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"Je ne suis pas à l’aise en short dans la rue" : la pratique sportive des femmes, un parcours semé d'obstacles

Les inégalités femmes-hommes ne concernent pas uniquement le monde du travail ou la sphère familiale. Elles sont aussi très fortes concernant les pratiques sportives. Une opération de sensibilisation est menée en ce mois de mars pour tenter de lever ces obstacles et inciter les femmes à se lancer.
Article rédigé par Jérôme Val
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
L'Association Sine Qua None, lors d'une sortie nocturne, à Saint-Denis, en Seine-Saint-Denis. (JEROME VAL / RADIO FRANCE)

La nuit vient de tomber. Un petit groupe se rassemble sur le parvis de la Basilique de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), une dizaine de femmes dont des mères de famille et trois hommes, baskets aux pieds. Tous ont revêtu un maillot violet avec une inscription sur le torse, "Run for Equality" (courir pour l’égalité). Après un rapide échauffement, ce petit peloton va se lancer sur une petite boucle en ville. Au programme ce soir-là : un parcours de "5-6 kilomètres".

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C’est l’association Sine Qua None qui est à l’initiative de cette sortie nocturne. Créée en 2017, elle organise plusieurs fois par semaine des séances de running à Paris et en région parisienne (et depuis peu à la Rochelle et Bordeaux). "Je n’aime pas courir seule, explique Léa Berthelot qui a rejoint l’association il y a moins d’un an. Etre en groupe, ça m’oblige et ça protège sur le terrain."

"Je ne cours pas seule le soir"

Voilà l’un des principaux facteurs qui limitent les pratiques sportives des femmes dans l’espace public. Et Léa Berthelot en sait quelque chose. "Je ne suis pas à l’aise d’être en short dans la rue, raconte la jeune femme. Et quand je viens de courir 6 kilomètres, je ne peux plus faire un sprint si on m’embête."

Cette notion de groupe est primordiale pour mettre les femmes en confiance mais aussi en sécurité. Hélène Moesta, "sportive depuis toujours" comme elle se définit, est l’une des vingt ambassadrices de l'association. "On a toujours des remarques, s'exaspère Hélène. Il n’y a pas une seule fois où nous sommes sorties avec des hommes qui nous disent : Bravo ! Ce n’est pas méchant, ce sont toujours des encouragements, mais ça ne leur viendrait pas à l’idée de le dire à des hommes qui sont en train de courir. Il faut que ça rentre dans les mœurs, que ce soit normal de voir des femmes qui courent. Pourquoi ce serait différent ?"

Le premier frein est un manque de confiance en soi

Une étude de Strava, une application leader en matière de running, révèle qu'en France les femmes consacrent 25% de temps en moins que les hommes au sport. Ce taux grimpe en flèche à certains moments de la journée. "A la tombée de la nuit, on peut tomber jusqu’à -50%", regrette Mathilde Castres, cofondatrice de Sine Qua None.

Victime d’une agression sexuelle dans le cadre de son travail, elle a fait du sport un vecteur d’émancipation et d’égalité : si des femmes courent dans la rue, elles oseront plus occuper l’espace public. Aujourd’hui encore, les obstacles sont trop nombreux. "Le premier frein, c’est un manque de confiance en elles et de peurs qui ont été intériorisées depuis l’enfance, développe Mathilde Castres. Le deuxième, ce sont bien souvent des injonctions dues à la charge mentale en famille et au manque de temps. Le troisième, c’est de rendre l’espace public plus sûr pour elles, sur les questions d’éclairage ou de largesse des voies."

L'association en appelle aux collectivités pour rendre l'espace public plus ouvert. A Saint-Denis, ce soir-là, sur le large parvis de béton de la Basilique, il n’y a que des hommes. "J’ai l’habitude de dire que les hommes s’installent et les femmes passent", indique Oriane Filhol, adjointe à la mairie aux solidarités, à l’accès aux droits, aux droits des femmes et à la lutte contre les discriminations.

"On le voit autour de nous, dès que la nuit tombe, les femmes disparaissent assez vite..."

Oriane Filhol

à franceinfo

"Notre but, poursuit-elle, c’est de voir les femmes la nuit dans l’espace public, ensemble on se sent plus en confiance et petit à petit, ça va normaliser les comportements." Depuis six ans, l’association Sine Qua None a pris sous son aile 2 000 femmes. Elle veut aussi investir les terrains de football dans les city-stades, trop souvent utilisés seulement par les hommes.

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