Le 21 avril 1951, l'URSS fondait son comité national olympique, une rupture majeure sur la scène sportive internationale
Le 21 avril 1951, le Comité national olympique d’URSS naît officiellement. Deux jours plus tard, son nouveau secrétaire Petr Sobolev, adresse un télégramme à Sigfrid Edström, le président du Comité international olympique (CIO), afin d’obtenir la reconnaissance de l’organisation, qui gère les Jeux Olympiques. Cette demande est acceptée par le CIO quinze jours plus tard, lors d’une session qui se déroule le 7 mai. La création de ce comité olympique et l’adhésion au CIO marquent pour l’URSS un tournant majeur dans sa pratique et sa perception du sport.
En effet, suite à la révolution bolchévique de 1917 et jusqu’à 1951, la Russie, devenue entre-temps URSS, ne cautionne pas les valeurs véhiculées par le CIO. "Il n’est pas possible pour elle de côtoyer le CIO et les Fédérations internationales qui sont tenus par des bourgeois qui sont en faveur du professionnalisme qui discrimine une partie de la population", explique Sylvain Dufraisse, maître de conférences à l’université de Nantes et spécialiste du sport en URSS.
Afin de rompre avec les préceptes du CIO, la Russie bolchévique crée en 1921 l’Internationale rouge sportive (IRS) qui regroupe les fédérations sportives ouvrières. Ce mouvement, qui sera dissous par l’URSS en 1937, permet de "proposer d’autres valeurs comme la pratique sportive comme un moyen d’émancipation, d’équilibre des esprits, et qui repousse le principe de la pratique compétitive", analyse Sylvain Dufraisse. Le passage de l’IRS au CIO en l’espace de trente ans, qui apparaît paradoxal au premier abord puisque l’URSS continue d’exister suite à la Seconde Guerre mondiale, s’explique pour plusieurs raisons.
Le sport, nouvel instrument des puissances
À la fin des années 1920, la place du sport à l’international évolue. Jusque-là, les Jeux olympiques "ne sont pas très importants, souligne Sylvain Dufraisse. Mais ils le deviennent réellement avec les Jeux d’Amsterdam en 1928 et ceux de Los Angeles en 1932." Lors des olympiades des années 1930, l’Italie fasciste de Benito Mussolini et l’Allemagne nazie d’Adolf Hitler utilisent le sport pour affirmer la puissance de leur nation. "Le sport devient, selon le maître de conférences, comme l’arme nucléaire ou la science, un moyen d’étaler sa puissance, de se montrer à la hauteur." Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, dans un contexte de Guerre froide et de défiance vis-à-vis de l’Occident, l’URSS choisit de faire de même en décidant de rejoindre le CIO.
Mais pour cela, la pratique compétitive qui règne aux Jeux doit être intégrée par l’URSS, ce que l’Union Soviétique commence à faire dès les années 1930. Avec l’arrivée de Staline au pouvoir et les grandes purges qui s’en suivent entre 1936 et 1938, "les courants qui avaient promu le sport de masse pour tous, un sport ouvrier, s’éteignent progressivement", affirme Sylvain Dufraisse. L’URSS s’ouvre à l’extérieur et ses sportifs rencontrent ceux des pays occidentaux, ce qui permet d’étalonner les performances soviétiques. Les Spartakiades, équivalent des Jeux olympiques mais version soviétique, dont la première édition se déroule en 1928, offrent également une comparaison avec les records établis la même année à Amsterdam.
Assimilation des règles occidentales
Malgré des désaccords au sein du monde du sport soviétique, l’URSS se réoriente donc vers la pratique d’élite et se rapproche progressivement des valeurs de professionnalisme du CIO. Après la Seconde Guerre mondiale, les sportifs soviétiques continuent de s’ouvrir au monde extérieur et effectuent des tournées en Angleterre ou en France. L’URSS découvre les règles sportives de ces pays occidentaux, s’adapte et les adopte entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et la création de son comité olympique en 1951.
Le hockey sur glace, "qui était joué très différemment en URSS par rapport à ce que l’on connaît", selon Sylvain Dufraisse, se voit modifié pour s'accorder avec celui pratiqué au Canada. Pour le spécialiste du sport soviétique, ces ajustements ne sont pas le signe d'une faiblesse de la part de l'URSS mais plutôt "d’aller sur le terrain de l’ennemi pour montrer qu’en utilisant ses armes, on peut y remporter des victoires. C’est la subversion de la pratique du dominant par le dominé".
Initialement réticent, en raison notamment de l’anticommunisme farouche de certains de ses membres et d’une défense d'une éthique du sport, le CIO finit par accepter l’intégration en son sein du Comité national olympique d’URSS. Une décision pragmatique car l’équilibre géopolitique qui régnait avant la guerre est différent : l’Union soviétique est sortie grande vainqueur du conflit mondial et devient l’un des deux pôles de la Guerre froide. "Pour le CIO, il s'agit d'éviter une scission et de voir l’URSS créer un concurrent puissant et influent", analyse Sylvain Dufraisse. Mais si le CIO accepte d’intégrer l’URSS, c’est également parce que les sportifs soviétiques se sont montrés compétitifs lors des championnats d’Europe d'athlétisme de 1946 et 1950 en terminant deux fois deuxième au classement des médailles. De belles performances que l’URSS réalisera aussi aux Jeux olympiques d’Helsinki à l’été 1952, un peu plus d’un an après la création du Comité national olympique d’URSS.
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