Mathieu Valbuena donne sa version de l'affaire de la "sextape"
Après des semaines de silence, à voir son nom associé à une sordide affaire de racket et de chantage, Mathieu Valbuena a enfin donné sa version des faits. Dans l'édition à paraître ce vendredi du quotidien Le Monde, le joueur de l'OL revient sur ce scandale, sa génèse, le rôle joué par son coéquipier en équipe de France, Karim Benzema qui a été mis en examen pour "complicité de tentative de chantage et participation à une association de malfaiteurs". Valbuena évoque indirectement les conséquences de l'affaire et les répercussions qu'elle pourrait avoir sur les Bleus.
Comment l'affaire éclate
Au départ de toute cette histoire, il y a un téléphone portable dans lequel se trouverait cette fameuse vidéo que Mathieu Valbuena n'est pas convaincu qu'elle existe - "pour l’instant, il n’y a pas de vidéo, c’est ça le problème ! Est-ce qu’il y a une vidéo ? On n’en sait rien, c’est ça le pire. Je suis très dubitatif sur son existence même" -. Ce téléphone tombe un jour, durant l'été 2014, entre les mains d'un certain Axel Angot, "quelqu’un qui gravite autour des joueurs et qui avait beaucoup de connaissances". C'est une sorte "de concierge de luxe, toujours à la disposition des joueurs", explique Valbuena. Même s'il n'a pas forcément confiance en cet homme, Valbuena lui demande un service : "qu’il me transvase tout ça de mon ordinateur à mon nouveau téléphone car il est très bon en informatique". Il aurait profité de ce moment pour "faire une copie vite fait du contenu (du) téléphone".
En mai 2015, Djibril Cissé, entendu par les policiers dans cette affaire, prévient Valbuena de l'existence d'une vidéo. "'Je l’ai vue, la vidéo, mais fais ce que tu veux, je sais que t’es costaud, si t’as prévenu ta famille, y a pas de souci'" a dit Cissé à Valbuena. Un mois plus tard, le chantage commence alors que le joueur se trouve à Clairefontaine pour un rassemblement de l'équipe de France. "Un numéro privé" insiste "quatre ou cinq fois" sur l'un des portables du joueur. Valbuena finit par décrocher : "Et là, j’ai un type qui ne se présente pas et qui dit qu’il a une vidéo de moi, qu’il faut qu’on se voit et que j’envoie un homme de confiance à Dubaï… Un truc de fou furieux !". Avec l'aide de "Momo" (Mohamed Sanhadji, le policier en charge de la sécurité des Bleus, ndlr), Valbuena comprend qu'il s'agit d'un chantage. Le joueur porte plainte et laisse le dossier entre les mains des policiers qui le convoquent le 4 octobre, veille d'un nouveau rassemblement, pour faire le point. "Il me prévient : 'Si quelqu’un vient vous voir pour vous parler de ça, directement ou indirectement, ne soyez pas surpris…'". Ce quelqu'un, ce sera Karim Benzema.
Le rôle de Karim Benzema
Le buteur de l'équipe de France, l'une des plus grandes stars françaises actuelles, est donc le fameux intermédiaire dont le nom est apparu dans les écoutes téléphoniques faîtes par la police. A la plus grande surprise de l'ancien olympien dont la relation avec le Madrilène avant cet épisode était bonne. "C’est un collègue de travail, je ne suis pas cul et chemise avec lui non-stop, mais il n’y a aucune animosité entre nous, aucun problème. C’est un coéquipier". Benzema "insiste beaucoup" pour que Valbuena rencontre quelqu'un, "un ami qu’il présente comme très fiable, très sérieux, en qui il a une confiance totale, afin qu’il m’arrange tout ça". "La façon dont il m’a amené les choses, c’était bien pour m’inciter à voir quelqu’un, indirectement, ça veut dire payer cette personne pour détruire cette vidéo".
"Dans les discussions, j’ai dit à Karim : 'T’as vu, Djibril, il a eu la même chose, en 2008.' Et il m’a répondu : 'Et alors, il a payé ?' Je lui ai dit : 'Ben ouais, il a payé.' Lui : 'Et c’est sorti ?' Je lui ai dit : 'Ben non.' Après, il m’a répété plusieurs fois que j’avais affaire à 'des gros voyous'. Il m’a dit : 'C’est quand même chaud, la vidéo. Je sais que moi, la famille et tout… Faut être costaud.' Bon, il m’a dit aussi : 'Si tu veux pas, laisse-les filer, y a pas de souci. Après, je peux te présenter mon ami…' On en revient toujours à ça. Je suis plus que déçu. Je me dis que c’est un manque de respect, tout simplement. Tu ne peux pas avoir un comportement comme ça avec quiconque. A la fin, au moment de partir, Karim m’a dit : 'Je fais quoi ? Je donne ton numéro ? Je te donne son numéro ?'". Jamais Valbuena n'a voulu entré en contact avec l'ami de Benzema.
