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L'éternel procès en racisme fait à la NBA

Cette saison, l'équipe des Minnesota Timberwolves compte onze joueurs blancs sur quinze. Ce qui pousse certains à crier à la discrimination et au complot.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Luke Ridnour (G), des Minnesota Timberwolves, à la lutte pour le ballon lors d'un match de pré-saison, le 24 octobre 2012 à Winnipeg (Canada). (JOHN WOODS / SIPA)

SPORT - Les Minnesota Timberwolves ne sont pas l'équipe la plus connue de la NBA, la ligue américaine de basket, dont la saison débute dans la nuit du mardi 30 octobre. Leurs fans avaient pour habitude d'ironiser sur les résultats moyens de leur équipe, entièrement vêtue de blanc, en faisant référence au "White Power" (le pouvoir aux blancs, slogan néonazi).

Désormais, ils éviteront. Samedi 28 octobre, plusieurs activistes ont critiqué l'équipe, qui compte onze joueurs blancs sur quinze. Ce qui en fait la plus blanche de la NBA cette saison et du jamais vu depuis les années 80. Enième rebondissement d'un procès en racisme jamais totalement éteint.

Un retour aux années 50 ?

Tout est parti d'une remarque de Tyrone Terrell, de l'African American Leadership Council du comté de Saint-Paul, dans le Minnesota (Etats-Unis), qui s'interroge dans le journal local Star Tribune (en anglais) : "Comment se fait-il que l’on ait un effectif qui ressemble aux Lakers de 1955 ? Je pense que c'est le fruit d'une stratégie, pas du hasard." Si, aujourd'hui, la NBA compte 77% de joueurs noirs, à l'époque, la proportion était inversée. Les Minnesota Timberwolves comptent 73% de joueurs blancs pour la saison 2012-13, du jamais vu depuis le Boston Celtic de 1984.

De quoi faire bondir les fans des Wolves, qui rappellent que l'année dernière, l'équipe comptait huit joueurs noirs sur quinze. Tom Westerholm, qui tient le blog Howlintwolf, résume : "Ceux qui suivent les Wolves de près savent que ce n'est pas délibéré. Le meilleur joueur disponible pour renforcer l'équipe à chaque poste était blanc." Les nouveaux, essentiellement des Européens, ont de l'avis général amélioré la qualité de l'équipe. Elle compte deux fois plus d'étrangers que la moyenne des équipes de NBA, ce qui discrédite les accusations de racisme. D'autres joueurs de couleur, comme le Français Nicolas Batum, ont également été approchés sans succès à l'intersaison, note le blog Au Rebond

L'avocat spécialiste des droits civiques Ron Edwards se demande dans le Star Tribune (en anglais)"Est-ce une tentative des Timberwolves de faire revenir le public dans les stades ? Après tout, le Minnesota est un Etat plutôt blanc." Une hypothèse très contestable. Non seulement le taux de remplissage de la salle des Timberwolves est au-dessus de 90%, mais des universitaires ont analysé le phénomène. "La tendance des clubs dans les régions où il y a plus de blancs à avoir moins de joueurs de couleur n'a disparu que dans les années 80", peut-on lire dans une étude intitulée "Les fans de NBA deviennent-ils indifférents à la couleur de peau ?" (PDF en anglais, p.14).

La NBA soigne son image

La ligue de basket américaine est extrêmement sourcilleuse sur les questions de discrimination. Elle s'enorgueillit dans un rapport annuel du taux record de joueurs afro-américains dans ses rangs, comme du nombre de femmes dans les instances dirigeantes des clubs (PDF en anglais p.4). Et ce sans appliquer aucun quota, contrairement au football américain. "J'ai eu un jour une conversation avec David Stern [le grand patron de la NBA], où il disait qu'il voulait que personne ne fasse attention à la couleur de peau quand ils embauchent ou se séparent de quelqu'un", explique Richard Lapchick, l'auteur de l'étude, cité par Yahoo! Sport (en anglais).

Larry Bird (en vert) et Magic Johnson (en jaune) lors de la finale NBA Boston-Los Angeles, en avril 1987. (PETER READ MILLER / GETTY IMAGES)

La rivalité entre les Lakers de Magic Johnson et le Celtic de Larry Bird dans les années 80 a été souvent exposée dans les médias sous l'angle racial. Ce n'est plus le cas. Dans les années 90, l'image de la NBA s'est considérablement améliorée, grâce au phénomène Michael Jordan. Le spectateur aussi s'est transformé : les équipes qui ont le plus de joueurs blancs attirent autant le public que celles à forte majorité noire, que ce soit dans les tribunes ou à la télévision, souligne une autre étude (PDF en anglais, p.7).

Là où la NBA prête le flanc à la critique, c'est que sur les trente équipes, une seule est dirigée par un noir : Michael Jordan, aux Charlotte Bobcats. Lors des difficiles négociations entre joueurs et dirigeants lors du lock-out de 2011, le patron de la NBA, David Stern, s'est fait traiter par le représentant des joueurs (à 80% noirs donc) de "contremaître de plantation", référence directe à l'esclavage, rappelle The New Yorker (en anglais).

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