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Le Tour, ringardisé en France, mais tendance à l'étranger

Dans l'Hexagone, les plus de 60 ans adorent la Grande Boucle alors que les jeunes n'en sont pas franchement friands. C'est le contraire à l'étranger. 

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Des supporters et un cochon lors de la cinquième étape du Tour de France 2011, en Bretagne. (PASCAL ROSSIGNOL / REUTERS)

Allergiques au cuissard, aux barbecues sur le bas-côté des routes, au bronzage cycliste, aux jambes épilées, aux vues d'hélicoptères de monastères, aux photos en noir et blanc, cet article vous explique pourquoi le Tour traîne sa ringardise en France alors qu'il est neuf et frais vu de l'étranger. 

Devant leur télé, papi et mamie font de la résistance (enfin, surtout papi)

La moyenne d'âge des téléspectateurs présents devant leur écran est deux fois supérieure à celle du peloton. D'après des chiffres de 2011, plus d'un téléspectateur sur deux a plus de 60 ans, et si on élargit l'échantillon aux plus de 50 ans, on arrive à 72% des gens devant leur poste. Les étudiants et les lycéens, pourtant en vacances, boudent la petite reine : ils ne représentent que 7% de l'audience. "Le cyclisme ou le rugby ont du mal à régénérer leur public. Cela s'explique par le fait que la population française vieillit elle aussi", expliquait Laurent Martinez, de la société d'études CaratSports, dans TVMag, en 2011.

Un sondage de SportLabGroup montrait qu'en 2010, la principale motivation pour suivre le Tour était de "voir les beaux paysages à la télé". N'arrivait qu'en troisième position la compétition sportive, après les étapes de montagne, qui mêlent beaux paysages, dents serrées et coureurs en danseuse sur le vélo. "Devant la télé, les fans de sport sont une minorité", résume le site spécialisé The Inner Ring (lien en anglais).

Dur, dur d'être un cycliste 

Il n'y a pas que devant la télé que les pelotons vieillissent. Même si la Fédération française de cyclisme n'a jamais eu autant de licenciés, ça ne se bouscule pas dans les catégories de jeunes. Des sports plus fun, comme le BMX ou le VTT, détournent une partie des amoureux du vélo de la route, et ont donné un sacré coup de vieux au cyclisme "classique".

Sur le forum Velits.fr, beaucoup de cyclistes sur route regrettent l'image ringarde que véhicule leur sport. Notamment auprès de la gent féminine. Comme cet internaute : "Le cyclisme a une mauvaise image, ça le fait pas avec les potes, avec les filles encore moins. Ça me rappelle la fois où une fille m'avait recalé à cause de mes bronzages, alors que j'étais bien parti. Ce n'est pas un sport esthétique du tout. Je pense même que ça peut être un tue-l'amour." Un autre : "Quand je sors à une fille, pour me la péter, que j'ai gagné des courses de cyclisme, c'est... 'Ah ? et tu mets des collants et tu te rases les jambes ! Pfff, trop LOL quoi.' Je caricature à peine."

Un temps que les moins de 60 ans ne peuvent pas connaître 

Le cyclisme, en France, ça sent la naphtaline. "La nostalgie, mère nourricière du peuple du vélo", écrit Jean-Emmanuel Ducoin dans son livre Tour de France, une belle histoire ? Jusque dans les années 1970, le cyclisme était incontestablement le sport le plus populaire dans le pays. Une époque révolue : le recul des coureurs hexagonaux vers les tréfonds du classement et la suspicion généralisée sur les performances ont eu raison de l'amour exclusif des Français pour la petite reine. Dirait-on aujourd'hui, comme l'écrivain et journaliste Antoine Blondin dans les années 1960, que "le général de Gaulle est le président des Français onze mois sur douze, en juillet c'est Jacques Goddet [le directeur du Tour de 1936 à 1987]"? En 2012, entre François Hollande et Christian Prudhomme, la comparaison ne tient plus... 

Une image du Tour de France 1934, qui a été remporté par le Français Antonin Magne. (AFP)

Demandez à un amoureux du Tour quand il a arrêté de croire aux performances des champions. Beaucoup vous répondront "1989", l'année où le Français Laurent Fignon perd la Grande Boucle pour 8 secondes d'écart avec l'Américain Greg LeMond ; d'autres vous parleront de 1996, l'année où la "chaudière" Bjarne Riis remporte l'épreuve grâce à son taux d'hématocrite, plus que pour ses qualités de grimpeur. Depuis, la légende du Tour est comme arrêtée. Entre les vainqueurs peu charismatiques et les classements qui changent tous les trois mois à cause des affaires de dopage, la magie ne prend plus. 

Au Canada ou en Australie, le cyclisme, c'est "in"

Mais un autre monde existe. Dans les pays émergents du vélo, l'Australie, les Etats-Unis ou le Royaume-Uni, la moyenne d'âge des passionnés oscille entre 25 et 45 ans. "Le cyclisme traîne une image un peu ringarde en France", explique Laurent Martel, qui tient le site canadien spécialisé La Flamme Rouge"Au Canada, c'est différent. Le cyclisme véhicule une image plutôt positive de santé, de plein air et surtout, d'un sport extrêmement difficile qui impose le respect. L'audience est nettement plus jeune, la pratique en pleine explosion : il y a dix ans, lorsque je m'entraînais ici dans le Parc de la Gatineau [près d'Ottawa] le dimanche matin, je croisais peut-être 5 ou 10 autres cyclistes. Désormais, j'en croise 400 ou 500 ! Partout, les gens roulent plus que jamais et découvrent ce sport."

On peut clairement parler d'effet Cadel Evans en Australie, avec des taux d'audience record, ou d'un frémissement autour de Bradley Wiggins, favori cette année, et du sprinter Mark Cavendish au Royaume-Uni. "Au Canada, le cyclisme est un sport neuf, que les gens découvrent. Il y a donc un effet 'nouveauté' très important. Le cyclisme ne traîne pas ces images des années 1920, 1930 ou 1940 comme en Europe." Sans parler des affaires de dopage, qui ont terni la réputation de ce sport et fait baisser les audiences, comme le montrait Rue89 en 2007.

Un supporter cycliste attend le passage du Tour de France lors de la 2e étape entre Visé et Tournai, le 2 juillet 2012.  (JOEL SAGET / AFP)

Reste que le Tour de France, ringard ou pas, attire chaque année entre 12 et 15 millions de personnes sur le bord des routes. Soit trois fois plus que les Jeux olympiques...

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