Le CIS, ce championnat où migrants et Franciliens portent le même maillot
Un débordement, un centre, un but. Grâce à son jeu simple, le Karthoum Saint-Germain 2 ouvre logiquement le score face aux Loups Subsahariens, la lanterne rouge. Autour du terrain, les quelques spectateurs présents apprécient l'action mais aucune effusion de joie ne se fait entendre. A l'UrbanSoccer de la Porte d'Ivry, les joueurs n'ont ni leur nom ni un numéro sur leur maillot mais disputent tout de même un championnat : celui de l'Intégration et la Solidarité (CIS) parrainé par l'association Aurore, spécialisée dans la lutte contre l'exclusion.
Retrouver ses racines
Sur le terrain numéro 4, les buts s'enchaînent entre les Grands Voisins 1 et les Grands Voisins 2, deux équipes formées de joueurs du centre Saint-Vincent de Paul, dans le XIVe arrondissement. Pourtant, ici, le score n'est qu'un prétexte et la compétition n'en est pas vraiment une : "Moi je viens, je prends un maillot et je joue, c'est tout ce qui m'importe, glisse Seydou à la fin de son match. Je suis là pour évacuer le stress de la semaine et repartir plus frais pour la suivante." A 28 ans ce Sénégalais vit depuis trois ans en France où il a repris ses études et est inscrit en 3eme d'année d'histoire à La Sorbonne. "Je suis parti avec l'ambition d'une vie meilleure mais pour l'instant ce n'est pas encore ça. Quand je viens ici je me retrouve un peu chez moi, ça me rappelle le foot du samedi ou du mercredi soir après l'école."
Dans un français un peu poussif mais non moins compréhensible, Abde, Soudanais arrivé en France il y a six mois, répond aux questions avec le sourire : "Je suis content d’être là, c’est tranquille et tu joues bien." Le jeune homme de 24 ans porte les couleurs des Dromadaires du Sahara et retrouve ici un sport qu’il pratiquait déjà dans son pays.
Travail d'équipe
Ce projet novateur est né dans il y a plusieurs mois dans la tête de Florent Bertinotti et Nathalie Avakian avec une idée simple : "Favoriser le partage et l'intégration en faisant jouer ensemble des migrants et des Franciliens" résume rapidement le jeune homme. En septembre dernier, ce directeur marketing et cette avocate sont touchés par les images qui passent en boucle à la télévision au sujet des migrants et décident d'agir. Ils imaginent alors un tournoi de foot et contactent l'association Aurore. Celle-ci est séduite par le projet et la journée test organisée le 20 décembre s'avère concluante : le CIS peut voir le jour. Depuis, les deux jeunes gens troquent chaque week-end leur costume de ville pour une tenue plus décontractée. "On est satisfaits de cette première édition, glisse Florent Bertinotti dans un sourire, l'activité s'installe et on espère remettre ça pour une deuxième saison."
Autour de Florent et Nathalie, une poignée de bénévoles s'affairent afin de faire de ce rendez-vous hebdomadaire un succès. Arbitrer les matchs, veiller au bon déroulement du programme et répondre aux questions des uns et des autres, les tâches ne manquent pas. Renaud est agent d'accueil au centre d'hébergement d'urgence de Boulogne et est associé au projet depuis le début. "Dès qu'on m'a parlé du tournoi j'ai sélectionné les joueurs dans le centre où je travaille. Comme je jouais parfois avec eux ça a été assez simple même s'il a fallu faire des choix puisque les places étaient limitées. J'ai pris les meilleurs mais aussi les plus sérieux car c'est un engagement sur plusieurs mois." Pour lui qui côtoie ces migrants quotidiennement, les effets de cette initiative n'ont pas tardé à se faire sentir : "Ça leur fait du bien, ça leur permet de sortir et de rencontrer d'autres personnes alors que dans le centre ils restent beaucoup entre eux. Et puis c'est aussi plus facile pour eux pour apprendre la langue."
A l'UrbanSoccer de la Porte d'Ivry, le CIS semble avoir avoir crée une petite communauté soudée. Ici, qu’importe la nationalité, la culture ou la langue, le football se veut avant tout rassembleur.
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