Ce que l'on sait des affaires d'agressions sexuelles dans le monde du judo
► Trois témoignages chocs
L'enquête de nos confrères du Parisien donne la parole à trois femmes, trois anciennes judokates, qui ont toutes subi des violences. Marie avait 18 ans au moment des faits et était membre d'un pôle France. Un soir de 2002, un cadre technique est venu se coucher dans son lit auprès d'elle. "Il était contre moi, je n'ai pas dormi, j'ai cogité", raconte-t-elle. Si aucune violence physique n'est commise cette nuit-là, le harcèlement se poursuit par des sms en masse, comme celui-ci : "Souviens-toi de la nuit dernière". Cette même enquête du Parisien met aussi en lumière le témoignage de Cécile, qui a vécu "l’enfer" entre septembre 2001 et juin 2004 lors de ses années dans un pôle Espoirs. Elle y a subi les "humiliations physiques et les insultes" de son entraîneur de l'époque.
Le dernier témoignage est celui de C. Cette jeune femme, aujourd'hui âgée de 23 ans, affirme avoir été violée pendant plusieurs mois, à l'âge de 13 ans, par son professeur de judo. Cela a débuté par des sms "anodins". Puis a commencé le harcèlement par sms, le chantage, les violences physiques lors des entraînements, la soumission, la jeune femme vit alors un calvaire. "Parfois, le dimanche, il venait me chercher chez moi pour l'entraînement, dans la voiture il faisait ce qu'il avait à faire. D'autres fois, il attendait d'être dans la salle". Elle se souvient de sa "tête collée contre les casiers du vestiaire", des ses "pieds qui ne touchaient plus le sol", de la force de celui qui pesait plus de 100 kg contre elle.
► Les instances mises en cause
Au départ, Marie ne parle à personne de ce qu'il lui est arrivé. C'est seulement en 2003 qu'elle se confie à son entraîneur, qui lui conseille alors d'alerter l'encadrement du pôle Espoir. Mais, toujours d'après l'article du Parisien, l'encadrement se retourne contre elle. La jeune femme est suspendue dix jours, "le temps, parait-il, de calmer le jeu. Et lui, rien du tout", précise-t-elle dans l'enquête. Elle finira par être exclue. "On m'a dit que je mettais une mauvaise ambiance. J'étais devenue une petite jeune qui était tombée amoureuse de son coach....", se rappelle-t-elle dans les colonnes du quotidien.
L'entraîneur du club, qui avait conseillé à Marie d'en parler, a lui aussi reçu une sanction. La journaliste auteure de ces révélations explique qu'il a été traduit devant le tribunal fédéral après que l'individu mis en cause ait déposé plainte contre lui pour "propos diffamatoires". Il écope d'un avertissement en raison de "termes inappropriés" pour décrire les faits. A cet instant, le tribunal ne "s'émeut" pas de cet agissement, qu'un cadre s'introduise dans le lit de cette jeune judokate mais seulement qu'il a "manqué de prudence en prenant l'initiative d'organiser le logement d'élèves dans des conditions susceptibles d'être mal interprétées", d'après les propos rapportés dans l'article. Le 5 mars dernier, soit 18 ans après les faits, Marie écrit à la fédération française de judo, directement au service en charge des affaires de violences sexuelles. On lui répond alors que ce qu'elle a vécu ne constitue pas "un cas dans lequel la fédération pourrait agir". Elle a été entendue par la direction régionale jeunesse et sports et une instruction est en cours.
Pour le cas de Cécile, là encore, les réponses manquent. A l'époque, la jeune femme alerte les hautes instances de la Fédération française sur ces comportements. Mais comme dans le cas de Marie, elle n'est pas prise au sérieux. "Il m'a été répondu que nous étions là pour nous endurcir". Enfin, pour le cas de C., l'affaire est en cours. En juin dernier, la jeune femme décide de briser le tabou, d'abord auprès de sa mère. Le lendemain, une plainte est déposée contre son ancien entraîneur. L'individu en question a reçu trois autres plaintes contre lui, deux pour viols et deux pour agressions sexuelles. En septembre, il est mis en examen et est aujourd'hui placé sous contrôle judiciaire. Il demeure toutefois présumé innocent. Par ailleurs, les clubs où il exerçait n'ont jamais relayé ces faits à la fédération.
► La ministre promet que toutes les affaires seront étudiées
La ministre déléguée aux Sports, Roxana Maracineanu, a réagi à cette édifiante enquête, là encore, dans les colonnes du Parisien. La ministre s'est dit "choquée" et promet que toutes les affaires seront étudiées. "Comment en est-on arrivé à ne pas entendre la voix de cette jeune femme (de C., ndlr), à ne pas voir ? Le fait qu'elle et d'autres ont gardé ces souffrances pendant autant d'années me fait mal", a confié la ministre au quotidien.
Roxana Maracineanu a aussi souligné l'importance de la formation des professeurs. "Il est impératif que l'on travaille sur la formation des entraîneurs, car non, le sport, ce n'est pas ça." Par ailleurs, le ministère des Sports constate, toujours d'après une information du Parisien, qu'en "quatre mois le nombre de cas recensés par la cellule intégrité, mise en place après les scandales dans le patinage est passé de 177 cas à 270, ce qui signifie que ces dernières semaines, une centaine d'agresseurs potentiels ont été dénoncés."
Voir sur Twitter
Clarisse Agbegnenou, l'athlète qui compte le plus beau palmarès du judo féminin français, a elle aussi réagi à ces révélations. Sur Twitter, elle écrit: "(...) Malheureusement aucun secteur n’est à l’abri de ces horreurs et la libération de la parole est d’or. Il faut soutenir les victimes à se libérer /s’apaiser. Tout mettre en œuvre pour que les agresseurs soient jugés et sanctionnés par la justice. En revanche j’en appelle à la moralité / responsabilité de chacun pour ne pas faire subir aux victimes une double sentence avec certaines réactions comme j’ai pu lire ici et là... C’est un sujet trop grave et sérieux pour tomber dans ce type de travers. Il est surtout urgent de se serrer les coudes, échanger et mettre en place ce qu’il faut pour éradiquer ces atrocités. Le judo, le sport ce n’est pas ça!"
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