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La BeNeLeague, un projet de rapprochement entre les championnats belge et néerlandais qui ne fait pas l'unanimité

Les ligues de basket néerlandaises et belges ont voté, mi-décembre, un processus visant à créer un championnat bi-national dès la saison prochaine. En football, ce même projet de "BeNeLeague" est discuté depuis plusieurs années, mais peine à aboutir.
Article rédigé par Hortense Leblanc
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5 min
En 2018, la Belgique de Thorgan Hazard et les Pays-Bas de Memphis Depay se rencontraient. Les deux pays pourraient bientôt créer un championnat bi-national (STANLEY GONTHA / PRO SHOTS)

Elle existe depuis plusieurs années en hockey sur glace et en handball, le basket vient de l’adopter, mais le football est encore réticent. La BeNeLeague, championnat bi-national entre les Pays-Bas et la Belgique, est une idée en discussion depuis 20 ans dans le foot, sans aboutir : "Le projet a été discuté pour la première fois quand les deux pays ont organisé l’Euro 2000 conjointement. Mais les Néerlandais ont longtemps été plus performants que les Belges, donc ça ne les intéressait pas", raconte Thomas Peeters, économiste à l’université Erasmus de Rotterdam. "Il y a quelques années, cela aurait été fou de suggérer, dans les médias néerlandais, de coopérer avec les Belges en football", poursuit-il.

Aujourd’hui, les deux pays ont sensiblement le même nombre de points au coefficient UEFA. De quoi pousser les clubs du "G6" néerlandais (Ajax Amsterdam, PSV Eindhoven, AZ Alkmaar, Feyenoord Rotterdam, FC Utrecht, Vitesse Arnhem) et du "G5" belge (Club Bruges, Anderlecht, KRC Genk, La Gantoise, Standard Liège) à discuter. Leur idée serait de créer une ligue commune, de 18 clubs, avec 10 équipes néerlandaises, et 8 équipes belges. Robin Van Persie, meilleur buteur de la sélection des Pays-Bas, s’est montré favorable à la création de cette BeNeLeague: "Tout le monde veut jouer le plus de matches possible au plus haut niveau. C'est ce qui rend l'équipe meilleure. Les grosses équipes néerlandaises affrontent parfois des équipes assez faibles à domicile. Il y a chaque saison des matches comme ça. Pourquoi ne pas remplacer ces clubs par des cadors belges comme Anderlecht, La Gantoise ou Genk ? Ce serait bien pour les deux championnats. Les deux pays sont proches, les équipes n'auraient pas de longs voyages".

Concurrencer le Big 5

Avec le projet de Superligue européenne, qui d’après les rumeurs exclurait les clubs néerlandais et belges, les deux nations auraient tout intérêt à se rassembler pour former un championnat fort et concurrencer le "Big 5" européen, composé de la Ligue 1, de la Premier League, de la Liga, de la Serie A et de la Bundesliga. Le projet d’une BeNeLeague est d’ailleurs particulièrement encouragé par le Club Bruges, habitué des compétitions européennes. Son président, Bart Verhaeghe déclarait, en 2018, dans les colonnes du Monde: "Cela peut aller vite. Si ce n’est pas pour la saison prochaine, sans doute dans les deux suivantes". Plus récemment, son directeur général, Vincent Mannaert, invité de la chaîne d’information LN24 début décembre 2020, s’est exprimé sur la faisabilité du projet: "Je dirais que pour 2023, c’est réalisable. Aujourd’hui, on doit créer cette majorité, on doit calculer les avantages financiers".

Car derrière l’intérêt sportif se cache bien évidemment des intérêts économiques pour les clubs qui seraient conviés à participer à la BeNeLeague: "C’est une opportunité pour deux pays assez petits sur le marché des droits TV de se joindre dans un grand marché qui bénéficierait aux deux, avec des montants que les Pays-Bas et la Belgique ne pourraient pas atteindre seuls", explique Thomas Peeters. Selon l’économiste, les revenus des clubs de BeNeLeague augmenteraient significativement, pour s'approcher du milliard d'euros, avec des droits TV multipliés par deux, grâce à un marché potentiel de 28 millions de consommateurs. Une manière de rendre ces équipes plus attractives: "La Belgique et les Pays-Bas ont des équipes nationales compétitives, mais nos joueurs ne jouent pas dans les championnats locaux. Les meilleurs partent dans les championnats du Big 5, car les clubs d’ici n’ont pas assez d’argent pour les payer. A l’avenir, la BeNeLeague pourrait permettre de garder ces joueurs", résume-t-il.

