Frégates militaires, témoins de Jéhovah et bulldozer : visite guidée de Copacabana à la veille des Jeux olympiques
Promenade le long de la plage la plus célèbre du Brésil pour prendre le pouls de la ville-hôte des JO 2016.
C'est la plage la plus connue de Rio. 4,5 km de sable fin qui figurent sur (presque) toutes les cartes postales. A la veille de l'ouverture des Jeux olympiques, sent-on la passion embraser Copacabana ? Pour le savoir, suivez le guide, du "Posto cinco" des bains publics à la plage de Leme, tout à l'est !
Bikini siglé des Jeux à 70 euros
Quand les Américains couvrent les Jeux olympiques, ils y mettent les moyens. La chaîne qui retransmet les Jeux, NBC, a privatisé une partie de la plage, y a installé un énorme préfabriqué bleu, relié par un pont aérien au-dessus d'une trois voies à une série de tentes, la cantine de la troupe. Sur le sable, un plateau télé où des techniciens s'affairent aux derniers réglages. L'un d'eux lâche : "Ca craint, on ne voit même pas la mer derrière, à cause des barrières".
Quelques centaines de mètres plus loin, la plage est de nouveau rabotée par le mégastore des Jeux olympiques, un grand chapiteau de plusieurs centaines de mètres carrés. Tout est décliné aux couleurs des Jeux, des seaux de plage pour enfants à l'inévitable maillot de bain, en passant par des tongs et même du vin. Les organisateurs sont parés pour gérer le flux des touristes. Une vingtaine de caisses barrent la sortie du stand. Mais à quelques heures du début des réjouissances, on y croise à peine une poignée de clients, souvent étrangers, presque tous avec des goodies d'éditions précédentes (le sac à dos "London 2012" a fait un malheur, semble-t-il). Les Brésiliens, et leurs 900 euros de salaire mensuel moyen, n'ont sans doute pas de quoi en lâcher 23 pour une petite peluche à l'effigie de la mascotte, 15 pour un seau ou 70 pour un bikini.
L'économie parallèle démarre doucement
Les vendeurs à la sauvette ne sont guère plus chanceux. Ils sont nombreux à se balader avec une vingtaine de tee-shirts accrochés sur un cintre sous le bras. Faites une moue dubitative devant leur collection "Rio 2016" et ils vous exhibent la valeur sûre : le maillot de foot. Ceux de la Seleçao, des clubs carioca de Flamengo ou Fluminense, et même… de la sélection allemande – qui a infligé un cruel 7-1 aux Auriverde il y a deux ans, en demi-finale du Mondial – partent comme des petits pains. "Les gens n'achètent pas encore de produits siglés JO", confie l'un deux.
Juste devant le mégastore olympique, plusieurs hommes âgés exposent sur des tables leur impressionnante collection de pin's olympiques. Parmi eux, Sydney, un Britannique, la soixantaine, autant de pin's sur le gilet que sur la table, détaille fièrement sa collection.
La pièce la plus ancienne date des Jeux de 1980 à Moscou, la plus insolite, un pin's siglé Evian des Jeux d'Albertville. Ce sont ses neuvièmes Jeux olympiques, et lui et ses collègues font partie du paysage. Au point que c'est Coca Cola qui l'a invité à faire le plein de badges à l'effigie du Corcovado. "Mais parlons affaires, lance-t-il à un curieux. Selon l'ancienneté, ils valent entre 25 et 35 livres. On peut aussi faire des échanges si vous voulez."
Coups de marteau et témoins de Jéhovah
Mais où sont passés les badauds, les touristes, les locaux, les curieux ? Ils font la queue devant des anneaux olympiques de 2 mètres de haut, pour un selfie ou une photo de groupe. Comptez dix bons mètres de queue à toute heure du jour, et une quinzaine de minutes d'attente. Pour les moins patients, possibilité de venir la nuit, de petits projecteurs enfouis dans le sable assurent l'éclairage. Et comme lors des compétitions, le fair-play olympique est de rigueur. Quand un vendeur à la sauvette grille la file d'attente pour poser presto devant les anneaux, un Norvégien sexagénaire qui avait patiemment attendu son tour lui crie : "Vous ne faites pas partie de la famille olympique !" Quelques mètres plus loin, deux représentantes des témoins de Jéhovah (qu'on avait déjà vus en nombre près des stades de l'Euro de foot) ne bronchent pas.
Approchons près du stade de beach-volley, au bout de la plage de Copacabana. La structure se veut temporaire… et en a vraiment l'air. Un gigantesque échaufaudage de tribunes provisoires. On entend disctinctement des coups de marteau. L'enceinte est entourée de dizaines de bâtiments préfabriqués, dont sortent des fils électriques en désordre, sur une centaine de mètres.
Côté plage, des bulldozers creusent des dunes pour séparer un peu plus volleyeurs et baigneurs. Enfin, des baigneurs, ce jour-là, il n'y en a pas dans l'eau. Trempette interdite, car trop de courant. De toute façon, avec 24°C et un peu de vent, c'est l'hiver pour les Brésiliens. Au large, on voit les frégates militaires patrouiller dans la baie, canons pointés vers on ne sait quoi. On se croirait devant un chantier qui doit s'achever dans six mois. Pas du tout. Les Jeux olympiques commencent dans deux jours.
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