Marie Appriou, une double championne du monde de boomerang qui œuvre pour le développement de son sport
Cette Bordelaise de 24 ans a conservé son titre de championne du monde de la discipline, mercredi. Professeure d'EPS, l'athlète est également active sur les réseaux sociaux pour promouvoir son sport.
"Je ne suis pas Nadal, Federer ou Bolt ! Je ne suis personne !" Au moins, le ton est donné. Marie Appriou a beau avoir conservé sa couronne de championne du monde de boomerang, mercredi 24 août à Gradignan (Gironde), pas question de se prendre pour une autre. Il y aurait pourtant de quoi avoir la grosse tête, tant le petit objet fait partie intégrante de sa vie. Et qu'importe si elles ne sont que sept à participer à la compétition.
"J'ai fait ma première compétition à huit ans", sourit la jeune femme aujourd'hui âgée de vingt-quatre ans. Chez les Appriou, le boomerang est une affaire de famille. Son père Michel, "passionné de tout ce qui vole", est le patient zéro de ce virus. "Ma femme s’embêtait à me regarder lancer, donc elle s'y est mise, sourit-il. Marie nous a ensuite suivis." Depuis ses premières joutes mondiales à Seattle, en 2008, l'aînée de la fratrie s'est aguerrie. "Je faisais partie de l'équipe internationale avec d'autres jeunes, se souvient-elle. Mais eux faisaient 1m80, moi, j'étais une Minimoys (rires)."
La Bordelaise d'un mètre soixante-dix a désormais bien grandi. Sacrée championne du monde en 2018, elle a remis le couvert cette année à Gradignan, à dix kilomètres du domicile familial. La star de ces Mondiaux, c'est elle. Trois jeunes serveuses embauchées au domaine de Moulerens, où se déroule la compétition, n'ont d'yeux que pour elle. "Deux élèves sont même venues me voir avec une banderole, c'est génial", se réjouit Marie Appriou. Il faut dire que le collège où elle enseigne l'EPS se situe à Saintes, 130 km plus au nord.
Des moqueries au collège à la couronne mondiale
Auprès de ses élèves, Marie Appriou assume pleinement son activité. Eux-mêmes le lui rendent bien et lui envoient des messages de soutien. Ce n'était pourtant pas gagné. "Au collège, j'ai été embêtée et j'ai failli arrêter", alerte la lanceuse, qui évoque un "harcèlement". "A partir du moment où tu fais quelque chose de différent, tu es considérée comme un ovni", soupire-t-elle.
La passion familiale a finalement pris le pas sur ces railleries. Les voyages au bout du monde - systématiquement aux frais des participants - l'ont convaincue. "Pourtant, je n'avais plus aucun plaisir, évoque-t-elle. En même temps, j'étais la seule en France, à part ma mère !". L'anecdote prête à sourire, elle en dit surtout long sur le caractère confidentiel du boomerang. La discipline compte 200 licenciés dans l'Hexagone. "Un tiers des pratiquants français sont à ces Mondiaux", glisse son père.
"On connaît notre valeur : être champion de boomerang, ce n'est pas être champion de foot."
Michel Appriou, organisateur des Mondiaux de boomerangà franceinfo: sport
"Au niveau féminin, il y a un vrai trou, concède Michel Appriou. Beaucoup de pays ne font pas l'effort de former des lanceuses." Cette faible compétitivité relativise, forcément, la performance de la Française. Cela ne l'empêche pas de se satisfaire de son statut de star du microcosme. "C’est marrant, ça fait Spiderman ! Tu mets ton costume, ici on te voit, mais dans la rue, tu es lambda", rigole-t-elle.
Ses amis ne manquent pas de la saluer. "Quand je vais en soirée avec des copains, je me présente simplement. Et y’a toujours un pote qui arrive et dit 'Mais vous savez, elle est championne du monde !'", clame-t-elle. "Et ça, ça me gène."
Son ton assuré et jovial tranche pourtant avec ses dires. Sur les réseaux sociaux, elle n'est pas non plus du genre à se cacher. Malgré une audience confidentielle, la jeune lanceuse y est très active, dans le but de promouvoir sa discipline. Sur YouTube, on trouve tantôt des vlogs de voyage autour du boomerang, tantôt des conseils dispensés à ses abonnés. Le style est à l'image d'une jeune femme pressée et hyper dynamique, sur le terrain comme en dehors.
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Car contrairement aux apparences, la pratique du boomerang requiert des qualités physiques certaines et un entraînement sans failles. "C’est un sport d’intelligents et de fainéants : plus je suis intelligente, moins je cours et mieux je sais régler mon boomerang", illustre-t-elle ironiquement.
L'EPS comme vecteur de développement
On la retrouve exténuée après sa première épreuve individuelle, l'endurance. Elle devait lancer - et rattraper - son boomerang le plus de fois possible en cinq minutes. "Je suis restée lucide, j'ai vu le vent tourner donc j'ai adapté mon geste", souffle-t-elle. Son score ? 51. "Ca a commencé à être dur au bout de 3 minutes 30."
Ici, la championne du monde Marie Appriou sur l'épreuve d'endurance.
— Elio Bono (@eliobonobo) August 23, 2022
Le principe ? Lancer (et récupérer) son boomerang un max de fois en 5 minutes. Elle vient de battre son record : 51. pic.twitter.com/PDaf0MAbGY
Preuve de la dimension physique du boomerang, Marie Appriou ambitionne de l'enseigner dans ses cours d'EPS. "Je suis prof pour de multiples raisons, énumère-t-elle. Le harcèlement en fait partie, mais je veux aussi faire découvrir ma discipline." Nouvellement mutée dans la région parisienne, elle préfère ne pas se projeter trop vite. "Dans l'histoire, les activités qui ont bondi en France l'ont fait grâce à l'EPS", éclaire la jeune enseignante. De là à voir le boomerang suivre les pas de l'ultimate, il n'y a qu'un pas.
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