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Documentaire "Teddy " : "Assumer être suivi, c'est un signe d'intelligence", selon la psychologue de Riner, Meriem Salmi

A l’occasion de la sortie du documentaire sur Teddy Riner, intitulé "Teddy", diffusé sur France 3 le lundi 20 juillet en prime-time, France.tv sport vous propose une série d’articles et d’entretiens afin de mieux connaître l'univers Riner. Aujourd’hui, c’est avec sa psychologue Meriem Salmi, qui fait partie intégrante de l’équilibre du double champion olympique, que l'on découvre un peu plus encore le judoka français. Un équilibre qu’ils ont commencé à construire ensemble il y a plus de seize ans.
Article rédigé par Apolline Merle
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5 min
  (BERNARD BISSON/JDD/SIPA)

Le documentaire "Teddy" diffusé sur France 3 le lundi 20 juillet en prime-time est une percée dans l’univers de Teddy Riner, le judoka le plus titré de l’histoire. Dans ce film, on y découvre l’entourage, le staff, et les proches d'un des plus grands sportifs français de son temps. Parmi eux, Meriem Salmi, sa psychologue. Depuis plus de seize ans, la spécialiste accompagne le judoka français. Ensemble, ils ont tout vécu, les débuts dans le haut niveau, les premières victoires et défaites, ainsi que les plus grands titres. Aujourd’hui encore, elle est à ses côtés. "Quand j’ai rencontré Teddy, il avait 14 ans et demi, c’était un adolescent. A présent, j'ai un homme, un père, un chef d’entreprise et très grand champion. Nous avons évolué et grandi ensemble", se remémore-t-elle. 

Au fil des années, une relation forte entre eux se crée. La psychologue et le sportif deviennent alors très proches. Aujourd’hui, Meriem Salmi devine les moindres tracas du judoka français. Comme ce fut le cas lors de la défaite de ce dernier au tournoi de Paris en février. Invaincu depuis près de dix ans, Teddy Riner s’incline face au Japonais Kokoro Kageura dès le 3e tour. Lors de ce tournoi, le Français passe par plusieurs états émotionnels, entre colère, pression et soulagement. Meriem Salmi est à ses côtés et doit agir à chaud. "A ce moment-là, je sais comment il est, je sais même avant de rentrer dans la pièce comment il va être. Et lui aussi, sait comment je vais être avec lui, rit-elle. L'idée à ce moment-là était de réguler ses émotions et de l’apaiser."

"Même si j'essaie de dissimuler, c'est dingue comment elle sait, comment elle sent ce qui se passe" - Teddy Riner

D’ailleurs, Teddy Riner reconnaît lui-même que sa psychologue est la personne à qui il se confie le plus. "Si quelque chose ne va pas, la personne qui le saura, ça sera elle la plupart du temps. Et de toute façon, même si j'essaie de dissimuler, c'est dingue comment elle sait, comment elle sent ce qu'il se passe. Ce qui est extrêmement marrant, c’est que quand quelque chose arrive dans ma vie,  je reçois un message d’elle, comme si elle était connectée. C'est impressionnant", avoue le judoka. 

La performance, résultat d’une harmonie

Ensemble, ils avancent et prennent les décisions qui s’imposent. Comme lorsque Teddy Riner décide fin 2017 de marquer une pause d'un an et demi dans sa carrière, après un 10e titre mondial. "Il est évident que si on veut préserver un athlète, il faut veiller à ce qu’il ne soit pas en saturation physique et psychologique. Teddy a commencé le haut niveau à l'âge de 14 ans. On pense toujours que pour Teddy tout est simple, mais c'est faux. Il est obligé de travailler en permanence. Son corps et sa tête aussi ont besoin de répit. C’est très dur d'être aussi longtemps au très haut niveau", analyse Meriem Salmi. Contrairement, à ce que l'on pourrait penser, "ce n'est pas le fait d'être grand et costaud qui fait qu'on gagne, c’est surtout l’intelligence", poursuit encore la spécialiste. 

