"Franchement, ce tournoi est une boucherie" : en handball, les Bleus jouent leur destin olympique dès vendredi
L'équipe de France de handball masculine dispute un tournoi de qualification pour les Jeux olympique de Tokyo à partir de vendredi, à Montpellier. "On devra enchaîner trois grandes prestations pour gagner ce tournoi", estime le sélectionneur des Bleus Guillaume Gille.
Cette semaine est décisive pour le handball français. Pour les hommes, du moins. Ils jouent leur avenir olympique, car leur billet pour Tokyo dépend d'un tournoi de qualification olympique (TQO) à quatre qui se déroule dès le vendredi 12 mars, à Montpellier. Trois matchs en trois jours, face à la Croatie, à la Tunisie et au Portugal, pour tenter de se qualifier pour les Jeux olympiques de cet été. À cette occasion, le sélectionneur des Bleus, Guillaume Gille, s'est confié à franceinfo. Il se confie sur ce tournoi couperet, sur "son" équipe de France, sur la perspective des Jeux de Tokyo. Et il revient sur le contexte d'une année où il a pris ses foncrtions de sélectionneur marquée par la crise du Covid-19
franceinfo : Avec ce tournoi de qualification olympique, vous retrouvez le groupe pour la première fois depuis le Mondial en Egypte, au mois de janvier. Avec le recul, est-ce que cette compétition reste un bon souvenir sportivement ou est-ce que vous avez des regrets ?
Guillaume Gille : Quand je revois le film, je le vis comme quelque chose de très positif, comme une très belle expérience de travail pour le nouveau staff et les joueurs, dans le contexte qui était le nôtre, qui était très complexe. 38 jours ensemble, c'est une première. Ça n'existait pas dans une préparation d'une compétition internationale. Des absents, des joueurs qui sont arrivés en début de préparation totalement rincés par un final four qui est un véritable aspirateur d'énergie... il y a donc beaucoup de complexité, et la nécessité de se relever pour cette équipe parce qu'on ne s'était pas réunis dans cette configuration là depuis le mois de janvier 2020 ! Au final, le parcours qui nous a amenés à trouver le chemin vers les demi-finales du Championnat du monde est très positif. Ces sept première victoires enchaînées face à des adversaires très intéressants nous ont permis de réintégrer le gotha du hand mondial. Malgré tout, et c'est souvent la dernière impression qui reste en tête, quand on regarde nos deux derniers matchs, on ne peut pas se satisfaire des contenus, du résultat brut qui nous prive d'une récompense et d'une médaille pour rentrer à la maison, ce qui aurait aussi validé d'une manière différente notre aventure. Mais cela reste vraiment quelque chose de très, très positif.
C'étaient aussi vos débuts de sélectionneur en compétition officielle. Comment vous les avez vécus ?
J'avoue que le bizutage à ce poste a été quand même assez important, en prenant cette fonction en période Covid, avec les contraintes folles auxquelles on a été confrontés ! Cette période d'apprentissage a été un peu frustrante, et en même temps, je l'ai vécue avec beaucoup de passion et d'intensité parce que c'est aussi ce que requièrent ces aventures. Je les connaissais en tant que joueur, ou membre du staff pendant trois ans, et de la vivre avec cette casquette de chef de projet, avec ce nouveau staff, c'était une vraie chouette expérience. Je continue d'apprendre.
Il vous satisfait, ce poste de sélectionneur ? Est-ce qu'il satisfait votre appétit de handball ?
Franchement, c'est une mission excellente à vivre. Quand on aime le hand, quand on aime entraîner et quand on aime gérer des projets, d'avoir "ce matériel-là" à disposition, c'est juste un luxe fou. Être sur ce niveau de contrainte et de pression qu'est le sport de haut niveau, lié aussi à ce que représente la Fédération française de handball, à ce que le handball représente dans l'échiquier des sports aujourd'hui... Bien sûr qu'on est attendus ! Mais il s'agit aussi d'un des carburants qui ont jalonnés mon parcours d'homme en tant que handballeur pro et, depuis quelques années, en tant qu'entraîneur. C'est un carburant qui aide à se lever le matin.
