L’Atletico Madrid est-il soluble dans le jeu espagnol ?
En ouvrant le score à la 77e minute, Loïc Rémy a fait plusieurs choses. Il a effacé des tablettes Zinédine Zidane qui restait le dernier Français à avoir inscrit un but aux Espagnols au Stade de France. C’était en 1998 pour l’inauguration de l’enceinte et les Bleus n’étaient pas encore champions du monde. Il a également permis aux Bleus de s’imposer au terme d’un match peut-être pauvre en occasions mais plaisant à voir et de surfer ainsi sur un Mondial réussi. Il a aussi remporté son duel indirect face à son nouveau coéquipier à Chelsea, Diego Costa. Aligné en pointe du 4-2-3-1 concocté par Vicente Del Bosque, le Brésilien naturalisé espagnol a une nouvelle fois déçu. Incapable de se mettre en position de tir et bien muselé en vitesse par Raphaël Varane et en puissance par Mamadou Sakho, il a bouclé sa cinquième apparition avec la Roja sans marquer. Sa sortie à la 68e minute au profit du jeune Pablo Alcacer ne remet pas en cause sa place de titulaire potentiel, mais Vicente Del Bosque va devoir trouver des réponses rapides pour intégrer celui qui reste son meilleur attaquant en activité. Plus généralement, le sélectionneur à moustache va devoir réussir à intégrer les éléments de la meilleure équipe d’Espagne de la saison dernière, l’Atletico Madrid.
L’ombre de Barcelone
Avec le départ à la retraite de ceux qui ont construit ses succès, la Roja ouvre donc une nouvelle ère. Sans ses deux cerveaux, Xabi Alonso et Xavi et son meilleur buteur, David Villa (97 sélections, 59 buts), elle perd des piliers, mais elle savait aussi qu’elle avait les armes pour les remplacer. Diego Costa donc, mais aussi Koke, ce milieu de terrain de 22 ans qui a définitivement éclaté la saison dernière sous les ordres de Diego Simeone. Adoubé par Xavi lui-même – "Koke est un footballeur extraordinaire. Il a tout. Le talent et les capacités physiques. C’est un footballeur du présent et du futur. Il a le potentiel pour devenir le chef d’orchestre de l’Espagne pour les dix années à venir", avait déclaré le Catalan à propos de Koke – et appelé à prendre plus de responsabilités après le départ de ce dernier, Koke n’a pas montré grand-chose sur la pelouse de Saint-Denis. Celle où il y a quatre ans, Xavi et Iniesta martyrisaient Gourcuff, Ribéry et consorts. Là, le milieu a subi la maestria de Paul Pogba et a du mal à se situer entre Cesc Fabregas et Sergio Busquets. Ces deux là se connaissent par cœur depuis la Masia de Barcelona et sont comme chez eux au sein de la Roja.
Le nouveau joueur de Chelsea a le plus souvent organisé le jeu, oubliant ce poste de "faux neuf" qui lui était souvent dévolu quand Xavi était là, redescendant parfois assez bas comme son glorieux aîné pour impulser la dynamique. Le second, joueur souvent décrié pour son caractère, mais adoré par tous ses entraîneurs, sera le nouvel homme de base de Del Bosque. Intelligent, rusé, techniquement délicieux, il devrait occuper seul le rôle de sentinelle dans cette nouvelle Roja. Mis de côté pour l’instant, le doble-pivote Alonso-Busquets, base des succès de Del Bosque. Un retour au 4-3-3 sous influence catalane se profile. On est loin du 4-4-2 qui fait les belles heures des Colchoneros. Autre soucis pour Koke, le retour programmé d’Andres Iniesta qui était absent ce jeudi à Saint-Denis. Le "Més que un club" n’a pas encore fini d’influer sur le jeu espagnol. Là encore, l’ombre de Xavi n’est pas loin. "Son départ (celui de Xavi, ndlr) laisse un grand vide, mais son héritage est encore plus grand. Son jeu s’est transmis aux générations suivantes. C’est pour cette raison que d’autres joueurs arriveront. Il y a maintenant en Espagne un courant de pensée footballistique". L’éloge est signé Del Bosque dans El Pais au moment de la retraite du joueur. Et c’est bien là le problème des joueurs de l’Atletico. Si Koke a largement dans ses pieds les réponses pour trouver sa place dans cet orchestre désormais rôdé mais aussi parfois trop ronronnant comme l’ont montré les longues séquences de conservation stériles, pour Diego Costa, l’équation semble plus compliquée à résoudre.
Compatibilité
Auteur de 36 buts en 49 rencontres avec l’Atletico Madrid, Diego Costa s’est envolé pour l’Angleterre où Jose Mourinho l’attendait. A Chelsea, le buteur a vécu une adaptation éclair avec déjà 4 buts en 3 matches. A Londres, il a trouvé un environnement qu’il connaît parfaitement. De la vitesse, de la verticalité, comme chez les Colchoneros. Tout ce qu’on ne trouve pas chez la Roja qui, contre la France, a joué comme elle sait désormais le faire. Jusqu’à l'overdose. De la maîtrise, des passes courtes, quelques séquences à une touche de balles et des fulgurances avec les débordements de Carvajal et d’Azpilicueta sur les côtés ou les rentrées de David Silva et Isco qui ont amené des passes plus tranchantes et la meilleure occasion – le tir à côté de Silva à la 83e minute -. Dans ce catalogue, peu de traces de Diego Costa. On l’a dit, il a été bien pris par la paire centrale tricolore mais le problème est plus profond.
Déjà au Mondial, où il était toutefois arrivé à court de forme, ses prestations n’avaient pas convaincu. Titulaire lors des deux défaites de la Roja, il avait laissé sa place contre l’Australie, pour la seule victoire espagnole de ce Mondial (3-0). Face à l’adversaire le plus faible certes, mais aussi avec David Villa et Fernando Torres, les deux attaquants "historiques" de la Roja toute-puissante. Contre les Bleus, Costa a bien montré qu’il avait envie mais son jeu n’est pas celui de l’Espagne. Tout simplement. L’homme aime les centres, les duels, les courses en profondeur. Les petits espaces et la finesse, très peu pour lui. La Roja ne changera pas, elle ne deviendra pas l’Atletico ou Chelsea du jour au lendemain. Mais l’équipe de Del Bosque va devoir aussi s’adapter aux nouvelles forces qui émergent et Costa en est une. La réussite future de l’Espagne passe par là.
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