L'avènement de Cammas
Cammas toutes voiles dehors
Le neuf novembre (à 16 heures 16 minutes 47 secondes), restera gravé dans la mémoire du skipper, qui, une fois n'est pas coutume, ne fait pas partie des Bretons purs souches qui occupent habituellement les podiums. Né à Aix-en Provence il y a 38 ans, Cammas, vaniqueur du Trophée Jules-Verne en équipage avait souvent endossé le rôle de favoris dans de telles épreuves sans jamais franchir la ligne le premier (en solitaire). C'est désormais chose faite avec une première victoire en Transatlantique pour le navigateur qui pouvait compter sur une machine à gagner, le multicoque Groupama 3.
Cette victoire dans une compétition majeure est-elle pour autant une surprise ? Après avoir barrer un trimaran de 90 pieds au sein de l'équipe américaine pour la Coupe de l'America et s'être attaqué avec succès à quatre records en une seule et même saison, la saison 2010 ne pouvait qu'être la sienne. Sacrés à 24 reprises sur le circuit ORMA, ce stakhanoviste de la voile a roulé sa bosse depuis ses premiers virements de bord aux commandes d'un "Optimist", devant le Vieux-Port de Marseille.
Jourdain en vieux loup de mer
Si le succès de Cammas est vécu comme un avènement, une juste récompense, que dire de la victoire de Roland Jourdain en IMOCA ? Déjà vainqueur il y a quatre ans, "Bilou" et ses 46 ans, a de nouveau devancé son monde, avec de surcroît, un bateau vieillissant loué pour l'occasion ! Le Quimpérois a franchi la ligne après 13 jours, 17 heures, 10 minutes et 56 secondes de traversée, soit cinq jours après Cammas. Ses cheveux blonds bouclés et son humour en font à juste titre l'un des marins français les plus appréciés du grand public (et de la flotte).
Plus passionné de voile que compétiteur-né, Jourdain a eu la chance d'être coéquipier d'Eric Tabarly sur la Whitbrea en 1985. Il peut aujourd'hui se targuer d'avoir l'un des plus beaux palmarès des skippers français actuels. Ses deux trophées dans cette Route du Rhum ne font pas oublier qu'il a également remporté à deux reprises la Transat Jacques Vabre (1995 et 2001), participé à trois reprises au redoutable Vendée Globe, la course en solitaire autour du monde sans escale et sans assistance (avec une 3e place en 2001, et deux abandons en 2004 et 2008).
Le Cléac'h dans le sillage
Déjà vainqueur de la Transat AG2R, la star montante de la voile française, Armel Le Cléac'h, ne s'est pas fait prier pour remporter la 41e édition de la Solitaire du Figaro. Arrivé quelques heures après Jourdain dans la Route du Rhum, ce Breton de 33 ans n'est pas passé loin d'un remarquable triplé. Le jeune âge de Le Cléac'h surprennent d'autant plus lorsque l'on sait qu'il a terminé deuxième à deux reprises du Vendée Globe (2008 et 2009). Promis à un palmarès comparable aux plus grands marins, Le Cléac'h a franchi cette année un cap qui lui vaut bien son surnom de "Chacal".
Sur la Solitaire, le Nantais a littéralement écrasé la concurrence en s'offrant trois des quatre étapes de la course. Ce succès est d'autant plus mérité que Le Cléac'h avait terminé à une douloureuse 35e place l'an passé... Et si l'on hésite à voir en lui un futur grand nom de la voile, il suffit de voir qu'en cas de troisième succès dans la Solitaire, il rejoindrait trois des plus grands, à savoir Philippe Poupon, Michel Desjoyeaux et Jean Le Cam.
28 jours 4 heures 26 minutes 2 secondes
Ce ne sont pas les 9 jours, 3 heures, 14 minutes et 47 secondes de Cammas qui devraient marquer les passionnés de voile. Non, les festivités pour célébrer les vainqueurs étaient d'ailleurs terminées depuis longtemps lorsque Gilbert Chollet, a franchi, le dernier, la ligne d'arrivée de la Route du Rhum. A bord de sur CHIMIREC EVTV (dans la catégorie Class40), Chollet a franchi la ligne d'arrivée après pas moins de 28 jours 4 heures 26 minutes 2 secondes. Il s'agit d'une véritable performance sportive mais aussi et surtout humaine. Tous les skippers s'accordent à dire que l'objectif premier n'est pas de terminer le premier, mais bien de terminer la course sans souci, tout simplement.