Comment vous abordez ce Tournoi de qualification olympique (TQO), avec ces trois matchs en trois jours ?
La première chose, c'est que j'espère que ce mode de qualification n'existera plus ! Toutes nos compétitions internationales ont beaucoup évolué en essayant de donner des respirations aux athlètes, en faisant en sorte que de répartir la charge de travail. Franchement, ce TQO c'est une boucherie qui, j'espère évoluera, parce que ce n'est pas respecter les acteurs.
"Ce tournoi, c'est jouer un peu à la roulette une participation aux Jeux olympiques qui est essentielle pour l'ensemble des quatre équipes qui vont jouer leur destin à Montpellier."
Guillaume Gilleà franceinfo
Derrière, on se retrouve dans un contexte qui est très particulier. À savoir peu de temps de travail, des joueurs qui reviennent dans des états physiques très hétérogènes, liés à leurs matchs de compétition en clubs qui ont été aussi très condensés ces dernières semaines pour pallier les reports, les annulations de la première partie de saison. Dans quel état on va retrouver nos joueurs ? Avec quel niveau de forces ? Une fois qu'on a posé tout ça, on a quand même besoin de se mettre en ordre de marche pour gagner des rencontres et pour laisser la Croatie, la Tunisie et le Portugal derrière nous si l'on veut voir Tokyo. Il y a une forme de paradoxe assez fort entre ce contexte qui est fou, et ce challenge sportif qui est de premier ordre. C'est un peu schizophrénique. Il ne faut pas trop y penser. Trois combats de ce type en trois jours, c'est juste fou.
C'est le rendez-vous à ne pas rater. C'est inenvisageable de ne pas voir Tokyo ?
C'est clair que ce n'est pas envisageable et on peut avoir de grandes ambitions. Et notre projet, depuis le début d'année, a toujours été de flécher Tokyo, et de poser le drapeau bleu blanc rouge en haut du mont Fuji l'été prochain. Mais quand on voit la réalité de l'adversité qui est la nôtre aujourd'hui, on sait que l'équipe de France devra enchaîner trois grandes prestations pour gagner ce TQO et pour pouvoir disputer ces Jeux olympiques. Les deux ne sont pas antinomiques. On peut vouloir être champion olympique et être sur la boîte à Tokyo, pour autant, le rendez-vous à Montpellier est un moment d'emballage sur lequel il y a encore énormément d'incertitudes. Le staff, les joueurs, on va bosser pour être prêts, pour être au rendez-vous.
La formule fait que le premier match face à la Croatie est d'une importance capitale.
Oui, il est capital, mais il existe encore tellement de scénarios dans ces tournois à quatre... C'est notre boulot de détailler ces différents scénarios. Je vais rester plus pragmatique : oui, ça sera très important de bien démarrer ce week-end-là, face à une Croatie qui sort d'une compétition difficile, qui change d'entraîneur. On aura besoin d'imprimer un rythme dans ce début de TQO pour prendre des points. La France a besoin de points pour se qualifier.
Vous avez convoqué le même groupe élargi de 35 joueurs qu'au Mondial. Est-ce que c'est "votre" groupe, avec la patte Guillaume Gille ? Est-ce que ce sont les hommes de votre aventure en bleu en tant que sélectionneur ?
Oui, c'est le réservoir de ce groupe France que l'on a souhaité avoir à disposition. Ce sont les gens qui, de notre point de vue, sont les plus à même, avec ce temps très court, de nous amener là où on souhaite emmener l'équipe de France de handball. Alors parler de "patte", je trouve que c'est un peu exagéré. Je mets mes convictions dans cette liste et dans ces choix. Le contexte du Covid nous a permis aussi de faire une revue d'effectif qu'on n'aurait pas imaginée en début d'année. Mais quand on voit le temps de travail disponible, quand on voit l'exigence d'une semaine préalable au TQO, bien évidemment qu'on met la priorité sur la complicité, sur le travail effectué, sur l'expérience qui peut exister au sein de ce groupe et qui donne aussi les contours du groupe qu'on emmène pour nous qualifier.
