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Les défis qui attendent le sport amateur en 2021

Particulièrement mis à l'épreuve en 2020 en raison d'une crise sanitaire sans précédent, le sport amateur va devoir faire face à une myriade de défis en 2021. Au cours des 10 derniers mois, beaucoup de licenciés ont déserté leurs clubs et associations sportives devant la menace de cette pandémie mondiale. Comment les faire revenir ? Quel rôle vont jouer les pouvoirs publics ? Les sponsors seront-ils toujours au rendez-vous ? Et les bénévoles ? Quelles autres pistes peuvent être développées ? État des lieux.
Article rédigé par Clément Mariotti Pons
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 15min
  (HELGE PRANG / GES-SPORTFOTO)

16 mars 2020. Le président de la République Emmanuel Macron déclare l'instauration du premier confinement sur le territoire national, en réponse à l'épidémie de Covid-19 qui fait trembler le monde. Sur les terrains, on fait la grimace. Le sport - comme à peu près tous les secteurs - se met à l'arrêt. Depuis le printemps dernier, quelques éclaircies ont toutefois parsemé le ciel noir foncé de cette année inédite et chaotique pour les 158 000 associations sportives dans l'Hexagone. Mais elles seront bien insuffisantes face à l'ampleur de la crise sanitaire qui emporte tout sur son passage.

À l'aube de cette nouvelle année, les défis sont très nombreux pour le sport amateur et touchent tout un écosystème qu'il va être urgent de mobiliser pour stopper l'hémorragie.

• Enrayer la chute du nombre de licenciés

Fin octobre, alors que le deuxième confinement venait d'être annoncé, le président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) Denis Masseglia nous confiait ses inquiétudes quant à la reprise du sport : "Le plus inquiétant n'est pas le confinement, mais la fin de celui-ci. Si les licenciés qui ont arrêté le sport pendant le confinement ne reprennent pas leur licence, ce sera une catastrophe pour les clubs amateurs".

Inquiétude justifiée : alors que 16,4 millions de licences étaient délivrées en 2018 par les fédérations agréées, elles seraient en déclin de 20 à 30% en 2020 selon le ministère des sports. La chute est surtout vertigineuse pour les sports en salle (basketball, handball, volley, gymnastique, badminton...) à l'image du judo, fédération olympique la plus touchée avec une baisse de 30% des cotisations. Le sport scolaire n'est pas en reste avec plus de 40% de licenciés en moins pour l'Union nationale du sport scolaire (UNSS), tandis que la Fédération française du sport adapté (FFSA) évoque même une perte de 70% de ses adhérents.

Alors comment surmonter ce calvaire et enrayer la défection des pratiquant(e)s dans leurs associations sportives ? Grâce à l'impulsion des pouvoirs publics, déjà. L'État a débloqué une enveloppe de près de 400 millions d'euros en direction du secteur pour 2021. La création d'un "pass sport" doit notamment permettre d'inciter les jeunes de moins de 16 ans (pour les familles bénéficiant de l'allocation de rentrée scolaire, NDLR) et les personnes en situation de handicap à se réinscrire dans les clubs. Un dispositif déjà éprouvé depuis 2015 dans le Gers. "On voulait favoriser le sport pour tous dans un environnement rural", explique Lydie Toison, vice-présidente du Conseil départemental en charge du sport. "Aujourd'hui, 8 000 foyers en profitent mais nous n'avons pas eu d'augmentation exponentielle en septembre. Nous avons surtout lancé un plan Marshall du sport de l'ordre de 300 000 euros pour aider le tissu associatif." Ce qui n'a pas empêché une perte de 30 % de licenciés sur le département.

Du côté du mouvement sportif aussi, plusieurs opérations ont vu le jour depuis le printemps pour soutenir les structures. Qu'il s'agisse d'une campagne de dons ("Soutiens ton club" créé par la Fondation du sport français), le déploiement d'une carte passerelle offrant la possibilité aux scolaires de tester des sports via la plateforme "Mon club près de chez moi" ou un fonds d'aide aux fédérations les plus en difficulté, les initiatives se sont multipliées. Reste à organiser ces dispositifs de soutien et ne pas créer de dépendance vis-à-vis de l'État, comme avertit Emmanuelle Bonnet Ouladj, co-présidente de la Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT) : "Les associations, sportives ou non, ont été créées pour pallier à une défaillance des pouvoirs publics. C'est pour ça que nous sommes assez critiques sur le financement du sport ou du milieu associatif qui ne devient qu'un financement par appels à projets. Plus les associations vont y répondre, plus elles vont être orientées par les directives du gouvernement. Et donc elles risquent de perdre leur nature même."

