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Manne financière, communauté de fans élargie, attrait des sponsors... Les NFT, nouvel Eldorado dans le monde du sport ?

La Fédération française de tennis lance sa première collection de NFT, mardi. Une opération qui devient monnaie courante pour les acteurs du sport. 

Article rédigé par Apolline Merle, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 10min
A l'image des œuvres d'art, les NFT se sont imposés comme de véritables investissements. (HENRI LAURIANO / FRANCEINFO : SPORT)

Ils ne sont pas les premiers mais loin d'être les derniers. La Fédération française de tennis (FFT) lance, mardi 17 mai, sa première collection de NFT en pré-vente pour ses licenciés, avant une vente publique jeudi. Les NFT, acronyme de l'anglais "non-fungible token", ce qui signifie en français "jeton non fongible", sont le nouveau business qui affole le milieu du sport. 

En clair, les NFT sont des objets numériques qui peuvent prendre plusieurs formes comme une image, une carte ou une vidéo. Chaque NFT édité est unique. Afin de garantir leur authenticité, ces NFT possèdent des titres de propriété infalsifiables, basés sur la technologie des blockchains (celle qui identifie les transactions d'échanges des cryptomonnaies). La plupart du temps, les NFT sont vendus sur des plateformes dédiées et l'achat s'effectue en bitcoin ou ethers, deux des cryptomonnaies concurrentes. Comme pour des œuvres d'art soumises à des cotes, les NFT peuvent se revendre et prendre en valeur.

Le luxe et le sport parmi les leaders

Les NFT se sont imposés comme de véritables investissements, bien au-delà du sport. Le principal site de transactions en NFT, OpenSea, est passé de quelques dizaines de millions de dollars de ventes NFT en début d’année 2021 à plus de 10 milliards de dollars au mois de novembre de la même année, un record. 

"En-dehors de la finance et du secteur de la 'tech', le luxe et le sport sont les secteurs qui investissent le plus dans les NFT."

Julien Pillot, économiste, enseignant à l'Inseec et spécialiste des marchés technologiques

à franceinfo: sport

Pourquoi ? "Tout simplement parce qu'ils ont les domaines applicatifs les plus évidents", rétorque Julien Pillot, économiste, enseignant à l'Inseec et spécialiste des marchés technologiques. Comme tout investissement, les NFT ne sont pas sans risque et dépendent de la spéculation. En effet, quand on achète un NFT, personne ne peut dire comment sa valeur va évoluer. De la même manière, les cryptomonnaies, qui permettent les échanges, dépendent d'un cours volatil. 

Un projet qui intéresse de plus en plus

Cet argument n'a pourtant pas découragé le milieu sportif. Depuis les années 2018-2019, de plus en plus d'acteurs du monde du sport, clubs, fédérations sportives ou athlètes, investissent sur ces actifs numériques. Pour l'heure, seuls les sports très médiatisés ont tenté leur chance tels que le football, le rugby, le basket, le tennis ou encore le cyclisme. 

En 2021, la NBA a ainsi lancé sa collection de NFT sous forme d'extraits vidéo de quelques secondes montrant une action de jeu qui a marqué l'histoire de la ligue américaine. La start-up française Sorare a elle connu un vif succès avec ses cartes NFT à collectionner de quelque 6 000 footballeurs, que l'on surnomme aussi les cartes Panini virtualisées. Cette entreprise était valorisée à près de 4 milliards d’euros à l’automne 2021.

La Fédération française de tennis (FFT) lance, mardi 17 mai, sa collection de 5000 NFT qui représentent des sièges du court Philippe-Chatrier.  (Fédération française de tennis)

La FFT lance elle, mardi 17 mai, sa collection de 5000 NFT. Chacun d'entre eux représentera un siège numéroté du court Philippe-Chatrier, avec un design unique pour chacun. Spécificité de ce projet : l'achat des NFT se fera, non pas en cryptomonnaies, mais en euros par carte bancaire sur un site dédié de Roland-Garros. "Nous sommes volontairement prudents sur ce projet, nous ne voulons pas précipiter les choses et prendre des risques dans des mécaniques que nous ne connaissons pas encore bien", précise Amélie Oudéa-Castera, directrice générale de la FFT. 

Les NFT, un business florissant

A la différence des produits dérivés qui ne sont vendus qu'une fois par les marques, les NFT peuvent être eux revendus à l'infini. Et tout l'intérêt est qu'à chaque revente du NFT, le créateur peut percevoir un pourcentage. "Un NFT est un programme informatique, qui vaut un contrat. Le créateur du NFT peut émettre la règle qu'à chaque revente, le club et/ou le joueur dont l'image a été utilisée, récupère un pourcentage de la somme engagée", explique l'économiste Julien Pillot. 

"A chaque projet, ses objectifs stratégiques. Les NFT et la blockchain ne sont qu'une technologie. En fonction de qui vous êtes et de quels sont vos buts, vous allez les employer de façon différente."

Julien Pillot, économiste et enseignant à l'Inseec et spécialiste des marchés technologiques

à franceinfo: sport

En effet, quand la NBA émet les meilleurs moments de l'histoire de la ligue en vidéo sous forme de NFT, son objectif est à la fois de trouver un relais de communication supplémentaire pour faire parler de la NBA, mais aussi de trouver des compléments de revenus assez conséquents.

