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"Les joueuses étaient furieuses" : les hockeyeuses sud-coréennes pas toutes ravies de briser la glace avec le Nord

Une équipe de hockey portera les couleurs des deux Corées lors des Jeux olympiques, ce qui suscite quelques frictions au sein de l'équipe sud-coréenne, guère enchantée d'avoir été mise devant le fait accompli.

Article rédigé par franceinfo
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Des joueuses sud-coréennes et nord-coréennes, lors d'une rencontre dans le cadre de la division II du championnat du monde féminin, le 6 avril 2017 à Gangneung (Corée du Sud). (JUNG YEON-JE / AFP)

La Corée sera bientôt réunifiée sur la glace. Une équipe portera en effet les couleurs communes de la Corée du Nord et de la Corée du Sud lors des Jeux olympiques d'hiver de Pyeongchang, qui débutent vendredi 9 février. Cette proposition a été formulée par le Sud durant le premier tour de pourparlers entre les deux Etats, la semaine dernière, et le Nord a finalement donné son accord, mercredi 17 janvier. Cette décision est une première depuis 1991, quand une équipe de tennis de table avait réuni deux joueurs des pays voisins lors des championnats du monde de la discipline, au Japon.

"C'est dur pour nos joueuses"

Mais la perspective de faire bande commune avec le Nord n'a guère enchanté l'entraîneuse de l'équipe du Sud. "Je pense que cela nuit à notre équipe, a réagi Sarah Murray, citée par le Washington Post (en anglais). C'est dur parce que les joueuses ont gagné leur place, et elles pensent qu'elles méritent d'aller aux JO. Et puis vous avez des personnes ajoutées ensuite. Cela touche assurément nos joueuses". Sous couvert d'anonymat, un responsable de la fédération sud-coréenne a commenté l'annonce avec un ton moins diplomatique.

Les joueuses étaient furieuses et trouvaient l'idée stupide. Nous sommes absolument sans voix car le gouvernement nous prend au dépourvu et nous demande de jouer avec des inconnues aux JO.

Un responsable de la fédération sud-coréenne de hockey

à Reuters

Le président sud-coréen Moon Jae-in cherche à dégeler les relations avec son homologue Kim Jong-un. Il compte transformer ces JO en "Jeux de la paix", comme un tremplin à de futures discussions plus apaisées, qui pourraient notamment intégrer la question du programme d'armement nucléaire du Nord. Le choix s'est porté sur le hockey sur glace, qui reste un sport mineur dans le pays. "Je ne sais pas si cela sera le cas, mais faire équipe commune sera une bonne occasion pour le hockey sur glace d'apaiser son chagrin de sport moins populaire, a expliqué le président lors de la visite d'un centre d'entraînement. Beaucoup de Coréens vont s'y intéresser."

Des pétitions pour dénoncer la décision

Mais l'annonce est parfois accueillie avec scepticisme au pays du Matin calme. De nombreux habitants expriment leur colère sur les réseaux sociaux et une centaine de pétitions en ligne demandent à la présidence sud-coréenne de renoncer à cet accord – l'une d'elles recueille près de 30 000 signatures. "Ce n'est pas comme recoller une assiette brisée", résume l'un des signataires, cité par Reuters. "Nous ne pouvons emmener que 23 joueuses aux JO. Et ils pensent que ces Nord-Coréennes vont venir et prendre nos places", résume Sarah Murray.

Le gouvernement espère obtenir du CIO le droit d'aligner davantage de joueuses, écrit le correspondant des Echos au Japon. L'idée serait d'intégrer trois joueuses du Nord pour préserver les joueuses du Sud, mais le temps presse avant la première rencontre contre la Suisse, le 10 février prochain. La décision de monter une équipe commune n'a pas encore été finalisée, précise Chun Hae-sung, vice-ministre de l'Unification, car le Comité olympique international doit encore valider ce choix lors d'une réunion en Suisse.

"Elles ne disaient pas grand-chose et nous non plus"

Par le passé, les deux Corées se sont déjà affrontées. Au mois d'avril, le Sud avait ainsi battu le Nord (3-0) dans la division II du championnat du monde féminin de la Fédération internationale de hockey sur glace. Les joueuses du Sud craignent de baisser de niveau en intégrant des éléments du Nord. Par ailleurs, elles ne connaissent pas vraiment leurs possibles futures coéquipières. "On a pris des photos avec elles, elles ne disaient pas grand-chose et nous non plus", se souvient la joueuse Marissa Brandt, citée par le New York Times (en anglais), qui se souvient par ailleurs d'une "bonne expérience".

La partie s'était alors jouée sous les yeux de la hockeyeuse retraitée Hwangbo Young, qui a disputé des rencontres pour les deux pays. Elle a quitté le Nord pour le Sud en 1999, à l'âge de 18 ans, et avait croisé la route de ses anciennes coéquipières lors des Jeux asiatiques d'hiver d'Aomori (Japon). Malgré sa joie de retrouver ses anciennes partenaires, elle avait alors essuyé des insultes et des invectives. Les Coréennes du Nord, en effet, ne pouvaient pas montrer de signes amicaux en public, sous peine de remontrances.

"Nous sommes fiers de voir que ce que nous avons initié devienne réalité pendant les JO", commente Laurent Dupont, directeur de Peace and Sport, une organisation qui a œuvré à l'organisation du match. Ces deux équipes peuvent montrer au monde entier que le sport peut être un représentant de la paix". L'équipe de hockey n'est pas le seul symbole d'unité prévu lors des JO. En effet, la Corée du Nord et la Corée du Sud défileront ensemble derrière un drapeau commun lors de la cérémonie d'ouverture. En revanche, seuls deux athlètes du Nord sont inscrits pour le moment au programme des épreuves, en patinage. En solo, cette fois-ci.

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