Le basket va l’adopter

En basket, la mise en oeuvre a été beaucoup plus rapide, et les équipes ont voté presque à l'unanimité, le 10 décembre dernier, le processus qui permettra de lancer une BeNeLeague dès la saison prochaine. "Jusqu’à maintenant, la ligue de basket belge est une ligue fermée, avec seulement dix clubs, qui se rencontrent quatre fois sur la saison régulière, avant les play-off. On commençait un peu à tourner en rond, et il y avait de moins en moins de spectateurs dans les salles avant le coronavirus", explique Benoît Peeters, journaliste sportif à la DH. Les clubs de basket belges, dont le modèle économique repose avant tout sur la billetterie, sont plus fragiles économiquement que les clubs de football. "Ils appréhendaient aussi les longs déplacements, parfois plus de 400 kilomètres, qui représentent un sacré budget quand il faut payer des hôtels pour toute une équipe et son staff, mais ils ont été rassurés par la ligue qui leur promet des compensations", assure le journaliste.

En revanche, la FIBA, fédération internationale de basket-ball, n’a pas voulu d’un classement mixé entre les deux ligues, pour préserver la diversité des pays en coupe d’Europe. Les équipes joueront donc d'abord un championnat national, puis des play-off de BeNeLeague avant de disputer de nouveau des play-off nationaux, pour décrocher une qualification européenne. "Finalement, la BeNeLeague est plus symbolique, et la première impression du public n’est pas très positive. Beaucoup ont du mal à comprendre la nouvelle formule", constate Benoît Peeters.

De nombreux obstacles restants avant l'aboutissement du projet en football

En football aussi, les instances pourraient être un frein au développement de la BeNeLeague. L’UEFA s’y oppose en interdisant les fusions. Lors de sa nomination en 2016, son président, Aleksandr Čeferin avait d'ailleurs déclaré qu’il considérait que les nouvelles compétitions transfrontalières devraient s’ajouter au calendrier, et non pas remplacer les compétitions nationales.

Les clubs qui ne seraient pas intégrés à la BeNeLeague s’opposent aussi au projet, ne sachant pas s’ils seront reversés dans une BeNeLeague 2, ou bien condamnés à la deuxième division. Comme leurs supporters, ils craignent de voir disparaître des derbies, mais aussi des grosses affiches de championnat, synonymes de belles recettes pour la billetterie: "Les matches contre l’Ajax ou Anderlecht sont les rencontres les plus attendues de la saison, qui attirent le plus de spectateurs, et ils disparaîtraient, explique Thomas Peeters, mais pour les rassurer, le président du Club Bruges a promis une offre financière de compensation que les petits clubs ne pourront pas refuser". Reste à en connaître le montant.

De nombreuses incertitudes entourent encore le projet de BeNeLeague. Quelles équipes seraient reléguées en fin de saison ? Les dernières du classement, peu importe leur nationalité, ou bien la moins bonne équipe belge et la moins bonne néerlandaise, de sorte à garder le même quota de clubs par pays au sein du championnat ? Il en est de même pour les qualifications en coupe d’Europe: les premières équipes au classement de la BeNeLeague seraient-elles qualifiées, ou bien les places seraient distribuées aux clubs belges et néerlandais les mieux classés pour assurer une représentation des deux pays sur la scène continentale ?

Les clubs du G6 néerlandais et du G5 belge ont lancé une étude de faisabilité de cette BeNeLeague auprès du cabinet de consultance Deloitte, qui n’a pas souhaité répondre à nos questions. Si la Belgique et les Pays-Bas venaient à sauter le pas, d’autres pays pourraient suivre. La Suisse et l’Autriche, deux nations aux populations semblables, avec des clubs qui dominent leurs championnats respectifs, pourraient se rapprocher, tout comme les pays scandinaves ou ceux des Balkans.

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