• Communiquer pour faire revenir les pratiquant(e)s au sein des clubs

C'est l'autre bataille - peut-être la plus importante - à mener de front dans la relance du sport amateur. "La communication est un levier indispensable pour que les membres restent dans les associations", expliquait mi-décembre le président du CNOSF Denis Masseglia. "On doit les rassurer, leur proposer une offre attractive, les ré-inciter à faire partie d'un projet social tout en respectant les normes sanitaires." Une volonté illustrée par la campagne "J'ai l'esprit club" lancée en septembre dernier. Certains comme le maire de Chambly David Lazarus veulent aller plus loin en demandant le soutien des pouvoirs publics et la mise en place d'une campagne nationale pour la défense du sport, avec un travail renforcé dans les écoles "qui abritent les bénévoles de demain"

Pour les structures sportives, la problématique de la communication a été omniprésente depuis mars. Un avis partagé par Nizar Melki, cofondateur de SportEasy, outil en ligne visant à faciliter la gestion administrative et l'organisation au quotidien des clubs (convocations, notes et statistiques, messagerie, photos et vidéos...). "On a eu beaucoup de retours sur la complexité à maintenir le lien avec les licenciés, à les informer au mieux avec des mesures gouvernementales qui ont beaucoup changé. Un jour, les jeunes ont le droit de s'entraîner mais pas les adultes, un autre c'est le outdoor mais pas le indoor... C'était parfois la cacophonie."

"Paris 2024, c'est demain et pourtant le sport est toujours sous le tapis"

Enfin, la tenue des Jeux Olympiques à Paris dans trois ans est un autre terreau fertile en terme de communication. Le label "Terre de Jeux" à destination des collectivités territoriales est un bon exemple de support devant permettre une émulation du tissu associatif sportif. Reste que pour l'instant, on peine à faire démarrer le moteur. "Paris 2024 c'est demain et pourtant le sport est toujours sous le tapis", regrette Aurélie Bresson, fondatrice du magazine Les Sportives et présidente de la Fondation Alice Milliat promouvant la médiatisation du sport au féminin. "Les pouvoirs publics ne prennent pas la balle au bond, avec le sport comme enjeu de santé notamment. Ils devraient faire passer un message, nous dire "prenez l'air, allez marcher", juste ça. Je m'attendais à plus de communication surtout pendant le deuxième confinement."

• Retrouver la compétition et organiser de nouveau des événements

Quand les clubs pourront-ils enfin reprendre un fonctionnement "normal" ? Si la question n'a pour l'heure pas de réponse, l'attente est extrêmement forte. Au cœur des projets sportifs, les compétitions sont toujours bloquées par la pandémie de Covid-19 et l'inquiétude sur l'après ne fait que se renforcer. Daniel Planche, membre du bureau de la ligue de Bourgogne de natation, confiait ses craintes à nos confrères de France 3 début décembre : "Les jeunes font du sport souvent pour la compétition, or il n'y en a plus. Il y a un grand risque de démotivation et d'abandon. Et s'il y a un troisième confinement, ça va être la catastrophe totale".

Les économies des associations ont elles aussi été soumises à rude épreuve. Pour ne pas être dépendantes uniquement des subventions publiques - dont la tendance est à la baisse depuis plusieurs années - elles comptent traditionnellement sur l'organisation d'événements pour booster leurs recettes. Là encore, chou blanc ou presque cette année. "On avait au moins quatre grosses dates prévues au calendrier en 2020 comme des lotos ou des repas dansants, cela représente plusieurs milliers d'euros en moins", témoigne Thibault Philippi, président du club de foot de l'Excelsior Cuvry (Moselle). Cette mise à l'arrêt offre tout de même un (maigre) lot de consolation : moins de déplacements pour des matchs, plus d'arbitres à payer ni de cartons ou d'amendes, faisant diminuer les dépenses et maintenir un semblant d'équilibre. C'est pourtant loin d'être le cas pour toutes les structures : d'après une enquête réalisée fin novembre par le Conseil social du mouvement sportif (Cosmos) auprès de clubs amateurs ayant au moins un employé, environ un quart d'entre elles disposent d’une réserve de trésorerie inférieure ou égale à trois mois.

Patrick Jeantet, le président SNCF Réseau à l'Hôtel de Matignon à Paris, le 26 février 2018. (ERIC FEFERBERG / AFP)

• Rassurer les sponsors

Difficile pour les clubs de présenter de nouveaux dossiers de sponsoring à des entreprises en pleine crise sanitaire... En 2020, l'heure a surtout été au maintien des partenaires déjà existants. L'objectif ? Éviter une désaffection massive qui plongerait les associations sportives dans une situation encore plus compliquée. Dans les faits, la solidarité semble avoir opéré en dépit des grosses difficultés traversées notamment par les commerces locaux, principaux sponsors de la plupart des structures. 

