Rio 2016 : mal-aimé et redouté, qui est Mahiedine Mekhissi, l'enfant terrible du 3000 m steeple ?
A 31 ans, après plus de 18 mois d'absence en compétition, l'athlète français a reconquis son titre de champion d'Europe en juillet et s'apprête à affronter les champions kényans à Rio, ce mercredi, en finale.
Il n'est ni le favori de sa discipline, ni le chouchou du public français. Pourtant, le Français Mahiedine Mekhissi-Benabbad est le seul Européen capable de rivaliser avec les Kényans en finale du 3 000 m steeple, aux Jeux olympiques de Rio, mercredi 17 août. Double médaillé d'argent olympique et triple champion d'Europe de la discipline, le fondeur a la ferme intention de "marquer l'histoire", assure-t-il au Monde. L'occasion aussi de se réconcilier avec un public et des médias qui se souviennent plus facilement de ses frasques que de ses titres.
Un champion mal-aimé
C'est comme ça depuis 2008 et sa première médaille olympique, dans le Nid d'oiseau de Pékin. Coureur quasi-anonyme, Mahiedine Mekhissi se place sur le podium, entre deux coureurs kényans, à une époque où tout le monde pense que le Kenya est imbattable en demi-fond. La performance, inattendue, est jugée trop improbable pour être propre. Accueillie froidement, par la presse sportive comme par la fédération française d'athlétisme, sa belle médaille d'argent suscite plus de doutes et d'accusations, jamais fondées, que de bravos. Un coup dur pour l'athlète, si fier de porter le maillot français. "Quand tu ramènes des médailles pour ton pays et que tu apprends qu'on te taille un costard par-derrière, ça fait mal au cœur", confie-t-il au Monde, quelques années plus tard.
Lavé de tout soupçon, "MMB" souffre quand même d'une autre réputation, celle d'être resté un adolescent, sanguin et bagarreur. "La liste de ses frasques paraît aussi longue que celle de ses succès", écrivent Les Inrocks. En 2011, à l'arrivée d'un 1 500 m raté lors d'un meeting à Monaco, il en vient aux mains avec un autre Français, Mehdi Baala. Mais quand il gagne aussi, Mahiedine Mekhissi peut se laisser emporter. Il bouscule ainsi des mascottes venues lui faire la fête derrière la ligne d'arrivée, comme aux championnats d'Europe de 2010 et 2012. Des images qui marquent plus les esprits que les titres remportés quelques secondes plus tôt, malgré ses excuses. "Ça s'est passé une seconde après mon arrivée, mon geste a été brusque, mais il n'y avait aucune colère, aucune violence (...) Je suis vraiment désolé si j'ai pu choquer les gens, qu'ils m'excusent", demande-t-il.
Son dernier coup d'éclat remonte à 2014, en finale du 3 000 m steeple, aux championnats d'Europe de Zurich (Suisse). Loin devant la concurrence, il ôte son maillot dans la dernière ligne droite, avant la ligne d’arrivée, bravant le règlement. Sur réclamation de l'Espagne, Mahiedine Mekhissi-Benabbad, disqualifié, perd sa médaille d'or. Après avoir hésité à prendre le départ du 1 500 m, il se décide et prend finalement sa revanche en prenant l'or, et en gardant cette fois son maillot.
Un "guerrier" blessé
Mekhissi le reconnaît volontiers désormais : "C'est comme s'il y avait deux Mahiedine". Un "guerrier" des stades et une "personne normale" au quotidien. Dans la vie normale, Mahiedine est le septième enfant d'une famille qui en compte neuf. Avec l'argent de son premier contrat de sponsor, il a d'ailleurs offert une maison à ses parents, non loin du quartier de Reims (Marne) où il a grandi. C'est là que Mahiedine Mekhissi a pu pratiquer l'athlétisme dès l'école primaire, notamment grâce à une institutrice qui lui a offert la licence que sa famille n'avait pas les moyens de lui offrir, raconte un journaliste de Libération.
Mais l'enfant terrible de l'athlétisme s'est aussi assagi. La maturité peut-être ? En 2015, MMB a fêté ses 30 ans et s'est fiancé avec la basketteuse qui partage sa vie depuis cinq ans et avec laquelle il envisage de fonder une famille. Mais il a aussi été tenu à l'écart des pistes à cause d'une inflammation au talon, opérée au Qatar. "Après l'opération début avril, je suis resté soixante jours tout seul à Doha. J'ai serré les dents. Ce n'était pas facile", dit-il à l'AFP. Alors qu'il se rend à un rendez-vous de contrôle, l'athlète glisse et se déchire le tendon d'Achille. Neuf mois sans pouvoir courir, au lieu des cinq prévus initialement, et plus d'un an et demi sans compétition. Cette longue convalescence lui a laissé le temps de préparer l'avenir. En septembre, il s'est inscrit à l'université de Reims pour passer un diplôme de management sportif. "Je me suis dit 'Merde, si ça s'arrête demain à cause d'une blessure, il faut des bagages, il faut des diplômes'."
Après son diplôme de manager, Mekhissi passera aussi celui d'entraîneur. "Quand tu as ces deux diplômes, avec mon palmarès, ça suffit", estime-t-il. "Je veux faire profiter les gens de mon expérience, j'aime bien échanger, partager", ajoute-t-il.
Un adversaire redouté
Son cursus universitaire ne l'a pas empêché de chausser à nouveau ses pointes, début 2016. A Potchefstroom en Afrique du Sud, Mahiedine Mekhissi a repris son entraînement intensif : douze séances par semaine, 130 km hebdomadaires en hiver, 90 km au printemps, détaille-t-il pour GQ. C'est l'une de ses destinations de prédilection, avec Font-Romeu dans les Pyrénées et Albuquerque aux Etats-Unis.
S'il reconnaît ne pas être prêt à se lever à l'aube pour courir comme le font ses adversaires kényans, MMB n'en est pas moins un athlète "rigoureux", selon son entraîneur Philippe Dupont. Yoann Kowal, l'autre Français qualifié pour la finale du 3 000 steeple, reconnaît aussi que Mahiedine Mekhissi est le seul Européen capable de battre les Africains en demi-fond. "Je souffre tous les jours avec les séances d’entraînement. Parfois, je me lève le matin et je n’ai pas envie de courir. Mais j’y vais quand même parce qu’on est obligé de passer par là", explique MMB au Monde. Cette rigueur lui a d'ailleurs permis de reprendre son titre de champion d'Europe, le 8 juillet, à Amsterdam.
Mahiedine Mekhissi assure même que le champion du monde kényan, Ezekiel Kemboi, le considère comme son "chat noir". Il adore être "un adversaire qui fait peur" à ces coureurs africains qui n'ont plus lâché l'or olympique depuis 1984. D'autant qu'il les soupçonne de bénéficier de traitements de faveur en ce qui concerne les contrôles antidopage. Après l'exclusion d'athlètes russes soupçonnés de dopage, au début des Jeux, Mahiedine Mekhissi s'interroge : "Pourquoi sanctionner la Russie, mais pas le Kenya ou l’Ethiopie ?" Mais peu importent ses adversaires, le fondeur français considère déjà comme "une victoire d'être revenu à ce niveau-là".
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