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Jeux olympiques : la science au secours des athlètes

LONDRES - Des modélisations empruntées à la mécanique des fluides aux équipements conçus en étudiant les lois de la physique, les athlètes qui participent aux JO occupent les laboratoires presque autant que les stades.

Article rédigé par Marion Solletty
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Les sprinteurs jamaïcains Yohan Blake et Michael Frater au Spitzen Leichtathletik de Lucerne (Suisse, le 17 juillet 2012. (FABRICE COFFRINI / AFP)

Une médaille olympique, ça se mérite. Derrière chaque performance, il y a un peu de talent, beaucoup de travail… et dans certains cas, un ingrédient supplémentaire : la science. Le progrès technologique aidant, celle-ci a désormais une place à part entière dans les coulisses des grandes compétitions sportives. La preuve avec trois disciplines qui ont les yeux rivés sur les athlètes.

• De la mécanique des fluides pour optimiser les performances

Pour grappiller quelques secondes, ou quelques mètres, rien n’est laissé au hasard. Les sportifs de haut niveau ont désormais recours à des outils semblables à ceux qu’utilisent de nombreux physiciens. A l'université de Southampton, au Royaume-Uni, le Laboratoire d’ingénierie de la performance sportive est en pointe sur le sujet. Après avoir épaulé les cyclistes britanniques pour préparer Pékin en 2008, les chercheurs ont travaillé avec les nageurs pour les Jeux de 2012.

"Ce qui manquait à la natation britannique, c’était de comprendre les forces hydrodynamiques à l'œuvre pendant la nage", explique Stephen Turnock, chercheur au sein du laboratoire, au magazine Nature (article an anglais). Objectif : trouver la position permettant de minimiser la résistance opposée par l’eau au corps du nageur. Pour mesurer l’impact d’un changement de posture, les chercheurs ont fixé sur des nageurs un harnais qui les tire au-delà de leur vitesse normale. En mesurant la force exercée sur la corde en fonction des différents mouvements, les scientifiques ont identifié les plus efficaces.

Le nageur britannique Chris Walker-Hebborn au 100 m des championnats de natation British Gas, le 5 mars 2012 à Londres (Royaume-Uni). (FRANÇOIS XAVIER MARIT / AFP)

La Fédération française de natation, elle, a mis en place en 2002 un département Etudes et recherches, qui suit les différents travaux universitaires menés en France sur la biomécanique de la natation. L’équipe utilise surtout ses nombreux outils de mesure et l’analyse vidéo pour épauler les entraîneurs : elle sera à Londres pour les aider à analyser les performances des nageurs français.

"Ce qui intéresse les entraîneurs, c’est de savoir comment le nageur peut arriver à modifier sa technique, explique Philippe Hellard, qui dirige le département. Par exemple, on a travaillé avec une nageuse de l’équipe de France, qui lors d’une compétition, perdait systématiquement un mètre [à un moment précis de sa course]." L’analyse de son mouvement a permis de le corriger.

• De la biomécanique pour équiper les athlètes paralympiques

Parmi les disciplines mises à profit par les sportifs, la biomécanique, qui étudie les mouvements du corps humain et leur interaction avec leur environnement, est reine. Utilisée par exemple pour analyser les mouvements des sprinteurs, elle permet aussi aux athlètes paralympiques de bénéficier des meilleurs équipements possibles.

Rory Cooper, lui-même ancien athlète paralympique et directeur du Laboratoire d'ingénierie humaine de l’université de Pittsburgh, aux Etats-Unis, explique ainsi dans une vidéo tournée par NBC (en anglais) comment sont conçus les fauteuils roulants utilisés dans les différentes disciplines.

L'équipe de Suède (en jaune) affronte le Royaume-Uni lors du tournoi international de rugby en fauteuil roulant de Londres, le 18 avril 2012. (MIGUEL MEDINA / AFP)

Au rugby par exemple, les joueurs ont besoin de fauteuils résistants aux chocs, et très stables. Ils utilisent donc des sièges proches du sol, pour abaisser leur centre de gravité et éviter qu’ils ne se renversent facilement. Au basket, en revanche, les attaquants ont des fauteuils hauts, qui leur permettent de gagner en hauteur pour marquer.

Et c’est sans compter le cas exceptionnel d’Oscar Pistorius, capable grâce à ses prothèses “Cheetah” en fibres de carbone de concourir aux côtés des valides. Son cas a relancé le débat sur l’influence grandissante de la technologie sur les performances sportives.

• De la génétique pour comprendre (et créer) les prodiges

Le stade ultime ? L’athlète génétiquement modifié. Dans une étude parue mercredi 18 juillet dans la revue Nature (article payant et en anglais), Juan Enriquez et Steve Gullans, spécialistes des biotechnologies, jouent la provocation en prédisant l’avènement des "Jeux olympiques génétiquement modifiés". Ils s’appuient sur certains travaux controversés qui relient caractéristiques génétiques et performances sportives. Ainsi, une étude publiée en 2003 dans l’American Journal of Human Genetics montre que la très grande majorité des sprinteurs possède la même version d’un gène nommé ACTN3. 

Pour Enriquez et Gullans, ce type de prédispositions (même si de nombreux autres facteurs entrent en jeu) relève de l’injustice. Pour la corriger, les auteurs voient deux solutions : attribuer des handicaps aux sportifs en fonction de leur capital génétique, ou permettre le “dopage génétique”, en introduisant le précieux gène dans l’organisme des sportifs.

De la science-fiction ? Peut-être, mais certaines expériences laissent entrevoir une foule de possibilités… Le biologiste Se-Jin Lee, de l’université John-Hopkins de Baltimore (Etats-Unis), a par exemple montré qu’il était possible, par une manipulation génétique, de multiplier par quatre la masse musculaire d’une souris. De quoi faire rêver certains athlètes… et donner le vertige aux agences antidopage.

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