Le Tour de France ne hisse plus les voiles !
Créé par Bernard Decré en 1978, il était devenu incontournable. Le Tour de France à la voile, devenu Tour voile il y a deux ans, a rassemblé sur l’eau des dizaines de milliers de marins, navigant de villes en villes autour des côtes du littoral français. Tous les plus grands noms s’y sont succédés et l’ont gagné comme Bertrand Pacé, Franck Cammas, Jimmy Pahun, Thierry Pepponet.
Cette année, le Tour Voile reste donc en rade à cause du Covid-19. Une décision qu’a prise ASO, l’organisateur, en concertation avec les marins, les collectivités et les partenaires économiques. Autant le Tour de France cycliste a pu être reporté, là le principe du report était plus délicat, selon Victor Mathevet le directeur du Tour chez ASO : "On ne savait pas du tout si on pouvait reprendre en juillet et à partir de quand. Ensuite c’est un événement estival et les collectivités souhaitent que ce soit un rendez-vous festif pendant la haute saison du 15 juillet au 15 août. Or les créneaux d’un possible décalage à la rentrée ne correspondaient pas à ce souhait. Enfin, certaines communes ne souhaitaient pas si tôt un rassemblement de milliers de personnes sur leurs plages."
Les villes touchées mais pas coulées
Une décision qui n’a pas surpris les élus. A Dunkerque, ville de départ et partenaire du Tour depuis plus de 30 ans, le maire Patrice Vergriete s’y attendait un peu : "Symboliquement le Tour Voile donnait le coup d’envoi de nos opérations estivales et le lancement de la saison balnéaire avec aussi le festival de musique 'La Bonne Aventure'. On va peut-être pouvoir reporter la musique car à Dunkerque, notre stratégie est de reporter nos événementiels, pour faire vivre l’hôtellerie ou la restauration. Il y a une dimension économique à prendre en compte. Mais on reste fidèle à ASO car c’est une épreuve qui a toujours beaucoup plu aux Dunkerquois, on a toujours été un partenaire fidèle et il y a des Dunkerquois qui ont gagné ce Tour !"
Autre point de vue novateur, celui de Victor Berenguel, maire de la petite commune de Savines-le-Lac qui recevait pour la première fois le Tour Voile, sur le lac de Serre-Ponçon : "Nous sommes très déçus car cette manifestation était pour nous une première sur un des plus grands lacs artificiels d’Europe. C’était un signe fort pour montrer que des territoires comme les nôtres ne sont pas abandonnés. On voulait sensibiliser la population à la voile, en créant même des olympiades avec les écoles. On avait eu l’adhésion de l’ensemble des élus du territoire de Serre-Ponçon, en étant porteurs d’une vraie originalité avec l’épreuve sur un lac."
Les Hautes Alpes étant très peu touchées par le Covid-19, l’élu rajoute cette déclaration pleine de sagesse : "Nous somme un département privilégié, car la maladie est là mais de moindre importance. Notre rôle d’élus est d’abord de protéger nos populations car un événement comme le Tour Voile attire beaucoup de monde."
Des marins tristes mais pas résignés
Acteurs du Tour Voile, les marins représentent la future élite de la voile française. Depuis quelques années, le rajeunissement s’est en effet opéré, avec surtout le changement de bateau et l’émergence d’un petit trimaran de course, le Diam 24. L’engouement sportif est aussitôt revenu. Désormais, le spectacle se fait devant la plage : alignés comme dans un paddock de formule 1, les bateaux et marins sont accessibles et régatent devant le public.
Confinés, comme tous leurs collègues sportifs, les marins ont dû se plier à la décision du gouvernement. L’un des favoris, Sandro Lacan (Team Réseau Ixio) reconnaît que ça aurait été compliqué d’organiser ce Tour 2020 : "Sportivement, on n’aurait pas eu une bonne préparation et sûrement que le plateau des engagés en aurait été affecté (Oman s’est retiré dès le début du confinement). On ne sait pas de quoi sera fait l’année prochaine, car notre sponsor ne repartira pas avec nous, mais on ne lâche rien."
Idem chez les filles, Mathilde Géron (Team la Boulangère) elle-même touchée par le Covid-19, comprend cette décision : "Les autres sports annulant au fur et à mesure, c’est logique. On avait calqué notre année là-dessus, on était une semaine sur deux à La Grande Motte pour s’entraîner depuis janvier. Pour nous c’est un arrêt brutal et on se pose des questions pour la suite. Même si les responsables de la classe (Le Diam24 étant fabriqué en série) essaient de mettre en place un programme d’arrière-saison, on veut vraiment être là en 2021."
Au Centre d’entrainement méditerranée de La Grande Motte justement, la déception prime : "C’est rageant, on avait tout mis en route pour un projet performant et un objectif dans le Top 3", précise Camille El Bèze, manager de Pink Lady- Pays de l’Or Sud de France. "L’équipage s’était entraîné avec d’autres équipes cet hiver pendant une trentaine de jours, juste avant le confinement et il était performant. Maintenant, on est conscients que la situation est exceptionnelle et on subit comme les autres. On ne peut que s’adapter et accepter la décision prise par ASO. Heureusement nos partenaires nous soutiennent, malgré l’annulation, c’est un vrai soulagement pour des équipes comme les nôtres."
Finalement, c’est du côté du bateau belge Caraïbos Be Brussels de Mady Fobert qu’on est le plus philosophe : "On navigue entre tristesse et sagesse. Juillet va me sembler bien vide", raconte cette figure du Tour. "Comme les personnes âgées seront déconfinées bien plus tard, je n’aurais même pas pu être là. Je me mets au boulot pour 2021."
Quel avenir pour 2021 ?
Victor Mathevet se veut optimiste. Ce n’est qu’un coup d’arrêt mais pas la mort du Tour Voile qui a surmonté bien des tracas depuis sa création mais qui tient le cap : "C’est une décision difficile, mais sage. La fête n’aurait pas été belle cette année. Mais on se fixe déjà un nouvel objectif, dès le déconfinement : on se projettera sur l’année 2021."
Et tout le monde approuve : "On espère que le Tour et ASO vont rebondir pour qu’on ait vraiment une belle année 2021" (Mathilde Geron), "On va se battre et rebondir, tout faire pour rester dans la course. Tout est prêt il n’y a plus qu’à appuyer sur un bouton" (Victor Berenguel), "On a déjà les yeux fixés sur 2021 pour enfin le gagner !" (Sandro Lacan).
Seul point original à noter : si le Lac de Serre-Ponçon accueille enfin l’épreuve, il faudra impérativement que cela ait lieu en juillet. "Le niveau d’eau après le 15 juillet descend assez vite", précise Victor Mathevet, "les communes ont un accord avec EDF car elles doivent relâcher de l’eau pour irriguer les terres agricoles en contrebas, et on ne pourrait alors plus mettre nos Diam24 à l’eau."
Tour Voile ou pas, les agriculteurs de la région y trouveront donc toujours leur compte. Quant aux marins ils attendront encore un peu pour venir conquérir ce nouvel espace de liberté.
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