L'Ukraine dans l'oeil du cyclone
Depuis l'attribution de l'Euro-2012 il y a cinq ans à l'Ukraine et la Pologne, Kiev se trouvait régulièrement sous le feu des critiques de l'UEFA. D'abord pour des retards dans les préparatifs et plus récemment pour la flambée vertigineuse des prix des hôtels pendant le tournoi du 8 juin au 1er juillet. Cette semaine, l'affaire a pris une tournure politique avec le scandale autour de l'opposante et ex-Première ministre Ioulia Timochenko, incarcérée à Kharkiv, l'une des quatre villes hôtes de l'Euro-2012.
Alors que l'incarcération de Ioulia Timochenko en août 2011 avait déjà provoqué une grave crise entre l'Ukraine et l'Union européenne, des violences présumées à son encontre ont déclenché l'ire de Bruxelles qui a réclamé à Kiev de fournir "d'urgence des explications". Viviane Reding, commissaire européenne chargée de la justice et des droits fondamentaux, est allée jusqu'à décliner l'invitation de l'UEFA à venir le 8 juin à la cérémonie d'ouverture du championnat. "On ne peut pas fermer les yeux sur les droits de l'homme même à l'occasion d'une grande fête sportive", a-t-elle déclaré. Et la chancelière allemande Angela Merkel pourrait ne pas se rendre en Ukraine pour le championnat pour la même raison, rapporte la presse allemande. Égérie de la révolution Orange en 2004 en Ukraine, Ioulia Timochenko a toujours dénoncé les poursuites judiciaires engagées contre elle comme une vengeance personnelle de son rival Viktor Ianoukovitch, élu président en 2010.
Une situation tendue
Pour ne rien arranger, l'Ukraine à défrayé à nouveau la chronique vendredi, lorsque quatre explosions jusqu'ici non revendiquées se sont produites à Dnipropetrovsk, ville natale de Mme Timochenko, faisant une trentaine de blessés. Ces incidents ont mis l'Ukraine face à un défi sécuritaire à six semaines du coup d'envoi du championnat, même si Dnipropetrovsk n'accueille aucun match de football. Le parquet a ouvert une enquête pour "terrorisme". Mais à dire vrai, les autorités ukrainiennes ne savent trop comment se dépêtrer de cette situation.
L'autre pays organisateur, la Pologne, a déclaré être "particulièrement attentive" à ce qui se passe en Ukraine. Seul point positif dans cette affaire, Kiev a reçu l'appui de l'UEFA qui, après l'avoir beaucoup critiquée, lui a exprimé cette fois son soutien. "Cet événement ne change pas la confiance de l'UEFA" dans les "mesures de sécurité" prévues par Kiev en vue de l'Euro-2012, a indiqué l'Union européenne de football qui a défendu l'octroi du tournoi à cette ancienne république soviétique en dépit des critiques sur ses manquements en matière de démocratie. Certains experts ukrainiens sont moins optimistes. "L'Euro-2012 sera une catastrophe en terme d'image pour l'Ukraine", estime l'Institut de la politique mondiale à Kiev. "Il n'est plus question d'améliorer sa réputation, mais de minimiser ses pertes".
Le président du Bayern Munich, Uli Hoeness, a appelé le président de l'UEFA Michel Platini à faire pression sur les autorités ukrainiennes pour obtenir une amélioration de la situation de Ioulia Timochenko. Jusqu'ici, Michel Platini a défendu l'octroi de l'Euro-2012 à l'Ukraine en rappelant notamment que "lorsque l'Euro a été attribué en 2007, Timochenko était sur le point d'arriver à la tête du gouvernement". Hoeness a également exhorté le sélectionneur allemand Joachim Löw et ses joueurs à s'exprimer sur ce dossier avant l'Euro-2012.
Pour l'heure, le pouvoir ukrainien qui a décidé d'apaiser le conflit en programmant un nouveau procès contre Ioulia Timochenko n'entend toutefois pas se faire dicter sa conduite, fut-ce par d'autres grandes nations européennes et au détriment du succès de son Euro. Les autorités de Kiev ont d'ailleurs réagi lundi en s'en prenant directement à l'Allemagne qu'ils ont mise en garde contre un "boycottage politique" de l'Euro-2012 digne de la "guerre froide".
Les premières réactions visibles n'ont pas tardé.Plusieurs pays ont fait savoir qu'ils ne se rendraient à une réunion entre présidents de pays d'Europe centrale prévue à Yalta à la mi-mai. Et le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a fait savoir qu'il n'avait "pas l'intention" de se rendre en Ukraine pour des matches de l'Euro. Le mouvement ne fait-il que commencer ou la raison du sport va-t-elle prévaloir sur les tensions politiques ? Les prochains jours seront sans doute décisifs. Si l'Ukraine fait la sourde oreille aux récriminations des autres pays européens, ceux-ci ne pourront qu'accentuer leur pression pour ne pas donner l'impression de se renier.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.