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Benoit Durand, journaliste et co-réalisateur du documentaire "Teddy" : "Teddy Riner est le même dans le documentaire que dans sa vie"

A l’occasion de la sortie du documentaire sur Teddy Riner, intitulé "Teddy", diffusé sur France 3 le lundi 20 juillet en prime-time, Benoit Durand, journaliste au service des Sports de France Télévisions et co-réalisateur de ce film avec Brice Baubit et Laurent Lefebvre, revient pour France tv sports sur la naissance du projet, les coulisses du tournage et nous livre également quelques anecdotes avec le double champion olympique et le plus grand judoka de l'histoire.
Article rédigé par Apolline Merle
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6 min
  (PHILIPPE MILLEREAU / KMSP)

Comment est né le projet de ce documentaire ?

Benoit Durand : "A l'origine, avec Brice Baubit, le journaliste reporter d’images (JRI ou caméraman), nous étions partis pour un sujet pour l’émission 'Stade 2' en fin 2018. Un peu avant, j'avais rencontré Teddy en novembre à Marseille, et ensuite il avait accepté qu'on le suive au Japon pour sa reprise officielle en décembre 2018. On savait que Teddy avait déjà fait un premier documentaire pour les Jeux de Rio, et qu'il avait en tête d’en faire un deuxième. Au Japon, pendant le tournage avec Brice, on passe beaucoup de temps avec Teddy, on mange avec lui tous les soirs, et on discute de son deuxième film auquel il réfléchit. Et puis ça en reste là.

Mais rapidement avec Brice, on se dit qu'on pourrait peut-être se lancer dans l'aventure. On en discute avec Laurence Dacoury, qui gère les médias pour Teddy, et elle aussi est plutôt partante. On s'entend bien, elle nous connaît et sait comment on travaille. On tourne quasiment toujours ensemble avec Brice, et le tournage au Japon s’est bien passé. Donc, on a écrit un synopsis, et puis ça a fait son chemin, nos chefs ont suivi, alors que ce n'était pas quelque chose qu'on faisait au départ dans notre service. Tout le monde a joué le jeu. Teddy a ensuite pris sa décision en mars 2019, et a choisi de le faire avec nous. Nous, avec notre posture de journalistes au service des Sports de France Télévisions, nous n’aurions jamais imaginé qu'on arriverait à cette histoire-ci en le suivant au Japon."

Avez-vous découvert un autre Teddy Riner pendant le tournage ? 

B. D. : "Oui, à chaque fois qu’on rencontre un nouveau personnage public, un sportif, on a toujours, non pas une image préconçue, mais on ne sait pas trop à quoi s’attendre. Généralement, on a simplement la facette du sportif qu’on connaît à travers les médias. Et d'un coup, il a accepté qu'on partage sa vie. Alors, je ne sais pas si c'est le regard qui change mais plutôt qu’on peut apercevoir toutes les facettes de l'homme. Donc forcément, l'image est différente, ce n'est plus que le sportif, on découvre aussi le chef d’entreprise, le mari, le fils, le papa... Souvent, devant la caméra on veut montrer son meilleur visage. Alors que Teddy, pendant le tournage, n'a jamais triché. Il y avait des phases où il n'était pas bien, on était là et il ne trichait pas."
 
Avez-vous eu une liberté totale pendant le tournage ?  

B. D. : "Oui, sincèrement, nous avons eu une liberté totale pour filmer. De mémoire, sur les 19 mois où nous l’avons suivi, il n'a jamais refusé d'avoir un micro HF constamment sur lui. Il n'a rien refusé. On pouvait capter tout ce qu'il se passait, même quand il se fâchait avec quelqu’un. Il ne va pas le cacher ou dire ‘vous pouvez sortir s’il-vous-plaît’. Il a d’ailleurs toujours très vite oublié la caméra, ce qui était la meilleure des choses pour nous. On faisait partie de son décor."

 

Quel moment vous a le plus marqué ? 

