Pierre-Edouard Bellemare : une rue à Vegas pour l'enfant de Pantin
C’est ce que l’on appelle une maturité lente. Celle d’un enfant naturellement doué pour le sport. Dans la famille Bellemare, les 5 enfants ont tous excellé dans leurs disciplines : "Mes 3 sœurs, mon frère ont tous été en équipe nationale ou tout proche dans leur spécialité et ma grande sœur a même fait les JO de Sydney en gymnastique", avance fièrement PI-ED. Et il n’est pas en reste... Cela fait désormais 6 ans que Pierre-Edouard Bellemare a posé ses patins dans la NHL, la planète des stars du hockey. C’est à Philadelphie, chez les robustes Flyers que PI-ED a pris la mesure de ce monde tout nouveau pour lui, si éloigné de ses rêves d’enfant.
Bellemare, c’est un peu le conte de fée pour joueur de hockey. Lui, le 3e des 5 enfants d’une famille monoparentale de Pantin se retrouve dans des vestiaires de millionnaires : "C’est sûr, ça fait un joli bout de chemin pour un enfant du 9-3" se marre Pierre-Edouard au téléphone. "Je me souviens, je partais avec ma crosse de St Ouen pour St Maur avant d’arriver à Viry-Châtillon pour m’entraîner. 3 heures de métro avec, parfois, des contrôles d’identité et des policiers qui me demandaient pourquoi j’avais une arme en regardant ma crosse", se remémore Pierre-Edouard.
De toutes ces années incertaines, il a gardé une foi inébranlable. Aucune galère, aucune difficulté désormais ne le ferait reculer : "En fait, ça m’a aidé, ça m’a forgé un côté positif. Je profite de chaque moment et dans les équipes, je suis souvent assistant capitaine. J’ai la pêche tous les jours, je profite, je pense toujours de manière positive sans me plaindre, point barre", précise celui qui a débuté le hockey à Montpellier.
Rue Pierre-Edouard à Las Vegas
Evidemment, à Montpellier ou à Nîmes, les clubs de son enfance, PI-ED a rapidement touché le bout de ses patins. Plus vite, plus haut, plus fort. La devise est taillée pour lui. Viry-Châtillon pour se développer à l’adolescence, puis la Ligue Magnus, dès 17 ans avec les Dragons de Rouen, la voie est tracée pour Bellemare avant le grand saut, vers la Suède. Là-bas, PI-ED va rencontrer sa femme et surtout il va continuer à s’élever. 7 saisons pleines en 2e division, puis en élite avec 2 titres de champion dans ce pays majeur du hockey mondial. PI-ED, assistant capitaine du club de Skelleftea a réussi au-delà de ses espérances. La Suède, sa deuxième patrie qui l’inquiète un peu au moment du confinement : "On est un peu partagé avec ma femme. Ils ont fait le choix de l’immunité collective mais je ne suis pas persuadé que cela fonctionne aussi bien que ça", avance le Francilien.
Lui est en famille à Las Vegas. Après avoir débuté le confinement à Denver pendant 6 semaines, il a rejoint le Nevada avec sa femme et ses 2 enfants : "A Denver, le confinement était très strict et on l’a vraiment respecté. On est arrivé à Las Vegas et c’est autre chose. Les supermarchés, les restaurants sont ouverts, ça change", analyse le Français qui a découvert une facette absolument inattendue de son passage - pendant 2 saisons - dans la cité des anges : une rue Pierre-Edouard dans le nord de Vegas. L’initiative totalement déconcertante d’un promoteur immobilier pour immortaliser la performance des Golden Knights (le nom de la franchise), finaliste de la Coupe Stanley dès leur première saison.
Les 22 noms des finalistes articulent ce nouveau quartier : "Ils auraient pu prendre mon nom plutôt que mes 2 prénoms se marre PI-ED. C’est incroyable. D’habitude, le nom des rues est attribué à des personnes qui ont fait des trucs pour l’humanité, celles qui trouvent des vaccins par exemple. Nous, on a juste joué au hockey. Et ça me fait drôle parce lorsque je suis arrivé à Philadelphie, il y avait plein de photos des gars qui avait forgé l’histoire des Flyers. Ici, l’histoire, en fait, c’est nous qui l’avons écrite". Une référence au baptême des Golden Knights lorsqu’ils ont soudé une ville endeuillée par une tragique fusillade en 2017 (58 morts et 527 blessés, la plus meurtrière de toute l’histoire des Etats-Unis perpétrée par un seul homme).
A travers cet épisode douloureux, les Golden Knights ont forgé leur identité, proche des valeurs du Français : "A Vegas, on était tous humbles. Il n’y avait pas de super stars, juste une équipe hyper soudée. En fait, ça me rappelle ce que j’ai vécu avec l’équipe de France. On n'était jamais les favoris mais une vraie équipe de chiens galeux. La ville avait souffert des attentats et on est devenu le symbole de cette souffrance. Avec nos victoires, c’était un peu la lumière au bout du tunnel. Chaque joueur ne pensait pas à ses stats mais à l’équipe. On sortait des matchs couverts de bleus mais heureux", se rappelle-t-il. Le sport en retiendra une finale - perdue -de Coupe Stanley contre les Washington Capitals d’Ovechkin.
En attendant la suite, Pierre Edouard continue à se préparer "avec 2 haltères et un élastique" pour éventuellement retrouver la glace cet été : "J’ai 35 ans et je ne veux pas passer pour un mec qui n’aurait rien fait pendant 2 mois. C’est la première fois depuis l’âge de 16 ans que j’ai eu du temps avec ma famille à cette période de l’année. J’ai vraiment profité de ma femme, de mes enfants mais j’ai bossé physiquement parce qu’il y a toujours un peu d’appréhension avant le reprise après un arrêt aussi long" précise PI-ED.
Parce que les Colorado Avalanche sont des prétendants sérieux à la Coupe Stanley. Et si le hockey reprend cet été, Pierre Edouard veut poursuivre sa meilleure saison "so far" dans la NHL : "En me recrutant, les Avalanche m’ont dit qu’ils voulaient faire de moi un meilleur joueur. Lorsqu’une des meilleures équipes de la Ligue te tient ce discours, c’est super positif" explique le Français crédité de 22 points en 69 matchs depuis le mois d’octobre.
Et puis, en marge de toutes ces aventures Outre-Atlantique, PI-ED conserve, au fond de son coeur, une place toute particulière pour ce qui l’a motivé lorsqu’il traversait l’Ile-de-France avec ses affaires de hockey : l’Equipe de France. "Moi, mon rêve, ce n’était pas la NHL mais les Jeux olympiques. Je suis super motivé pour le tournoi de qualification olympique. Il faut ramener l’équipe de France dans l’élite mais il faudra surtout se qualifier pour les JO (en 2022). On a un groupe (Lettonie, Italie, Hongrie) qui est abordable. On aura un gros match à gagner, la Lettonie et si on retrouve nos vertus, si 20 mecs bloquent tous les shoots, si on est solidaires, on va gagner et se qualifier pour Pékin, point barre", assène le centre tricolore. C’est ce que l’on appelle la pensée positive d’un homme également finaliste de la coupe du Monde de hockey en 2017, avec la sélection des meilleurs joueurs européens. Une distinction unique pour un Français dans le petit monde du hockey. Une étape supplémentaire dans la vie d’un gamin de Pantin, simplement parti conquérir le monde avec ses patins.
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