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Luttes d'influence, négociations, trahison... Pour tout comprendre de la guerre ouverte autour de la Super Ligue

Alors qu’elle s’apprêtait à officialiser la réforme de la Ligue des champions lundi 19 avril, l’UEFA a vu certains des plus grands clubs européens annoncer la création d’une Super Ligue.
Article rédigé par Denis Ménétrier
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 8min
Mohamed Salah pourrait jouer la Super Ligue avec Liverpool (PAUL ELLIS / AFP)

L'annonce de la création d'une Super Ligue, survenue dans la nuit du dimanche 18 au lundi 19 avril, a créé un séisme dans le monde du football européen et mondial. En mettant sur pied une compétition fermée, douze des clubs les plus riches du continent ont voulu couper l'herbe sous le pied de l'UEFA, qui allait annoncer ce lundi 19 avril la nouvelle formule de la Ligue des champions. C'est une guerre ouverte qui est déclarée. 

Les dirigeants de l’UEFA passaient un dimanche 18 avril paisible à la veille d’une réunion décisive lundi. Après plusieurs mois de discussion, l’instance qui dirige le football européen devait officialiser la réforme de la Ligue des champions. La "plus belle des compétitions européennes", créée en 1955, et qui est celle qui rapporte le plus d’argent chaque année à l’UEFA, devait faire peau neuve avec une nouvelle formule plus à même de satisfaire les grands clubs du continent.

Il n’en a rien été. Douze clubs (AC Milan, Arsenal, Atlético de Madrid, Chelsea, FC Barcelone, Inter Milan, Juventus, Liverpool, Manchester City, Manchester United, Real Madrid, Tottenham) parmi les plus importants d’Europe, ont donc décidé de faire sécession en annonçant ce dimanche soir la création d’une Super Ligue européenne. Un timing loin d’être anodin et qui en dit long sur la signification de cette décision. Visiblement agacées par le manque de coopération de l’UEFA et la baisse des audiences de la C1, ces équipes abandonneront cette dernière pour disputer la Super Ligue dont "la saison inaugurale débutera aussitôt que possible" comme on peut le lire dans un communiqué officiel du Real Madrid.

Une cagnotte de 3,5 milliards d'euros

C'est d'ailleurs le président de la Maison Blanche, Florentino Perez, qui sera le grand patron de cette fameuse Super Ligue, secondé par ses homologues de la Juventus Turin et de Manchester United, à savoir Andrea Agnelli et Joel Glazer. "En contrepartie de leur engagement, les clubs fondateurs recevront un versement en une fois de l'ordre de 3,5 milliards d'euros destinés uniquement à des investissements en infrastructures et compenser l'impact de la crise de la Covid-19", poursuit le communiqué, qui ajoute : "Il est prévu que trois autres clubs se joindront avant la saison inaugurale."

Selon ses promoteurs, la "Super League" fonctionnera sous la forme d'une saison régulière opposant 20 clubs, quinze d'entre eux ("les clubs fondateurs") étant qualifiés d'office chaque année, et les cinq autres bénéficiant d'invitations "à travers un système basé sur leur performance de la saison précédente". Au terme de cette première phase débutant au mois d'août, des play-offs de fin de saison seront organisés jusqu'en mai pour décerner le trophée.

Cette nouvelle compétition doit offrir à ces clubs des revenus financiers beaucoup plus importants et plus stables, car elle leur assurera une présence en Coupe d’Europe chaque saison. Un projet de ligue fermée, donc, auquel l’UEFA s’était toujours refusée à souscrire. Aleksander Ceferin s’est ainsi constamment positionné contre cette idée de Super Ligue, la qualifiant par le passé "d’égoïste" et "d’insensée". Manifestement, le président de l’UEFA s’est fourvoyé sur les intentions et le volontarisme de ces grands clubs européens, menés par Florentino Pérez, le patron du Real Madrid, acquis à la cause de la Super Ligue depuis plusieurs années maintenant. À tel point que l’instance du football européen se retrouve poignardée dans le dos, à quelques heures seulement de la réunion décisive de lundi.

Quand Agnelli retourne sa veste

On l’ignore mais la salle de crise de l’UEFA a dû bouillir d'un coup à la mi-journée. Parmi les douze clubs qui ont donné leur accord pour la création d’une Super Ligue, la Juventus de Turin, dirigée par Andrea Agnelli. Ce dernier, également président de l’Association européenne des clubs (ECA) et membre du comité exécutif de l'UEFA, s’était pourtant positionné contre l’idée d’une nouvelle compétition, évoquant une "rumeur" dans les colonnes du Times en janvier dernier. 

Parrain de la fille d’Agnelli, Ceferin allait plus loin en février 2019 : "Tant qu’Andrea Agnelli et moi serons à la tête de nos organisations respectives, il n’y aura pas de Super Ligue. Ce n’est pas une promesse, c’est un fait." Anciennement proches, Agnelli et Ceferin sont en conflit depuis plusieurs mois maintenant. Ces derniers aboutissent finalement à cette trahison qui pourrait peser lourdement sur l’UEFA. Adrea Agneli a, dans la foulée de la création de la Super Ligue, démissionné de son poste au sein de l'ECA.

La Ligue des champions est la compétition qui, de fait, rapporte le plus financièrement à l’instance dirigée par Ceferin. Et avec l’arrivée de la Super Ligue, "la C1 pourrait devenir une sorte de Ligue Europa renforcée", nous expliquait il y a quelques mois Raffaele Poli, responsable de l’Observatoire du football du Centre international d’étude du sport (CIES). Si la Super Ligue voit vraiment le jour en 2022, l’appauvrissement de l’UEFA est à prévoir, tout comme celui des petites fédérations nationales, qui dépendent grandement des subventions de l’instance.

L'UEFA déjà prête à contre-attaquer

En l’absence des douze clubs fondateurs de la Super Ligue – et de huit autres qui rejoindront le projet pour disputer cette compétition à 20 équipes –, la compétitivité de la Ligue des champions va inévitablement plonger. L’UEFA peut donc d’ores et déjà s’inquiéter de voir les détenteurs des droits télévisés de la C1 demander des renégociations des contrats de diffusion à la baisse.

Prise au dépourvu, l’UEFA n’est pas en reste. L’organisation a publié, avant même l'officialisation par les douze clubs, un communiqué dimanche en fin d'après-midi. "Les clubs concernés se verront interdire la participation dans toute autre compétition au niveau national, européen ou mondial, et leurs joueurs pourraient se voir refuser la possibilité de représenter leurs équipes nationales", a indiqué l’UEFA dans son communiqué avant de préciser être prête à "considérer toutes les mesures judiciaires et sportives qui se présentent à nous pour empêcher" la création de la Super Ligue.

Il y a quelques mois déjà, la FIFA avait annoncé que les joueurs des clubs évoluant dans la Super Ligue pourraient être interdits de participer à la Coupe du monde. L'UEFA pourrait en faire de même pour tous les clubs concernés par la Ligue des champions dès la saison prochaine. "Le football est basé sur des compétitions ouvertes et le mérite sportif, il ne peut en être autrement", ajoute l’UEFA qui, au passage, "remercie les clubs dans les autres pays, surtout les équipes françaises et allemandes, qui ont refusé de rejoindre le projet". Après le coup de poignard dans le dos, l’UEFA semble prête à rétorquer.

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