B. D. : "Logiquement, je dirai sa défaite lors du tournoi de Paris, en février dernier. C’était la première fois qu'il perdait depuis dix ans. A ce moment-là, c'est un tremblement de terre qui est en train de se passer et nous étions au cœur de ce moment, qui marque à la fois Teddy Riner mais aussi l'histoire du judo français, car il n'a jamais été battu en neuf ans. Mais, j'ai été encore plus touché par l'humain. J’aurai du mal à citer un exemple, mais la séquence où il est dans le métro avec son fils à Tokyo, est pour moi un très beau moment. On voit le bonheur ressenti par son fils d'avoir le droit d'aller dormir avec son papa, qui est en stage avec l'équipe de France, c'était vraiment touchant d'être là. Quand on voit la joie commune des deux, c’était très émouvant. Nous étions là sans être là, ils nous ont oubliés."
 
Teddy Riner s’est-il confié facilement dès le départ ? 

B. D. : "Il a cette facilité à se confier assez vite. Maintenant, avec le recul, on sait qu'il ouvre très vite, il fait confiance très vite mais il te teste. Il observe pour voir si ça fonctionne. Si ça ne marche pas, il va très vite reprendre sa confiance. C'est dans sa nature, il donne vite, mais si tu te trompes, tu n’as pas de deuxième chance.

"J'ai rarement vu, voire jamais, un sportif qui s'ouvrait autant, avec autant de facilité, en oubliant la caméra"

Quelques semaines plus tard, au Japon, il était capable de nous confier son fils pendant 20 minutes. Il nous faisait confiance en tant qu'humain et pas en tant que journaliste. On n'était plus journaliste mais réalisateurs. Avec Brice, cette marque de confiance nous a touchés. Cela fait très idyllique, on a l'impression qu'on parle d'un mec qui n'a pas de défaut. Ce n'est pas ça, c'est juste que j'ai rarement vu, voire jamais, un sportif qui s'ouvrait autant, avec autant de facilité, en oubliant la caméra. Il s’assume comme il est, avec tout ce que ça renferme avec des plus et moins, mais tout ce qu'il te donne, il l'assume. Et ça, c'est facile pour travailler car tu ne te poses pas trop de questions. Tu filmes ce qu'il se passe. Il ne joue pas un autre rôle. Il est le même dans le documentaire que dans sa vie sans caméra."

 

Un des moments forts du documentaire est quand il quitte Montréal, après un tournoi. Il n’a pas eu le temps de dire au revoir à son père. Dans la voiture qu’il l’emmène à l’aéroport, on le sent vraiment touché et triste. 

B. D. : "Les gens ne s'imaginent pas que le colosse qu'est Teddy Riner peut pleurer. C’est fort car on ne s'imagine pas à quel point il était touché. A ce moment-là, c'est un mélange d’émotions. Il y a beaucoup de fatigue car le tournoi a été intense et dur mentalement. Il a élevé son niveau psychologique très haut pour tenir le coup. Et donc tout cela retombe à cet instant.

Aussi, il a toujours eu sa famille autour de lui, elle est son socle et il ne fait rien sans ça. Son papa, c'est le mentor. Il vit en Guadeloupe, donc il le voit beaucoup moins souvent. Il venait de lui présenter sa fille pour la première fois alors qu'elle a déjà sept ou huit mois. Nous, nous sommes dans la voiture avec lui et on s’est dit, wow… Encore une fois Teddy est en voiture, donc il ne peut pas se cacher, mais à aucun moment, il a refusé de mettre cette séquence. Là encore, c'est chouette pour nous, car il ne dit pas 'je ne veux pas qu'on me voit pleurer'." 

Comment s’est passé le montage ?  

B. D. : "Honnêtement, c’était très dur de jeter des séquences. Au total, nous avions plus de 200 heures de rush. C'est le problème quand le sportif donne beaucoup, il est difficile de tout aborder. Nous avions un format de 90 minutes à tenir, il fallait donc faire des choix pour être cohérent dans la narration. Par exemple, on a une séquence où Tony Parker est au Japon et vient voir Teddy à l’entraînement. Sur le moment, on se dit que cette séquence est géniale, et finalement on a décidé de ne pas la mettre. C’est un crève-coeur mais nous avions un angle à tenir."

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