Vous vous inscrivez dans la durée avec ces Bleus, et c'est tout le mal que l'on vous souhaite. Mais vous serez alors celui qui doit gérer des fins de carrière de légendes. Celle de Nikola Karabatic, celle de Mickael Guigou ou celle de Luc Abalo. Il y a déjà Cédric Sorhaindo, qui s'est mis en retrait. Ce sont des joueurs que vous avez connus, que vous connaissez intimement, personnellement, avec qui vous avez joué. Est-ce ce que ça c'est quelque chose que vous appréhendez ?
Oui, je l'appréhende parce que ça reste des légendes de notre sport, ce sont des gens qui ont marqué l'histoire de l'équipe de France de handball depuis des dizaines d'années. Je l'appréhende surtout parce que remplacer ces joueurs-là n'est pas simple, que ce soit sur leurs performances sportives ou leur aura dans l'équipe. Ce n'est pas simple de venir enfiler ce costume-là quand on est jeune joueur. On est beaucoup dans l'échange.
"Pour chaque joueur, quel que soit son parcours, son âge, quel que soit le nombre de médailles qu'il a pu accrocher à son cou, ou le nombre d'aventures vécues avec l'équipe de France, ce qui va être déterminant, c'est sa capacité à performer dans la durée."
Guillaume Gilleà franceinfo
C'est ça qui, pour moi, est important. Et c'est avec cette clarté-là qu'il faut échanger avec ces grands anciens, ces quatre sages pour lesquels aujourd'hui, rien n'est acté. On verra en temps et en heure. Chaque moment en équipe de France est un moment d'évaluation. Les grands anciens, les sages, c'est des gens qui ont connu ces aventures, la difficulté d'un TQO, les gamelles lors des Jeux olympiques ou des campagnes précédentes, mais qui ont connu aussi des chemins victorieux et des aventures folles avec les Jeux. Cette expérience-là, elle est inestimable. Et ça fait partie de notre rôle, en tant que staff, de créer les conditions pour que cette expérience se transmette, que la jeune génération s'imprègne de l'histoire, s'imprègne des clés qui valident une aventure. Mais elle a aussi besoin de construire son chemin vers les Jeux. Et c'est en cela que le TQO est un peu un révélateur. C'est un moment de bascule.
On vient de vivre une année assez particulière, celle du Covid, et ce n'est pas fini. C'est celle de vos débuts comme sélectionneur. Comment l'avez-vous vécue ?
C'est une année un peu particulière. Parce que c'est d'abord une année de remaniement, de reconfiguration de staff. C'est une année qui a démarré très mal sportivement, avec beaucoup, beaucoup de tension [échec à l'Euro 2020, dès le premier tour]. Et puis, très vite, un nouveau projet qui se met en place, un nouveau staff et des plans, des programmes que l'on échafaude, on se projette vers les JO... Et progressivement, l'arrivée du virus nous a obligé à déchirer les programmes qui avaient été construits. C'est beaucoup de frustration, beaucoup de travail investi que l'on n'a pas pu appliquer. Ça nous a donc, je trouve, appris la résilience. Cela aussi mis en exergue le fait qu'on a besoin de s'adapter en permanence, au contexte, à la situation, à l'adversaire, à nos joueurs. Mais là, pour le coup, l'expérience nous a fait franchir un vrai pas dans la réflexion que l'on peut avoir sur les projets. Parce qu'aujourd'hui, tout peut se révéler juste un jour et être complètement caduc le lendemain. Ça met quand même dans un état d'esprit un peu un peu particulier ! Et puis, ça nous a obligés à créer de nouveaux moyens pour communiquer avec nos joueurs, pour travailler, alors qu'on ne peut pas les avoir sur le terrain, pour à la fois tirer un trait sur cette expérience négative de l'Euro 2020 et se remettre au travail.
Vous avez vécu sous bulle lors du Mondial en Egypte. À nouveau, une bulle pour ce TQO. Et - on vous le souhaite - au Japon, cet été. Ces bulles sanitaires, elles sont là pour durer selon vous ?