Le mérite est au moins aussi important pour Chollet qui aura mis plus de trois fois plus de temps que Cammas (en catégorie ultime) pour boucler la distance, soit 19 jours de plus... Mais l'essentiel est ailleurs pour ce Chef d'entreprise de 60 ans. Il a sans doute autant de mérite que les vainqueurs, voire un peu plus. Car continuer une telle épreuve sachant que l'on est seul en mer, il ne faut pas trop de poser de questions, et n'avoir en tête que de franchir cette ligne d'arrivée le plus vite possible. Mais Eole n'a pas vraiment épargné ce navigateur, qui a dû effectuer les derniers milles à quatre noeuds de moyenne dans des faibles vents portants. Au-delà des incroyables performances des navires du 21e siècle, n'est-ce pas davantage grâce à des aventuriers de ce type que de telles courses puisent leur légende ?
Cammas soufflé par... Antoine Albeau
Franck Cammas n'a toutefois pas su convaincre le jury spécialisé de la Fédération française de voile qui a attribué le titre de marin de l'année 2010 à Antoine Albeau. Méconnu du public, ce véliplanchiste de 38 ans est devenu Champion du monde de slalom et de Formula Windsurfing. A douze vois contre huit, il devance au deuxième tour celui que tout le monde attendait, à savoir Cammas. L'équipe de France de voile olympique (nommée pour lensemble de ses performances et son succès en Coupe du Monde ISAF) et Armel Le Cléac'h avaient été éliminées au premier tour.
Champion du mode à 18 reprises, Antoine Albeau, avait déjà été nominé cinq fois pour le titre de marin de lannée. Cette fois, les 20 membres du jury aidés des 3000 votes d'internautes l'ont finalement récompensé. Il devient le second véliplanchiste à recevoir ce titre honorifique après celui obtenu en 2004 par Faustine Merret, championne olympique de la spécialité aux Jeux Olympiques d'Athènes.
La mer amère
Une mascarade ? Non, il s'agissait bien de la prestigieuse Coupe de l'America. Après deux ans de bataille juridique, la 33e édition s'est conclue par une victoire écrasante du trimaran américain Oracle sur les Suisses d'Alinghi. Cette fois, il n'y a pas eu contestation possible, le navire suisse comptant près de neuf minutes dans la première manche, et plus de cinq minutes dans la deuxième et donc dernière manche ! Même les avocats d'Alinghi ont été convaincus de la domination américaine. LAiguière dargent est repartie de l'autre côté de l'Atlantique, avec l'espoir de ne plus avoir à subir un tel scénario des préparatifs à l'épilogue.
Carton jaune à Abby Sunderland et ses proches
On n'est pas sérieux quand on a 17 ans, écrivait Arthur Rimbaud. Abby Sunderland n'avait pas encore 17 ans qu'elle s'était lancée en janvier dans un tour du monde à la voile en solitaire et sans assistance. Mais on ne s'improvise pas marin comme cela, du jour au lendemain. Malgré les nombreuses mises en garde et critiques venant des quatre coins du monde, la Californienne, soutenue par ses proches, avait bel et bien risqué sa peau.
Peut-on accuser une adolescente de vouloir imiter son frère Zac, qui avait pour le coup réussi à 16 ans cette aventure ? Ne doit-on pas plutôt s'interroger sur les motivations et l'attitude de ses proches qui l'ont encouragé à braver un tel danger ? La jeune fille aura finalement vu son défi s'achever à mi-chemin. Après avoir déclenché ses balises de détresse, son voilier de 12 mètres sera retrouvé avec le mât brisé en deux à 3000 kilomètres au sud-est de la Réunion... Saine et sauve, elle devra réaliser qu'elle n'est pas passée loin de l'irréversible. Inutile de rappeler que la mer n'est pas qu'un terrain de jeu.
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