Cet article date de plus de huit ans.

Jeux paralympiques de Rio : Nantenin Keïta, la lutte pour la reconnaissance des albinos dans la peau

La championne du monde des malvoyants sur le 400 m est une des chances de médailles françaises. Elle est également une athlète engagée pour la reconnaissance des albinos. 

Article rédigé par Carole Bélingard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Nantenin Keïta lors des Jeux paralympiques de Londres (Royaume-Uni), le 6 septembre 2012. (CPSF 2016 / B.LOYSEAU)

Un sprint dans le brouillard. Sur la piste d'athlétisme, Nantenin Keïta distingue à peine les distances. Quelques vagues repères la guident. Déficiente visuelle en raison de son albinisme, l'athlète de 31 ans décroche, au bout d'elle-même, le 26 octobre 2015, le titre de championne du monde des malvoyants sur le 400 m, à Doha (Qatar). 

Après plusieurs années de galère rythmées par des blessures, cette performance annonce le retour au premier plan de la championne. Un statut de favorite qu'elle va défendre farouchement aux Jeux paralympiques de Rio (Brésil), d'abord sur le 100 m, samedi 10 septembre, puis sur le 400 m, vendredi 16 septembre. "Nanto" aborde ces Jeux avec l'ambition suprême : décrocher le titre olympique

Le public ne doit pas venir "pour voir de l'handisport, mais du sport"

Nantenin Keïta ne voit qu'avec 0,7 dixième à un œil, et 0,8 dixième à l'autre. La raison de ce handicap : l'albinisme. Cette maladie héréditaire est liée à un défaut de mélanine, ce pigment de couleur brune. Elle provoque une dépigmentation de la peau, des cheveux, et bien souvent une déficience visuelle très importante. Pour dépasser ce handicap, l'athlète redouble d'efforts à l'entraînement. "Courir bien nécessite des gestes très techniques, mais comment les reproduire quand on a du mal à les voir ? C'est aussi une difficulté supplémentaire", confie-t-elle à Grazia

Une fois sur la piste, seule la performance compte. Et pour "Nanto", il est important que le public ne vienne pas "pour voir de l'handisport, mais du sport", comme elle l'explique dans une interview à Canal+ Afrique.

Compétitrice dans l'âme, Nantenin Keïta s'entraîne dur pour être la meilleure. "Elle ne baissera jamais les bras dans une compétition, elle ira au bout d'elle-même à chaque fois", affirme à TF1 Jo Maïsetti, entraîneur de l'équipe de France d'athlétisme handisport.

Je ne vais pas à Rio pour finir quatrième !

Nantenin Keïta

à Grazia

Pas question de revivre ses échecs passés. Nantenin Keïta a encore du mal à digérer sa contre-performance sur le 400 m des Jeux de Londres en 2012, où elle a échoué à la cinquième place. Une déconvenue qu'elle a mis du temps à surmonter. Et ce, malgré sa médaille de bronze sur le 100 m. Désormais, forte de ses médailles d'or sur le 400 m, aux derniers mondiaux de 2015, et sur le 200 m et le 400 m, aux derniers championnats d'Europe de 2016, l'athlète franco-malienne compte bien prendre sa revanche au Brésil.

"Mon père s'est découvert avec la musique. Moi, c'est le sport"

Par peur de l'échec, Nantenin Keïta préfère tenir sa famille éloignée de Rio. "Je n'ai pas envie que ma famille vienne et que j'échoue devant eux, confie-t-elle à Grazia. Si cela se passe bien, on aura tout le temps de fêter ça ensemble après. Si ça ne se passe pas bien, j'aurai déjà noyé mon chagrin et en rentrant, cela ira beaucoup mieux." 

Natenin Keïta aux championnats du monde de Doha (Qatar), le 29 octobre 2015. (CPSF 2016 / FLORENT PERVILLE)

Nantenin Keïta est pourtant une battante. Fille du célèbre chanteur malien Salif Keïta, elle mène à ses côtés un combat qui leur tient à cœur : la reconnaissance des albinos, au Mali, et plus généralement en Afrique. Salif Keïta, lui-même albinos, a d'ailleurs fait venir sa fille, à l'âge de 2 ans, à Montreuil (Seine-Saint-Denis), pour qu'elle ne subisse pas ce qu'il a vécu, raconte le JDD. Dans plusieurs pays d'Afrique, comme la Tanzanie, le Malawi ou encore le Burundi, la situation des albinos est dramatique, car ils sont attaqués, tués et leurs tombes profanées en raison de croyances séculaires selon lesquelles potions et gris-gris préparés à l’aide de parties de leur corps apporteraient chance et richesse.

Et quand ils ne sont pas pourchassés, les albinos sont souvent raillés et mis au ban de la société. "(Mon père) a subi des moqueries, on le dénigrait, on le traitait comme un animal. Il s'est découvert avec la musique. Moi, c'est le sport", assure-t-elle au Parisien. Alors, quand elle ne s'entraîne pas, Nantenin Keita gère l’antenne française de la fondation de son père, SNK Salif Nantenin Keita, qui œuvre pour améliorer les conditions de vie des albinos.

"J'ai réussi à faire de mon handicap une richesse"

En France aussi, Nantenin Keïta a dû faire face à des clichés. "Ça m’horripile que l’on pense encore qu’un albinos ne mange pas la même chose qu’une autre personne ! Que l’on dise à une petite albinos de 8 ans qu’elle ressemble à une sorcière, ou qu’on l’a adoptée, parce qu’elle est blanche et que ses parents sont noirs", explique-t-elle au Monde. Sa pratique du sport de haut niveau est aussi un moyen pour faire évoluer les mentalités. Et les Jeux paralympiques sont incontestablement une vitrine pour transmettre un message.

Ce n’est pas une fatalité, on peut s’en sortir en étant albinos.

Nantenin Keïta

au Monde

"Nanto" est aussi un pilier de l'équipe de France d'athlétisme. "C'est quelqu'un qui va mettre du pep's dans une équipe par son sourire, par sa présence, elle illumine notre collectif, c'est quelqu'un de très important pour nous", déclare à TF1 Marie-Amélie Le Fur, championne paralympique à Londres en 2012.

Championne, militante, Nantenin Keïta travaille également chez un assureur, où elle occupe un poste d'assistante au service des ressources humaines. Un équilibre important pour elle. "Mon employeur me détache le temps qu'il me faut pour pouvoir m'entraîner. Pour moi, les deux sont indispensables parce qu'ils sont complémentaires. J'ai réussi à faire de mon handicap une richesse", assure-t-elle à France 3.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.