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"J'allaite ma fille aux entraînements, je l'amène un peu partout" : Clarisse Agbégnénou, le retour de la championne de judo devenue maman

Médaillé d'or aux Championnats du monde de judo au Qatar, Clarisse Agbegnenou a fait un retour fracassant en compétition, après avoir, quelques mois plus tôt, accouché de sa fille, Athéna.
Article rédigé par franceinfo, Sandrine Etoa-Andegue
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Clarisse Agbegnenou, championne olympique de judo (SANDRINE ETOA-ANDENGUE)

Le 10 mai 2023, Clarisse Agbégnénou décroche son sixième titre de championne du monde, dans la catégorie des moins de 63 kilos, aux Mondiaux de judo de Doha, au Qatar. Un nouveau titre mondial, dix mois seulement après avoir accouché de sa petite fille Athéna, qui se trouve dans les tribunes. Elle lui dédie cette éclatante victoire et ce retour triomphal, qui a “un goût de maternité. Il est comme le lait, savoureux, sucré, léger", s'amuse Clarisse Agbegnénou.

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Cette victoire c’est pour toutes les mamans, les papas qui me regardent aujourd'hui, assure, la championne. Vous pouvez le faire si vous travaillez, si vous vous en donner les moyens, tout est possible, poursuit Clarisse Agbégnénou. C'est de bonne augure pour Paris 2024.”

Ce sixième titre mondial, Clarisse Agbégnénou raconte qu'elle est allée le chercher au bout d'elle-même. Malgré la fatigue des nuits sans sommeil, car elle allaite toujours sa petite fille non-stop, depuis qu'elle a accouché, le 22 juin 2022. Pas assez entraînée, pas attendue, elle a balayé ses doutes pour s'imposer. Comme à la maison, à l'entraînement ou en compétition, l’athlète ne lâche pas Athéna, son “petit koala”, comme elle l'appelle.

Le sentiment d'être pionnière

Un droit octroyé par la Fédération internationale qu'elle a dû négocier. Au-delà de ses victoires sportives, Clarisse Agbégnénou est fière d'avoir envoyé un message : revenir à la performance de haut niveau, juste après un accouchement.

Ce n'est pas facile, mais pas impossible. Pour y parvenir, il faut donner aux athlètes les moyens d'y arriver. Avec le sentiment d'avoir ouvert des portes, elle se souvient de ce moment où elle se relève du tatami, championne pour la sixième fois. “J'étais abasourdie. Quand j'ai gagné, je me suis dit mais non, ce n'est pas possible ! Mais en même temps, c'est tout le travail que j'ai fait toutes ces années", raconte la judokate.

"Ce n'est pas parce que je me suis arrêtée un an et demi, que je ne suis plus rien. Je m'en donne encore tous les jours les moyens. Mais j'étais sacrément surprise par ma victoire.”

Clarisse Agbegnénou, championne de judo

à franceinfo

La pression de devoir toujours rester au top niveau, d’aller chercher des titres, surtout avec son statut, Clarisse Agbégnénou l’a transformée en objectifs, “je savais que je pouvais avoir une médaille, une médaille de bronze, même une cinquième place. Mais, il me semblait que ça semblait un peu trop tôt de revenir après dix, onze mois d'accouchement, se souvient-elle, désormais persuadée que sa méthode "fonctionne". Elle reconnaît que l'allaitement soit "assez prenant", mais précise que c’est aussi ce qui lui fait très plaisir et qui lui donne de la force. 

Des sportives mères attendues au tournant

"Aux Championnats du monde au Qatar, il y avait quand même toute ma famille qui est venue me voir, mes amis donc je me disais: allez ! ,se remémore Clarisse Agbégnénou, qui a eu le sentiment d’être attendue au tournant. Ça m’a fait vraiment plaisir de montrer, ce qu'a fait mon équipe, ce que fait ma fille aussi. Elle fait tellement de choses, que j'avais envie de lui dire merci et le remerciement que je pouvais lui donner, c'était de lui mettre cette médaille autour du cou."

La championne olympique se sent fière et espère que tout ce que sa fille vit, même si elle ne le sait pas encore, deviendront des choses qu'elle pourra lui inculquer plus tard.

>> Paris 2024 : "Je suis candidate pour être porte-drapeau une deuxième fois", annonce Clarisse Agbégnénou

"Le message qu’on ne te dit pas mais que tu ressens c’est, “on va voir maintenant si tu vas assumer !”

Clarisse Agbegnénou, championne de judo

à franceinfo

"II n'y a pas qu'au judo que les femmes sont attendues au tournant : "C’est  la société, c'est la fédération, c'est le judo. La judokate raconte avoir reçu de nombreux messages d'encouragements : "On m'a dit 'c'est un truc de fou et tu es une personne, qui est hors normes. Tu n'es pas sur cette terre !'” 

Elle a même été félicitée par d’autres sportives revenues à la compétition après une maternité, comme la footballeuse Amel Majri, “on se soutient, on s'envoie des messages, on est fier. Elle m’a dit ça me donne de la force !”

Fière d’avoir réussi à faire évoluer les mentalités et le statut des athlètes, qui deviennent mères. Elle fait la liste de ce qui n’existait pas avant qu’elle ne le demande dans le fonctionnement de la fédération : “ Premièrement, le fait que ma fille soit présente avant, pendant et après les entraînements, ça ne s'est jamais vu." Elle poursuit : "J'ai aussi  le droit à un accompagnant, quand je vais en compétition pris en charge par l’ANS, l'Agence nationale du sport, c’est énorme et ça m'aide énormément.”

"J'ai décidé d'allaiter ma fille, de l'amener dans les salles de judo et aux entraînements."

Clarisse Agbégnénou, championne de judo

à franceinfo

Et à ceux qui y voit un traitement de faveur, elle répond, qu’elle a reçu quelques messages dans ce sens, mais encore plus de personnes estimant qu’elle “mérite” car “on la voit “tout le temps travailler” et “ne demande rien à personne”.

Elle estime que l'aide qu'elle reçoit est aussi à destination de la communauté : "C'est pour la France que je vais aller chercher encore une médaille d'or, un titre, chez nous à la maison", affirme-t-elle. "Si je ne peux pas avoir cette aide-là, qui peut l'avoir ? Au contraire, si ça peut m'aider moi et que ça peut aider d'autres athlètes, alors soyez preneurs !”

Paris 2024 seront ses troisièmes olympiades, pour la double médaillée d'or. Elle l'admet, “ je ne serai plus la même femme, que lors des Jeux olympiques de Tokyo en 2021, mais je ne vais pas lâcher.”

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