Ce sont des expériences positives, des expériences qui montrent que des organisations assez importantes - on a fait un Mondial à 32 pays - peuvent fonctionner. On est capable de limiter beaucoup le risque de contagion au sein de ces bulles. Imaginer que le CIO prenne ce modèle en exemple me paraît être plutôt une bonne chose. Je crois que ce serait illusoire de penser qu'on est capable de se prémunir de ce satané virus. Mais ça permettra au moins que les Jeux olympiques puissent se tenir dans les conditions les plus "safe" possible.
Est-ce que cette période, si particulière, a fait évoluer votre vision du métier de sélectionneur ? Est-ce que ça fait évoluer le métier de sélectionneur, de coach ?
J'aime apprendre de chaque situation. Ce qui est certain, c'est que ce que l'on a vécu cette année est unique et personne ne pouvait nous en parler avant. On a quand même vécu un moment d'histoire humaine juste incroyable. Et le sport dans tout ça, finalement, se retrouve à sa place, en attente de conditions sanitaires plus propices, à faire en sorte que l'on puisse soigner ceux qui en avaient le plus besoin, ceux qui étaient dans la détresse face à ce virus.
"Le Covid a, à la fois, remis le sport à la position où il doit être face au danger sanitaire et en même temps, cela a rappelé ce qui manque dans nos sociétés quand les activités culturelles, sportives ou sociales ne peuvent pas se dérouler."
Guillaume Gilleà franceinfo
On s'est retrouvés quand même pris au dépourvu. On a besoin de retrouver une vie plus classique, plus traditionnelle, où l'on se retrouve, du sport amateur au sport professionnel, pour échanger, pour vivre, pour interagir, pour construire des projets. On fait partie des privilégiés dans le sport pro : on a malgré tout réussi à jouer, à faire en sorte de continuer à exercer nos métiers et notre passion, ce qui est un luxe incroyable dans les temps que l'on a traversés. Je crois qu'on sort quand même bouleversés, transformés à jamais par l'expérience Covid et certainement aussi un peu un peu grandis pour la suite.
Vous le dites, vous faites partie des privilégies. Le handball amateur a-t-il perdu un année ? Est-ce qu'il faudra reconstruire ?
Si on regarde à l'échelle des jeunes qui sont dans leur formation, qui ont besoin de ça pour grandir, s'épanouir, comprendre le faire, le vivre ensemble, on a clairement perdu une année d'interactions sociales, de joutes sportives, de moments pour se dépasser ou pour apprendre. Maintenant, quand on regarde à l'échelle du contexte qui nous a obligés à ces restrictions, on peut aussi se dire que c'est logique qu'on ait fait en sorte de sauver le plus grand nombre, de faire en sorte que notre système de santé n'implose pas. Il avoir de la mesure quand on évalue ce qui s'est passé. Oui, à l'échelle du sport, c'est catastrophique. Oui, à l'échelle de la jeunesse, c'est terrible de ne voir personne sur les terrains. Mais à l'échelle de la pandémie et de ses conséquences, je crois qu'on avait ce devoir de se mettre tous en ordre de bataille pour affronter le virus.
Les sportifs amateurs ont un peu l'impression d'être ceux qui payent le plus lourd tribut, avec des protocoles à mettre en place pour des reprises en activité compliquées, sous contrainte, avec des changements perpétuels, alors que les clubs ne sont pas "staffés" pour pouvoir répondre à toutes ces problématiques-là. En même temps, je comprends nos instances, qu'elles soient gouvernementales ou fédérales, qui disent : tout ce qu'on peut sauver, sauvons-le. C'est ce qui donne ce grand écart qui est parfois un peu incompréhensible pour nos licenciés. Imaginer cette nouvelle génération qui grandit en étant privée d'activité physique... Le mouvement, c'est la vie. Le sport permet à nos jeunes de s'éduquer, de se former, de découvrir les femmes et les hommes qu'ils vont être. Le fait de détruire ce terreau pour les jeunes, c'est clairement très difficile à vivre, à voir, à observer.
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