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Lemerre : "J'ai subi la honte"

C'est dans un entretien au long cours dans l'Equipe, que Roger Lemerre est revenu sur ses souvenirs de ses quatre ans à la tête de l'équipe de France (1998-2002). Des temps forts inoubliables, mais aussi des blessures toujours vives. A une semaine des débuts de la France face à l'Angleterre, il revient sur ses années de sélectionneur.
Article rédigé par franceinfo
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Roger Lemerre restera dans l'histoire de l'équipe de France. Aux yeux de tous, il sera celui qui a mené l'équipe championne du monde à un doublé inédit avec l'Euro. Une victoire héroïque face à l'Italie et un but en or arraché par David Trezeguet. Mais le successeur d'Aimé Jacquet sait aussi que son image est entachée.

Il était le sélectionneur désavoué lors de la campagne en Corée du sud en 2002. Sous sa gouvernance les Bleus ont sombré. Une élimination sans gloire, sans même sortir de son groupe. Sans même une victoire. Sans même un but. Alors, s'il assume cette débâcle, il refuse d'en porter seul la responsabilité.

Dans les colonnes de l'Equipe, il reconnait que la faute en revient aussi grandement aux joueurs. Passés dans une autre dimension, aussi bien médiatique que financière, ils se sont présentés en Corée les chevilles un peu gonflées. "Entre 1996 et 2002, les choses ont changé. En 1996, ils commençaient à acheter une belle voiture. En 1998, ils avaient quatre voitures, et en 2000 et 2002 ils construisaient des châteaux."

"En 2002, il nous a manqué un leader chez les femmes"

Cette même année 2002, il y a dix ans, l'année où la France a subi l'une des éliminations les plus brutales de son histoire, le groupe manquait de leader. Zinédine Zidane, blessé lors des matchs de préparations, accaparait toute l'attention de la presse. De quoi déstabiliser le reste de l'équipe. "Les autres ont le même égo. La réflexion d'un joueur m'a ouvert les yeux : +Et nous, on est des cons ?" Et je me suis dit, +Roger, ton groupe est mort+"

Mais en plus d'un leader sur le terrain, il en manquait un autre, plus inattendu, chez les femmes des joueurs. Selon Lemerre, Adriana Karembeu avait maintenu l'harmonie entre les différentes familles en 1998. En 2002, son absence aurait joué un rôle plus important que suspecté. "En Corée, elle n'était pas là. On faisait venir les femmes pour briser les tensions entre les joueurs, mais il fallait aussi briser les tensions entre les femmes".

La presse poignarde

S'ensuit l'élimination. La déroute des champions en titre. La presse s'en donne à cœur joie sur ce groupe sans cohésion. Et Roger Lemerre en prend pour son grade. Il se souvient d'un voyage en train en juillet 2002 après la défaite des Bleus. Il est dans un TGV, le train s'arrête en pleine voie : "On a dû descendre du train, les gens m'ont reconnu et me sifflaient".

Un épisode difficile à digérer. Voilà sans doute pourquoi, l'originaire de Bricquebec a voulu quitter la France, travailler ailleurs. "J'ai voulu partir. J'ai subi la honte quand vous avez évoqué la question du règlement de mon départ. Je le dis franchement, j'étais déglingué."

S'il a su se reconstruire après cet échec, en remportant la CAN en 2004 avec la Tunisie, il n'a jamais refermé complètement la plaie. Pourtant, il l'affirme, il est encore apte à diriger une équipe. Ses soixante et onze printemps n'y changeront rien. "Je suis encore plus jeune qu'Alex Ferguson (ndlr : entraîneur de Manchester United) et physiquement, je suis peut-être mieux que lui". Quand on sait le succès du coach des Red Devils on se dit que le pari est encore possible.

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