Créer de nouvelles communautés

Si les NFT sont un moyen de faire émerger de nouvelles sources de revenus pour les clubs et fédérations, ils ont toutefois d'autres atouts. "Les NFT permettent aussi de créer de l'engagement des fans autour des marques, notamment auprès de ceux qui sont éloignés, qui n'ont pas l'habitude d'aller au stade et qui consomment le sport différemment, et cela est un vrai enjeu aujourd'hui pour les clubs et les marques des compétitions", développe Magali Tézenas du Montcel, spécialiste de l'économie du sport, et déléguée générale de Sporsora (organisation référente pour penser et influencer le développement de l'économie du sport). 

Pour cela, l'achat de NFT comprend, dans la plupart des cas, des avantages exclusifs pour le détenteur. Un moyen de créer un lien digital avec les fans, et de les intégrer, plus ou moins, à la vie du club ou d'une compétition. C'est tout l'enjeu du projet de NFT lancé le 25 mai (en pré-vente, le 26 pour la vente publique) par le Club sportif Sedan Ardennes, club de football évoluant en National 1. 

"Notre objectif est de créer une crypto-communauté, témoigne Marc Dubois, le président du club. On privilégie les approches numériques car on est sur un territoire avec une population limitée, et cette opération s'inscrit clairement dans une démarche de valorisation et de promotion du club, pour son développement." L'achat d'une des 11 011 cartes NFT uniques à partir de 0,05 ethers (soit 133, 99 euros) à l'effigie de la mascotte du club, le sanglier des Ardennes, permettra aux acquéreurs de bénéficier de cadeaux, de participer à des jeux concours ou encore de participer à des événements physiques et virtuels du club. 

La collection de NFT lancée par le Club sportif Sedan Ardennes est composée de 11 011 cartes, à l'effigie du sanglier des Ardennes, mascotte du club. Chaque carte est unique, avec des détails différents sur chaque carte comme les accessoires, les fonds, la couleur du pelage etc.  (Club sportif Sedan Ardennes)

L'objectif est le même pour la Fédération française de tennis. Les acquéreurs d'un siège numérique sur le Central auront accès à un club dans lequel leur seront réservé une série d'avantages exclusifs : possibilité de gagner les balles de matchs joués sur le Central lors de l'édition 2022, billets VIP pour Roland-Garros et pour le Rolex Paris Masters, des visites personnalisées du site ou encore des rencontres avec des joueurs et joueuses du circuit.

NFT et jeu de Fantasy font la paire

Le Stade français, premier club du Top 14 à s'être lancé dans les NFT en mars dernier, a lui choisi une autre option. Après avoir proposé à l'achat des cartes à l’effigie du club et de ses joueurs, le club veut aller plus loin. "Nos NFT vont s'adosser à un jeu de Fantasy (jeu où les participants endossent le rôle de propriétaires d'équipes sportives, et défient d'autres joueurs sur la base des résultats des vrais joueurs et équipes, ndlr) pour la saison prochaine, une première dans l’ovalie, annonce Georges-Henry Bediou, directeur du développement et de la communication du club. Les cartes auront une double fonction : un rôle dédié à la collection, soit le rôle traditionnel des NFT, et elles pourront aussi avoir un rôle dans le jeu."

Une double fonction qui apportera donc une valeur supplémentaire à ces NFT en fonction des performances. "On peut enrober cela de tout un tas de petits discours marketing, comme créer de nouvelle communauté ou attirer de nouveaux publics, mais la raison de ces projets divers est avant tout financière", argue l'économiste Julien Pillot. 

Communauté élargie, un atout devant les sponsors

Ces nouvelles communautés intéressent autant les grands que les petits clubs, et pour cause, puisqu'une communauté élargie est un atout de taille devant les sponsors. "Si votre base de fans est plus large, vous allez la monétiser auprès des partenaires, et cela va générer indirectement des revenus pour les clubs", traduit Magali Tézenas du Montcel, spécialiste de l'économie du sport.

D'ailleurs, la démarche des NFT s'inscrit dans une logique plus large, celle de la diversification de l'économie du sport. "Le modèle économique des clubs de foot est à repenser, qu'ils soient professionnels ou amateurs. Tous les clubs sont en difficulté", constate le président du Club sportif Sedan Ardennes, Marc Dubois.

"A Sedan, si nous n'avions pas entamé une démarche d'innovation, le club aurait du mal à survivre."

Marc Dubois, président du Club sportif Sedan Ardennes

à franceinfo sport

Si la pandémie de covid et ses répercussions financières ont pu enclencher certaines dynamiques, "rien ne démontre toutefois une relation de cause à effet pour cet engouement envers les NFT", appuie l'économiste Julien Pillot. "Le facteur prépondérant de notre projet est cette innovation de plus en plus bouillonnante dans le monde des NFT. Nous ne voulions pas être en reste", reconnaît Amélie Oudéa-Castera. Prochaine étape, le métavers, autrement dit le monde virtuel, que les acteurs du sport commencent à s'appropier ? "C'est en effet la réflexion d'après. Le métavers fait partie de notre feuille de route." Le monde du sport n'a donc pas fini de se réinventer.

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