Les promesses non tenues de la génération 1987
Karim Benzema, Jérémy Ménez, Hatem Ben Arfa et Samir Nasri ont-ils été surcotés ? La question mérite d'être posée alors que les quatre vedettes abordent leur deuxième partie de carrière. Leur talent individuel n'est pas en cause mais plutôt leur capacité à se transcender, à vouloir devenir d'immenses joueurs.
Benzema: peut mieux faire
Karim Benzema (26 ans le 28 mars), ne compte que 15 buts en 55 sélections depuis sa première, le 28 mars 2007 au Stade de France face à l'Autriche (1-0). Surtout, l'attaquant du Real Madrid n'a marqué aucun but sous le maillot bleu cette saison. Il reste loin des statistiques affichées par les meilleurs buteurs de l'histoire de l'équipe de France (Henry 51 buts en 123 sélection, Trézeguet 34/71, Papin 30/54, Fontaine 30/21 sans parler de Platini 41/72 qui jouait numéro 10). Après deux saisons très efficaces avec l'Olympique Lyonnais (respectivement 20 et 17 buts en 36 matches de Ligue 1 lors des saisons 2007-08 et 2008-09), Benzema a vécu une première saison difficile au Real (8 buts en 27 matches). L'apprentissage terminé, le natif de Lyon est progressivement monté en puissance (15 buts en 34 matches de Liga puis 21 buts en 34 matches la saison passée).
Cette saison en revanche, le buteur des Bleus rencontre des difficultés à s'imposer à la pointe de l'attaque madrilène: il n'a marqué que 8 fois en 22 matches de championnat même s'il compte également 3 réalisations en 6 rencontres de Ligue des champions, ce qui est correct mais moins bon qu'avant (6 buts en 8 matches en 2010-11 et 7 buts en 11 matches en 2011-12). Le talent du joueur n'est pas en cause (Laurent Blanc et Didier Deschamps lui ont toujours manifesté leur confiance contrairement à Raymond Domenech, rapidement déçu) mais Benzema peut évidemment faire plus et mieux malgré la concurrence d'Higuain. Il se défend en disant que marquer n'est pas tout, mais un vrai goleador ne peut raisonner comme ça. Benzema, qui n'a plus inscrit de but en équipe de France depuis le 5 juin 2012 et un amical contre l'Estonie (4-0), a déclaré mardi qu'il "ne pouvait pas tout faire tout seul".
"Sur le terrain, j'essaye, mais je ne peux pas tout faire tout seul", a-t-il expliqué avant les deux rencontres des Bleus contre la Géorgie (vendredi) et l'Espagne (le 26 mars) en qualifications du Mondial 2014. "Je ne peux pas prendre la balle et dribbler huit joueurs. On parle de mon nombre de buts car cela fait un moment que je n'ai pas marqué avec les Bleus. J'ai fait des passes décisives mais j'ai l'impression que ça, ça ne sert à rien."
Ménez, trop irrégulier
Arrivé en équipe de France pour le premier match de l'ère Laurent Blanc, Jérémy Ménez compte aujourd'hui 2 buts en 22 sélections. Un maigre total pour un joueur à vocation offensive pétri de talent mais trop souvent spectaculaire par intermittence. Le Parisien n'a pas démérité sans toutefois confirmer tous les espoirs placés en lui lors de ses premières apparitions en Ligue 1 avec Sochaux. Après une véritable éclosion à Monaco (7 buts en 2006-07 comme l'année suivante), le natif de Longjumeau (Essonne) a tenté l'aventure italienne avec un succès mitigé.
Couvé par Francesco Totti, qui a très tôt décelé les énormes aptitudes de cet électron libre, Ménez va s'épanouir à la Roma en disputant de nombreux matches comme titulaire sans pouvoir cependant démontrer de réelles qualités de finisseur (seulement 12 buts en 103 parties disputées avec les Giallorossi). Son retour en France au sein d'un PSG ambitieux laissait penser qu'il allait enfin devenir incontournable mais son irrégularité a desservi les ambitions du jeune homme (25 ans). Malgré une première saison prometteuse en 2011-12 (7 buts en 33 matches de Ligue 1, plus 2 en 5 matches d'Europa Ligue et 2 en sélection), le Francilien a perdu sa place dans le 11 de Carlo Ancelotti à l'automne et il ne score plus beaucoup (2 buts en 24 matches de L1, 2 en 6 matches de C1).
