L'Espagne à l'heure du rachat
Le cas Casillas, tabou ?
Le capitaine a fait couler son vaisseau. Exemplaire tout au long de sa carrière, déterminant dans tous les succès de la Roja, Iker Casillas a vécu un cauchemar vendredi dernier face aux Pays-Bas. Impliqué dans deux des cinq buts – voire quatre, le premier de Van Persie où sa sortie est un peu "hasardeuse" et le dernier où il négocie mal son face-à-face avec Robben - , le capitaine espagnol a précipité la chute de son équipe. Son pire match pour sa 155e sélection. Il s’en est excusé. "Je dois demander pardon pour le match que nous avons tous fait en général et moi en particulier", a dit le gardien espagnol après la rencontre. "Ca n'a pas été mon meilleur match parce que je n'ai pas été à la hauteur."
Il a aussi repris la parole devant le groupe au lendemain de la défaite. Ses mots ? Un discours rassembleur selon Vicente Del Bosque. Sergio Ramos qui le connaît bien et pratique depuis bientôt 10 ans en club et en sélection pensait que "San Iker" allait réagir. "Je pense qu'il est perturbé, qu'il se sent mal, comme n'importe qui d'autre dans l'équipe. Mais je le vois aussi super motivé et très convaincu du fait que tout reste possible, qu'il faut tourner la page et aller de l'avant". On voit mal en tout cas, Del Bosque désavoué son capitaine. Ce n’était pas la tendance des derniers jours. Face au Chili, Casillas aura une chance de se racheter. Comme son équipe.
Le mental du champion
Les défaites au premier match, l’Espagne connaît. En 2010, la Roja, grandissime favorite, avait aussi perdu face à la Suisse. Mais la physionomie du match n’était pas la même. Le résultat non plus (la Suisse s’était imposée 1-0). Mais six matches après et autant de succès, Iker Casillas soulevait la Coupe du monde dans le stade de Johannesburg après le succès 1-0 face aux Pays-Bas. Donc remonter la pente, renaître, l’Espagne sait faire. Mais après une telle déroute, les esprits sont forcément marqués. Cela sera encore plus compliqué. D’autant que les équipes savent désormais comment contrer les Espagnols. Un bloc très compact et discipliné avec des joueurs ultra-rapides pour les contre-attaques supersoniques (à l’image du dernier but d’Arjen Robben) montrant au grand jour les limites du jeu à l’espagnole, le tiki-taka.
"J'ai l'impression que la fin d'une époque est arrivée. Ce cycle de victoires est fini", juge Javier Gomez, présentateur du journal télévisé sportif de la chaîne privée La Sexta. Pour lui, La Roja ne passera "même pas en huitièmes de finale". L’heure est déjà au bilan de l’autre côté des Pyrénées. Alors qu'on les enterre et que l'épitaphe d'un style est déjà prêt, les joueurs eux y croient. "Nous croyons en nous. Nous sommes encore en vie et nous voulons démontrer que nous avons encore beaucoup de choses à dire", a assuré Xabi Alonso. "Eux le savent, et leurs prochains rivaux le savent, et nous le savons nous-mêmes qu'en tant que sélection, ils sont morts. Morts, mais pas éliminés", écrivait d’ailleurs le journaliste et écrivain Enric Gonzalez. Il reste deux matches et la Roja peut encore voir les 8e de finale.
Ne plus perdre le contrôle
"Il y a des choses inexplicables". En conférence de presse d’après-match, Vicente Del Bosque cherchait ses mots et des explications. S’il a fini par trouver les premiers, il a dû longtemps chercher les secondes. Comment son équipe menant 1-0, qui n’avait encaissé que 6 buts en 19 matches lors des Euro 2008, 2012 et du Mondial 2010, a pu couler ainsi ? "Ce n'est pas une question de physique, c'est que l'optimisme de la deuxième période des Pays-Bas a coïncidé avec notre notre pessimisme". Mais encore ? En gros, au fur et à mesure que la confiance des Bataves grandissait, celle de l’Espagne s’effilochait pour disparaître totalement. La Roja a perdu le contrôle d’un match qu’elle maîtrisait globalement.
La balle de 2-0 manquée par David Silva et le but égalisateur de Robin Van Persie dans la foulée ont tout fait basculer. En seconde période, les longues séquences de possession ont disparu, les Espagnols se retrouvant étouffés par le pressing néerlandais. Le duo Piqué-Ramos a sombré dans le jeu de tête face à Van Persie, en vitesse devant Robben et dans le placement devant les deux. Pour retrouver ses esprits, l’Espagne doit reprendre le contrôle du jeu. Xabi Alonso au micro : "Nous devrons prendre un peu plus de risques, mais il faut être intelligents, analyse Xabi Alonso. Il faut savoir contrôler le match tout en marquant des buts". Face au Chili, cela passe par une base plus sûre et une circulation plus rapide pour éviter le pressing "suicidaire", selon Del Bosque, des Sud-Américains.
Quels changements ?
L’Espagne a une pression énorme sur les épaules. Si elle veut éviter le sort de la France en 2002 ou de l’Italie en 2010 – ces champions du monde sortis sans gloire au premier tour -, elle doit à tout prix s’imposer contre le Chili. Conscient que tout ne peut rester en l’état, Vicente Del Bosque a annoncé que son onze subirait quelques changements. "Deux ou trois" pour être précis. Rien n’est encore très clair mais les médias, notamment François David, journaliste français basé à Barcelone, s’accordent à dire que Xabi Alonso devrait sortir pour laisser sa place au Barcelonais Pedro, qui possède un profil différent de tous les autres joueurs offensifs. Après la Suisse en 2010, c’est David Silva qui avait "sauté" au profit de l’ailier. Rien ne dit toutefois que le Citizen soit titulaire face au Chili. Son occasion ratée pourrait lui coûter cher. En tout cas, les deux piliers du groupe, Xavi et Casillas avec qui Del Bosque a longuement discutés, ne sont pas menacés. A priori. Mais encore une fois rien n’est sûr. A part le jeu. L’Espagne ne va pas modifier sa façon de jouer malgré la déroute. Malgré les échos venus de la péninsule, la Roja est condamnée à mourir avec ses idées. Et tant pis pour ceux, comme le journaliste Javier Gomez, qui voient "la fin d’un modèle de football" qui s’incline face "à un jeu plus physique, plus rapide".
Le tweet de François David
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