets des équipes s’étalent entre 1 et 4,2 millions d’Euros. L’économie repose essentiellement sur le partenariat et les entrées. Cette saison, plus de 500 000 personnes ont poussé les portes des patinoires pour assister aux matchs.
Certaines équipes comme les Ducs d’Angers ont triplé leurs recettes grâce notamment à l’Ice Park, la nouvelle patinoire de 3500 spectateurs : "On a disputé nos 16 derniers matchs de la saison à guichets fermés. On a énormément travaillé en amont pour connaître l’attente de nos spectateurs dans la nouvelle patinoire et on a été récompensé" positive Michael Juret, le président de Ducs. "On a 650 places de réceptif, on voulait monter à 1000 la saison prochaine. On va peut être patienter un an mais le but à terme - 1500 personnes de réceptif- est toujours notre objectif." Et il est assez logique d’observer que le club d’Angers - en dépit des incertitudes - est très actif sur le marché des transferts. Halley et Giroud, parmi les 5 meilleurs marqueurs de la saison écoulée mais aussi deux internationaux français, Ritz et Dusseau, ont choisi la douceur angevine pour la suite de leur carrière : "Ce sont des joueurs que l’on avait ciblés avant la pandémie. On n'a pas changé nos objectifs. Nous allons prolonger les contrats de certains joueurs mais nous laisserons 4 ou 5 places vacantes dans l'effectif en fonction des décisions", conclut Michael Juret.
Prendre le temps pour la reprise
Un minimum de prudence sans doute nécessaire au moment où le hockey entre dans son intersaison habituelle. Et contrairement à de grosses ligues telles que le football ou le rugby, la ligue Magnus n’est pas contrainte par les Droits TV : "C’est vrai que nous ne sommes pas très riches mais on a moins de risque sur la tête", philosophe Luc Tardif. "On peut patienter avant de reprendre..." Les réunions entre la fédération et les présidents de clubs s’enchaînent et toutes les options sont envisagées : "On a étudié plusieurs reprises possibles" explique Jacques Reboh, le président des Bruleurs de Loups de Grenoble. "On pourrait rejouer le 1er octobre, le 15 ou même le 1er novembre. On jouerait pendant les périodes internationales - même pendant les championnats du monde -, cela ne me pose pas de problèmes. En revanche, il faudra les effectifs complets pour les séries finales." Cette souplesse est une force pour le hockey pendant cette épidémie.
Elle permet à tous les clubs de s’adapter, au point de modeler l’effectif (et donc le coût ) au fil du temps : "Nous gardons l’ossature de notre équipe actuelle. Nous avons récupéré des jeunes formés à Grenoble que nous avions prêtés. Nous aurons nos 20 joueurs pour la ligue Magnus et je n’exclus pas de récupérer d’anciens grenoblois (français) pour disputer la ligue des champions puisque le règlement l’autorise", poursuit Jacques Reboh. Ce serait une belle publicité pour le club qui a le plus souffert de l’arrêt prématuré de la saison : "Pendant les playoffs, on fait une marge nette d’environ 100 000 euros par match. Il restait la demi-finale et la finale dont potentiellement 8 matchs à domicile. C’est une perte, mais on va assumer avec le soutien des collectivités locales (métro, département, ville, région)" explique Jacques Reboh. "On est solidaire mais notre modèle économique repose sur la billetterie. On ne peut pas jouer à huis clos donc il est urgent de patienter". Un pragmatisme nécessaire pour des clubs dont le partenariat sera sans doute revu à la baisse - entre 15 et 20 % - et qui ont besoin de certitudes pour bien anticiper l’avenir : "Habituellement, on livre nos calendriers le 8 juin mais on va prendre le temps pour assurer les meilleures conditions de reprise possible pour tous les clubs", soutient Eric Ropert.
Face à la crise, le hockey français fait bloc
Les 12 équipes de la ligues Magnus (la promotion des Jokers de Cergy sera officialisée la semaine prochaine) jouent groupés. Tous les secteurs de l’économie sont touchés, les sports - les plus modestes comme les plus forts -sont concernés et la prudence, dès lors, s’impose : "Moi, je ne vais pas me précipiter. On ne sait pas quand et comment tout cela va se terminer. J’avais dans l’idée de faire une équipe très française avec le retour de nombreux joueurs formés à Rouen" explique Thierry Chaix, le président des Dragons. Je garde mon cap et de toutes les manières, la situation est identique dans tous les pays. Toutes les ligues sont à l’arrêt et il y aura des opportunités pour recruter de très bons étrangers jusqu’au mois d’août.." Quelques départs et une seule recrue - Roland Vigners, révélation de la saison écoulée - attestent de la prudence des Dragons, le club le plus titré des 30 dernières saisons, parce qu’en attendant de savoir si la France retrouvera les Jeux Olympiques ou l’élite mondiale, la patience est désormais la principale vertu d’un sport qui est dans un cycle quasi normal. C’est traditionnellement en été qu’il hiberne.. Sans certitude sur le réveil, cette année...
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