Sa qualité de passeur n'est pas remise en cause: Ménez en a adressé 7 cette saison. Le problème est qu'on a l'impression qu'il apporte davantage en rentrant en cours de partie qu'en étant aligné d'entrée. A un peu plus d'un an du Mondial brésilien, le joueur doit décider s'il veut se relancer dans un autre club ou tenter de regagner sa place au sein du PSG qui attire de plus en plus de stars. De la réponse à cette question dépend l'avenir à moyen terme d'un garçon souvent desservi par ses rapports délicats avec la presse.
Ben Arfa, talent gâché
A 26 ans tout juste, le Francilien est à un tournant de sa carrière. Longtemps considéré comme le plus grand talent français chez les jeunes, Hatem Ben Arfa a rarement fait taire ses nombreux détracteurs qui ne voient en lui qu'un soliste incapable de se fondre dans un collectif. Pourtant, le feu-follet natif de Clamart dispose de qualités exceptionnelles dignes des plus grands: accélération, vitesse d'exécution, technique en mouvement extraordinaire, frappe précise et puissante, conduite de balle fantastique…etc
Mais de Lyon à Newcastle, en passant par l'OM, Ben Arfa s'est souvent égaré en chemin, marquant peu de buts (pas plus de 6 par saison en championnat, avec l'OL en 2007-08 et avec Marseille en 2008-09) et laissant transparaître son génie épisodiquement. En 13 sélections depuis le 13 octobre 2007 aux Iles Féroé, le "Magpye" a inscrit deux buts. "Je veux devenir le meilleur joueur du monde", avait dit Ben Arfa il y a quelques mois. Un temps comparé à Maradona pour ses facultés à éliminer l'adversaire par des dribbles insaisissables, l'ancien écorché vif de l'OM de Deschamps sait que son ancien entraîneur n'est pas rancunier: "DD", qui s'était accroché avec lui au début de la saison 2009-10, n'avait pas hésité à le réintégrer –avec bonheur- dans l'équipe qui décrochera le 9e titre des Phocéens.
Son transfert dans le Nord de l'Angleterre à l'été suivant n'a pas eu la réussite escomptée même si Ben Arfa a des circonstances atténuantes. Sa grave blessure à un genou à la suite d'un tacle scandaleux du "poète" batave Nigel De Jong le 3 octobre 2010 lors de Newcastle-Manchester City a fait perdre au joueur pas mal de temps. Mais force est de constater que son apport dans le jeu de sa formation reste trop limité par rapport à son potentiel. De nouveau blessé à la cuisse cette saison (il n'a joué que 13 matches), Ben Arfa est au point mort. Il n'a plus de temps à perdre s'il veut marquer de son empreinte l'histoire du football.
Nasri, l'incompris
Victime d'un Euro 2012 raté tant sur la pelouse qu'en dehors (avec notamment son insulte à la presse sur le terrain et l'altercation avec un journaliste qui a suivi en zone mixte), Samir Nasri avait été suspendu trois matches ferme par la commission de discipline de la FFF à cause de son comportement. Cela a probablement pesé sur la saison du Mancunien qui n'a jamais vraiment recouvré son niveau de 2011-12, l'année du premier sacre de Manchester City depuis 1968, auquel il avait pris part de façon prépondérante en distillant quelques passes décisives et en inscrivant 5 buts importants. Sa meilleure saison en Premier League depuis 2010-11 avec Arsenal (10 réalisations en 30 matches).
Après son départ de l'OM chez les Gunners à l'été 2008, le prodige marseillais a tout de même effectué quelques belles performances sous le maillot rouge et blanc sans toutefois remporter de titres. Ayant compris qu'il fallait quitter l'équipe d'Arsène Wenger pour se forger un palmarès, Nasri a donc régalé les fans des Citizens avant de décliner cette année. Il ne compte qu'un petit but à son actif en 20 matches (+ un autre en C1) et semble errer comme une âme en peine au sein d'un effectif de stars. Il débute le plus souvent sur le banc des remplaçants et Roberto Mancini ne le relance que ponctuellement. Auteur de 4 buts en 35 sélections, le meneur de jeu n'a jamais réussi à s'imposer en équipe de France de façon durable.
Peut-être attendait-on trop de ce petit gabarit aux dispositions techniques évidentes ? Toujours est-il qu'il va lui falloir reconquérir tout le monde, des supporters à ses coéquipiers en passant par le staff tricolore. S'il fait amende honorable et qu'il retrouve son meilleur niveau, Nasri sera du Mondial 2014 (à condition bien sûr que les Bleus se qualifient). Sinon, il laissera l'image d'un joueur ultra doué qui n'a pas su magnifier son talent (fiasco à l'Euro 2008 même s'il a très peu joué, grosse déception à l'Euro 2012). A 25 ans, il n'est pas trop tard, comme pour les trois autres talents de sa classe.
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