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Les métiers de l'ombre du sport : Les arbitres confinés, prêts à dégainer le sifflet

Dans l’ombre des athlètes, divers corps de métier œuvrent au quotidien pour faire rayonner le sport. Parmi eux, les arbitres. Privés de terrain depuis plusieurs semaines en raison de la pandémie de Covid-19, leurs sifflets sonnent creux en ce moment. Confinés comme les sportifs, les arbitres se tiennent prêts physiquement, au cas où les compétitions reprendraient, et travaillent certains aspects de leur métier, pour ne pas perdre la main. Deux d’entre eux détaillent leur quotidien pour France tv sport.
Article rédigé par Denis Ménétrier
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6min
  (VALERY HACHE / AFP)

Habitués à prendre des décisions cruciales et à mettre un terme aux rencontres de sport, les arbitres n’ont pas eu leur mot à dire sur la suspension des compétitions suite à la pandémie du Covid-19 en France. Depuis le début du confinement le 17 mars dernier, les arbitres, acteurs du monde du sport généralement relégués au second plan sauf lorsque des décisions controversées créent la polémique, rongent leur frein chez eux, la tenue de match et le sifflet rangés au fond du placard. Mais à y regarder de plus près, leur confinement ressemble étrangement à ceux qui prennent habituellement la lumière dans le sport de haut niveau.

"En temps normal, on est souvent dans des hôtels et sur les terrains, on passe entre 100 et 150 nuits par an à l’extérieur de notre domicile", explique François Letexier, arbitre international de football dont le dernier match remonte au 6 mars, un nul entre Marseille et Amiens (2-2) lors de la 28e journée de Ligue 1. "Le fait d’être à la maison permet de se reposer et de se ressourcer." Comme pour les joueurs, le confinement est synonyme de repos forcé pour les arbitres, qui enchaînent d'ordinaire plusieurs déplacements en semaine, pour un match ou pour assister à des réunions. "On se sent mieux physiquement, on a rechargé les batteries", confirme Romain Poite, arbitre international de rugby, qui a officié pour la dernière fois lors d’un match comptant pour la 17e journée de Top 14 entre Brive et Lyon (30-16), le 29 février dernier.

Pour que leurs sifflets ne sonnent pas faux lors de la reprise, le maintien en forme physique est primordial. Fin mars, Pascal Garibian, directeur technique de l’arbitrage de football, déclarait à l’AFP : "La compétition (lors de la reprise, ndlr) va se jouer à un rythme effréné. Les arbitres devront être prêts". Et pour mieux appréhender cette reprise qui devrait voir les matches s’enchaîner tous les trois jours, les arbitres peuvent compter sur des programmes bien précis. Comme les sportifs. "On reçoit des séances hebdomadaires, on ne change pas le mode de fonctionnement", détaille Romain Poite, qui soulève une légère différence : "On garde un rythme d’entraînement important, mais avec un tout petit peu moins d’intensité, à 75-80%". L’ensemble de ses performances sont ensuite analysées par des préparateurs physiques.

Des entraînements en autonomie mieux maîtrisés

Du côté des arbitres de football, même programme hebdomadaire, dont les résultats sont envoyés au préparateur physique de la Direction technique de l’arbitrage (DTA), Jean-Michel Prat. Pour François Letexier, contrairement aux sportifs, les arbitres ont "la chance de connaître l’entraînement en autonomie. On est habitué, c’est quelque chose que l’on maîtrise." À l’issue du confinement, l’objectif pour les arbitres est donc d’être prêt physiquement pour la reprise des compétitions, dont on ne connaît pas la date exacte. Et ce, même s’il faudra attendre le temps de la réathlétisation – qui pourrait durer jusqu’à quatre semaines - des sportifs.

L’autre aspect du métier, plus technique, est en revanche plus difficile à entretenir. Et de ce point de vue-là, à chaque arbitre son approche et ses méthodes. François Letexier, lui, travaille sur des bouts de matches envoyées par la DTA : "On prend la place de l’arbitre en regardant l'action, pour avoir une analyse technique." S’il considère que la suspension des compétitions doit permettre de "prendre du recul" sur son métier, l’arbitre de Ligue 1 souligne que l’objectif est de ne pas perdre la main pendant le confinement.

Aborder la reprise "plus libéré"

Pour faire face à cette éventualité, Romain Poite va plus loin et pratique l’imagerie mentale : "Ça permet de se replacer dans des situations qui ont posé problème et de réfléchir sur des solutions en prenant du temps. Parce que dans la pratique, tout est spontané et on n’a pas le temps de trouver ces solutions." En tentant de revivre certaines décisions controversées dans un contexte plus apaisé, l’arbitre du Top 14 s’ouvre "de nouvelles options de décision, mais qui ne sont pas fixées. Ce sont des possibilités, qui peuvent toujours être remises en question par la réalité du moment". Un brin philosophe sur ces situations qui renvoient à l’aspect technique de son métier, Romain Poite considère que l’imagerie mentale lui permet de se mettre "en confiance pour aborder un nouveau problème" et d’aborder la reprise "plus libéré". Et en période de confinement, l’arbitre du Top 14 peut d’autant plus travailler cette technique de projection mentale.

Si les méthodes diffèrent, l’objectif reste le même pour les deux hommes au sifflet : être prêt physiquement lorsque la compétition reprendra, "parce qu’il faudra être performant et qu’il n’y aura aucune forme de tolérance", souligne François Letexier. L’autre point de convergence entre les deux arbitres est le fait que le terrain et la prise de décision dans des conditions de fatigue intense leur manquent. Encore quelques semaines les séparent d’un retour aux affaires qui compenserait la frustration accumulée. Avec, cette fois, la satisfaction de maîtriser avec le sifflet la reprise officielle des compétitions.

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