Les suspicions de Mathieu Valbuena
Ce premier contact pour évoquer l'affaire entre les deux hommes sera suivi d'un autre, en octobre dernier. A une époque où le nom de Benzema est apparu dans les journaux. D'après Valbuena, le joueur de Madrid commence à s'inquiéter. "Il me dit : 'Mat, mon nom est sorti, c’est quoi ce bordel, je ne peux pas être dans des affaires comme ça…' Je lui réponds : 'Karim, écoute, y a rien de spécial, t’as rien fait, y a pas de souci.' Mais au fond de moi, je me dis que c’est quand même bizarre qu’il ait voulu me faire rencontrer cette personne-là. Après il me dit : 'Il va falloir faire un démenti, c’est chaud, ça va prendre des proportions de fou, moi j’ai une fille et tout.' Je lui réponds : 'Karim, ça ne vient pas de moi. En bon citoyen, j’ai juste porté plainte. Après, j’y peux rien si dans les écoutes téléphoniques il y a ton nom qui ressort à plusieurs reprises.' Et sur le démenti éventuel, je lui dis : 'Je ne peux pas le faire tout de suite, je vais attendre et voir.' Ensuite, j’ai essayé de le rassurer en lui disant : 'Si un jour je dois le faire, je le ferai, je l’ai fait pour Djibril… Mais pour l’instant, je ne peux rien faire.' A ce moment-là, je sais bien que la grosse différence entre Djibril et Karim, c’est que Djibril ne m’a jamais demandé de rencontrer quelqu’un. Alors que Karim, lui, l’a fait".
Vidéo : affaire Valbuena/Benzema : une histoire d'enregistrements
La relation entre Valbuena et Benzema
Si avant cet épisode, les deux hommes n'étaient pas forcément complices mais encore moins ennemis, cette histoire risque de tout changer. "C’est sûr qu’il y a un après, mais ce qui est certain aujourd’hui, c’est que moi je suis victime", assure le joueur de l'OL. La retranscription des écoutes téléphoniques - "ils vont lui pisser dessus" - parue dans les journaux n'a pas amélioré l'image du Madrilène auprès du Lyonnais. "Ses propos témoignent d’un manque de respect. Moi, je respecte tout le monde, mais là, j’ai l’impression de me faire prendre pour un con…". Avant d'ajouter : "je ne peux être que très très très déçu, et constater que la relation avec Karim, elle n’est pas aussi sincère qu’il pouvait peut-être le prétendre". Même à mon pire ennemi, je ne ferais pas ça", avoue-t-il.
En déposant plainte, Valbuena sait très bien ce qui est en jeu : l'équipe de France, ses liens avec Benzema. Mais il assume. "Que ce soit Karim Benzema ou qui que ce soit d’autre, la justice est pour tout le monde. Moi, je défends mon honneur, je suis victime, j’ai pas envie de passer pour une trompette, je suis droit dans mes baskets, je peux me regarder en face dans une glace". Face à la juge, il n'a pas cherché à protéger son coéquipier en équipe de France, il a simplement "dit ce qui s’est passé". "C’est pas de ma faute si Karim s’est mis là-dedans… De toute façon, dans l’histoire, il a tout faux", conclut-il.
L'équipe de France
La révélation de cette affaire et la mise en examen de Karim Benzema le 5 novembre dernier a eu des conséquences directes. Ce jour-là, Didier Deschamps annonçait sa liste pour les matches amicaux contre l'Allemagne et l'Angleterre. Ni Valbuena, ni Benzema n'y figure. Pour la plus grande tristesse du premier pour qui jouer "pour (son) pays, c’est toujours quelque chose d’extraordinaire pour (lui), c’est (sa) bouffée d’oxygène". Régulièrement appelé depuis la prise de fonction de Deschamps en 2012 et toujours convaincant, Valbuena a vécu cette non-convocation comme "une double-peine". Il est inquiet car à la fin de la saison il y a un Euro à domicile qu'il ne veut pas rater.
Interrogé sur la possibilité d'être mis à l'écart par Deschamps qui pourrait préférer Benzema, car arme offensive numéro 1 des Bleus, Valbuena "ne pourrait pas comprendre" un tel traitement. Il est d'ailleurs prêt à rejouer avec Benzema sous le maillot bleu. "Personnellement, je n’ai jamais eu de problème pour jouer avec Karim, bien au contraire. Il n’y a pas de souci. Jouer avec des gens avec qui je ne me suis pas bien entendu, à Marseille, je l’ai fait. Pour moi, en équipe de France, le groupe passe avant tout, avant les individualités, les ego (...) Je peux rejouer avec lui".
Les soutiens, les rancoeurs, Nasri
Mathieu Valbuena a assuré avoir reçu le soutien de certains coéquipiers en équipe de France dont il est proche. A Lyon aussi, où il est arrivé cet été et où a été formé Karim Benzema, ses coéquipiers l'ont soutenu tout comme son président, Jean-Michel Aulas. Mais le silence de la Fédération française de football a son sujet a plus de mal à passer. "Je n’ai pas eu de soutien. Quand on ne sait pas ce qu’il y a dans le dossier, qu’on puisse défendre Karim, OK, mais qu’on parle aussi de moi ! Encore une fois, dans cette histoire, je suis victime".
Amer après ce constat, Valbuena évoque aussi le cas Samir Nasri. D'après Le Monde, le joueur de Manchester City se serait proposé pour faire l'intermédiaire à la place de Benzema. "Oui, pfff. Après, c’est quelqu’un qui n’est plus en sélection. Mes relations ont toujours été difficiles avec Nasri. Maintenant, plus rien ne me surprend. Quand tu es dans une histoire de racket et que tu trouves ces noms-là, c’est presque comme si tu étais chez les fous". Ebranlé par cette affaire qui n'est pas encore terminée, Valbuena a confiance dans sa capacité à rebondir. "Beaucoup de gens veulent me déstabiliser, mais je me relèverai toujours, comme je l’ai toujours fait".
Vidéo : "Sextape", une affaire qui traînera au moins jusqu'en mars
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