Sans compétition, impossible pour les partenaires d'avoir une visibilité. Certains se sont appuyés sur des outils en ligne pour continuer à exister, ce dont témoigne Nizar Melki, cofondateur de SportEasy : "La mise en relation entre les marques et les clubs a évolué, on a favorisé leur mise en avant sur notre application (près d'un million d'utilisateurs en France, NDLR). C'est du sponsoring numérique, on sort du bord terrain". "Nous avons créé une newsletter en direction de nos licenciés pour qu'ils continuent à avoir une visibilité sur ceux qui sont derrière nous, c'est hyper important", confirme Gwénola Pignol, dirigeante au Rugby Club Les Angles Gard Rhodanien (RCAGR). Une solution de secours qui pourrait prendre de l'ampleur dans un futur proche. Dans leur plan de relance en faveur du sport, certains pays comme l'Espagne ont annoncé avoir débloqué 50 millions d'euros pour préparer l'avenir des clubs autour du pilier de la digitalisation.

• Revitaliser le bénévolat

Sans eux, nul doute que les clubs sportifs auraient mis la clé sous la porte depuis longtemps. Pourtant, les bénévoles ont eux aussi subi de plein fouet cette année cauchemar et ont dû revoir leurs engagements à la baisse. Alors qu'il était en augmentation de 5% par an sur la période 2011-2017, le travail gratuit et volontaire pourrait connaître le contrecoup de l'après-Covid. "On est toujours plus enclin à donner de son temps quand il s'agit de faire avancer un projet dans la durée", résume Thibault Philippi, président du club de l'Excelsior Cuvry qui compte une équipe d'environ 30 bénévoles. "C’est en ça que les derniers mois peuvent avoir un impact très négatif : la possibilité que tout s’arrête du jour en lendemain, les incertitudes sur le déroulement de la saison et le manque de perspectives créent de la frustration, de la lassitude, du désengagement et du manque de sens."

L'autre problématique concerne l'âge moyen des bénévoles. Selon des données de l'INJEP (Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire), le groupe d'âge le plus actif est celui des 65-74 ans. De quoi nourrir une inquiétude pour le futur des associations si ces aînés venaient à se retirer, d'autant plus avec un contexte sanitaire défavorable. "Il n'y a pas que l'épidémie, il y a également plein de tâches chronophages et pénibles qui peuvent être au cœur du désengagement", tempère Nizar Melki de SportEasy. "Quand vous n'êtes utile que pour récupérer les chèques en début d'année, faire remplir des papiers, appeler les parents quand un match est annulé... Tout cela, il est possible de le simplifier via des outils numériques. On peut dégager du temps pour se concentrer à fond sur sa passion et moins à résoudre des problèmes." Et peut-être attirer davantage de jeunes désireux de s'engager dans une expérience de bénévolat.

Capture d'écran de la télévision chinoise montrant la station spatiale Tiangong-1.  (STRINGER / IMAGINECHINA / AFP)

La co-présidente de la FSGT Emmanuelle Bonnet-Ouladj avertit enfin sur l'opposition entre professionnels et bénévoles au sein des structures associatives. "Neuf clubs sur dix sont animés uniquement par ces gens qui œuvrent gratuitement. Il est faux de dire qu'il n'y a plus de bénévoles dans le sport. Mais il faut les défendre car ils représentent cette image du sport pour tous. Je ne suis absolument pas contre un encadrement professionnel et rémunéré mais quand on regarde qui anime les associations, ce sont majoritairement les retraités, ils entament une deuxième vie et c'est super qu'ils s'engagent. Si demain ce sont des pros qui viennent à leur place, on ne répond plus à cet enjeu social."

• Sport santé, appropriation de l’espace public… Des pistes pour relever la tête

Les périodes de confinement traversées en 2020 ont rendu compliqué le maintien d'un exercice physique suffisant. D'après de premières études, la sédentarité a progressé. Mais paradoxalement, celle-ci pourrait aider le sport amateur à se réinventer et à redresser la pente. Car la crise sanitaire a mis en lumière l'importance de rester actif. Jouant le rôle de régulateur, l'activité sportive agit directement sur le système immunitaire, permet de rester en forme et donc de combattre le virus.

Marotte depuis de nombreuses années, le sport santé revient en force et plusieurs fédérations s'activent pour lancer leur programme. Des start-ups comme Goove entendent aussi jouer leur rôle. Labellisée par le ministère des Sports au printemps dernier, elle propose de mettre en relation des personnes sédentaires, senior ou atteintes d’une pathologie avec des professionnels de santé. Une sorte de Doctolib indiquant les activités physiques adaptées proches de chez vous.

La FSGT s'est interrogée sur une question différente, à savoir comment s'approprier l'espace public dans des grandes métropoles qui disposent de peu d'équipements sportifs. "La crise environnementale nous fait dire qu'il y a un enjeu citoyen et durable pour le sport de se réapproprier les espaces de plein air", explique Emmanuelle Bonnet-Ouladj. Par exemple, des murs et des bouts de blocs d'escalade pourraient ainsi être aménagés avec le soutien des pouvoirs publics. Un moyen d'amener le sport directement dans la rue et d'offrir un nouvel élan aux clubs et associations.

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