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Le port du masque obligatoire dans certaines zones à Lille lors de l'activité physique, une décision médicalement injustifiée selon les médecins

Depuis lundi 3 août, sur décision du préfet du Nord, le port du masque est obligatoire dans certaines zones de plein air à forte affluence dans la métropole de Lille. Cette obligation vaut aussi pour la pratique physique et sportive dans ces zones délimitées. Si l’objectif est de limiter la propagation du coronavirus, les spécialistes estiment que cette décision n’est pas médicalement justifiée.
Article rédigé par Apolline Merle
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5 min

 (ARI? BOTBOL / HANS LUCAS)

Mercredi 5 août, l'Hexagone a recensé 1 695 nouvelles contaminations au coronavirus en vingt-quatre heures, d'après les chiffres de la Direction générale de la santé (DGS). Le virus circule toujours activement en France, notamment dans les régions d’Ile-de-France, de Provence-Alpes-Côte d’Azur, en Guyane et dans les Hauts-de-France. Pour faire face à une reprise du Covid-19, le préfet du Nord a rendu obligatoire, dès le lundi 3 août, le port du masque dans des zones de forte affluence dans la métropole de Lille. Il n’est pas le seul d'ailleurs, car les villes de Nice et de Toulouse, bientôt rejointes par Paris, ont elles aussi fait un choix similaire. Une décision rendue possible par le ministre de la Santé Olivier Véran, le 31 juillet, qui laisse depuis aux préfets la possibilité d'imposer le port du masque dans les lieux publics ouverts.  

Mais ce qui interroge, c'est que cette obligation concerne également la pratique sportive dans ces mêmes zones. Par exemple, à Lille, si vous décidez d'aller faire votre jogging à la Citadelle, vous devrez porter un masque pendant votre effort, sous peine de recevoir une contravention de 135 euros. Pourtant, les spécialistes ont mentionné, à de nombreuses reprises ces derniers mois, que le port du masque lors d'un effort physique était déconseillé. Même la ministre des Sports, Roxana Maracineanu avait indiqué au Parisien le 15 juillet dernier, que "le port du masque a toujours été jugé comme incompatible avec une activité sportive intense. Cela ne changera pas"

Pas dangereux, mais pas conseillé non plus 

Pour les spécialistes, le port du masque lors d’une activité physique n’est pas dangereux pour la santé mais n’est pas conseillé pour autant. En effet, le masque permet de filtrer l'air, et en limite l'inspiration. D’ailleurs, de nombreuses personnes ont déjà eu la sensation d’étouffer avec le masque sans forcément pratiquer un effort physique important. Mais lors de la pratique physique et sportive, le besoin en oxygène augmente et la respiration s’accélère. “A priori, sur le plan médical, il n’y a aucun risque de porter le masque pendant un effort, en dehors de la gêne que l’on peut ressentir parce qu'on a l'impression de moins bien respirer”, explique Victoria Tchaikovski, médecin du sport à la Clinique Drouot à Paris.  

Toutefois, le port du masque peut malgré tout avoir des effets sur notre ressenti, d’autant plus pendant un effort. “Avec le masque, on respire plus vite. On a l'impression de respirer de façon différente, d'avoir une respiration courte. On est obligé de ventiler beaucoup plus vite pour pouvoir respirer normalement”, explique Faïza Bossy, médecin généraliste à Paris. C’est la même chose pendant l’effort. “Quand vous faites du sport, vous allez respirer plus vite pour vous adapter à votre effort. Si en plus vous avez un masque, vous respirez encore plus vite, donc vous allez vous épuiser plus vite. Et d'ailleurs, cela se ressent. Avec un masque, en courant à la même vitesse et sur la même distance que d'habitude, vous allez vous arrêter beaucoup plus tôt, et surtout vous serez plus fatigués”, développe la spécialiste.  

Certains Lillois acquiescent déjà et refusent de porter le masque pendant leur footing, au point de risquer l'amende. Comme le racontent nos confrères de France Bleu Nord ce jeudi : "courir avec un masque, c’est la syncope assurée", affirme Manon, jeune étudiante lilloise. "Malheureusement, on ne le respecte pas, on ne peut pas courir avec un masque, c’est impossible, renchérit Amélie. Si c’est pour ça, il faut peut-être interdire le sport !"

Quelques signes qui alertent  

En plus d’une respiration plus rapide, certains signes doivent alerter le sportif en plein effort comme le mal de tête ou l’apparition de crampes, dus à une mauvaise oxygénation. “Comme on va respirer plus vite, on va avoir tendance à se dire que le masque me gêne, donc je vais compenser en respirant plus, et on va avoir tendance à hyperventiler. Si on hyperventile, on va avoir une augmentation brusque de l'oxygène dans le sang et ça peut donner des maux de tête, une sensation d'étourdissement, ou de malaise sans l'avoir réellement. Mais ce n’est pas directement lié au port du masque, c’est plutôt dû à notre façon de respirer avec le masque", développe Victoria Tchaikovski.  

Par ailleurs, pratiquer un effort physique avec un masque réduit son efficacité. En effet, la transpiration provoquée par l'effort mouillera très rapidement le masque, le rendant incapable de filtrer l'air. “Un masque humide va être moins hermétique et sera donc moins efficace”, affirme Victoria Tchaikovski, médecin du sport. “La durée de vie des masques chirurgicaux à sec est de 4 heures. Au fur et à mesure, le masque va finir par être humide et cette humidité fait qu’en terme de filtration, le passage de gouttelettes va être plus facile. Donc si un joggeur veut porter un masque, il devra en avoir plusieurs avec lui et devra au minimum le changer après l’effort”, souligne Faïza Bossy

“Pas de raison médicale” 

Mais cette décision a de quoi surprendre puisque les masques ne sont pas obligatoires dans les salles de sport pendant l'effort par exemple, qui sont pourtant des lieux clos et où les distances physiques peuvent être plus difficiles à être respectées. “C’est contradictoire. Je ne comprends pas bien pourquoi on doit porter un masque pour les efforts en plein air. A mon sens, il n’y a pas de raison médicale, ça ne se justifie pas. En plein air, on peut respecter la distance. Dans un lieu couvert, oui, il faut un masque. Après, quand on fait un effort dans un lieu clos, ça peut se discuter, mais en plein air, ce n’est pas médicalement justifiable”, indique Victoria Tchaikovski.  

Ainsi, pour les médecins, rien ne remplace la distanciation physique et les gestes barrières, désormais devenus classiques. Pendant l’activité physique, il est recommandé de suivre ces préconisations et de courir plutôt côte à côte que l’un derrière l’autre, si l'on veut courir à plusieurs. Le Ministère des sports avait aussi indiqué dans son guide de reprise d’activité sportive qu’il fallait laisser 10 mètres de séparation entre deux joggeurs ou deux cyclistes. “Il est recommandé de faire du sport dans un lieu peu fréquenté, en plein air et de préférence tôt le matin ou tard le soir, d’autant plus avec l’épisode de canicule que nous traversons”, conseille Faiza Bossy. En plus des gestes barrières, “il faut se désinfecter régulièrement les mains, éviter les contacts directs et de moins d’un mètre, ne pas mettre la main à la bouche après avoir touché un ballon ou un équipement de sport, et aller voir son médecin au moindre symptôme”, rappelle la médecin du sport, Victoria Tchaikovski.

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