Mais être la psychologue d’un tel champion n’est pas sans difficulté. "Ce qui est difficile, c’est justement la complexité des situations, les sollicitations extrêmement importantes. C’est aussi le fait que lorsqu’on grandit, on a d'autres objectifs dans sa vie personnelle. Aujourd’hui, il a une famille, des préoccupations sur son business, etc. Donc au fur et à mesure, il se rajoute des éléments qu'il va falloir aussi travailler", souligne Meriem Salmi. "Quand j'accompagne Teddy, je parcours l'ensemble des paramètres qui l'environne, pas seulement celui de le préparer à la performance. Pour moi, la performance c'est le résultat d'une harmonie, donc effectivement, entre le moment où on a commencé à travailler ensemble pendant son adolescence et aujourd’hui, on ne travaille pas sur les mêmes choses car il a avancé, il a progressé et développé des compétences."

"Un athlète de haut niveau est amené à toujours dépasser ses limites. Le paradoxe est qu’il devient à la fois plus fort mais aussi plus fragile" - Meriem Salmi

Finalement, l’accompagnement psychologique d’un athlète de haut niveau passe par la recherche et le maintien d’un équilibre absolument nécessaire dans une carrière sportive. "Un athlète de très haut niveau est toujours dans l'obligation de dépasser ses limites, il peut ainsi se retrouver fréquemment en déséquilibre. Le paradoxe est qu’il devient à la fois plus fort mais aussi plus fragile. C’est pour cela qu’il faut être vigilant à cet recherche d’équilibre", précise Meriem Salmi. 

Un accompagnement psy toujours assumé

Teddy Riner n’a jamais caché qu’il était accompagné psychologiquement. De ses débuts à aujourd’hui, il l’a toujours assumé. "Il a toujours été sincère, comme par exemple quand il explique que notre travail a aussi pour objectif d’accepter la défaite. Si on a peur de la défaite, c'est difficile de gagner parce qu'on se met des freins. Ainsi, à chaque compétition, il sait qu'il peut perdre. Evidemment, il se prépare pour gagner, pas pour perdre, mais c'est cette nuance-là qu'il faut apporter."

A l’époque d’ailleurs, cette maturité a surpris Meriem Salmi. "C'était un précoce talentueux, mais j'en ai vu d'autres des précoces talentueux. Mais ce qui m'a stupéfaite, c'est qu'il assume être suivi par un psychologue. Car à l'époque, la psychologie n'était pas accueillie comme elle l’est aujourd’hui. Les gens se cachaient et n'osaient pas le dire car c'était une marque de fragilité, de faiblesse. Surtout dans le judo, qui est un monde de combat. Il fallait assumer cela à 14 ans face à des très grands champions, comme des David Douillet par exemple. Et le fait de le dire, de l'assumer, c'est un signe d’intelligence."

 

"A mon époque, c’était une honte d’être suivi sur le plan psychologique, il fallait se cacher, mais je n'ai jamais eu honte" - Teddy Riner 

"A mon époque, confie Teddy Riner, c’était une honte d’être suivi sur le plan psychologique, il fallait se cacher, mais je n'ai jamais eu honte. Se cacher de quoi ? Pour la performance, il n'y a pas besoin de se cacher, il faut mettre tous les ingrédients dans son panier pour pouvoir être champion et réussir. Il n'y a pas de honte à avoir." Même après avoir tout gagné, Teddy Riner continue à ressentir le besoin de cet accompagnement. 

Pour la psychologue, cette histoire a marqué sa carrière. "Il a cet engagement, cette intelligence de comprendre, que même après tout ce qu’il a accompli, il a toujours besoin de travailler. Teddy a compris qu’il lui fallait toujours progressé, il s'est toujours entouré de gens dont il avait besoin. C'est un énorme bosseur. Tout ce qui peut le faire évoluer, il va le faire."

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